Spécial 120 ans
1898-1907

Chaque mois, la rédaction de Terre&Nature extrait de ses archives des articles étonnants. Des reflets d’une décennie de nouvelles agricoles, souvent représentatives de la vie rurale des Romands d’alors

1898-1907

Bizarreries animales
Des volailles ou encore des veaux «monstres». Le journal agricole illustré, l’un de ses atouts, est friand dès ses débuts des erreurs de la nature, les plus étranges ayant vu le jour quelque part dans le monde. Il les dévoile au départ sous la forme de gravures, puis en photo. On y voit des bêtes «qui possèdent tantôt deux têtes, tantôt trois jambes; un corps enflé, rebondi, rempli d’eau». L’explication du rédacteur est simple: «Eh bien toutes ces bizarreries de la nature sont dues souvent à la mauvaise constitution de la mère, à une irrégularité de la circulation du sang ou encore à un atavisme.»


Relais scientifique
La question peut sembler saugrenue, mais méritait que l’on s’y intéresse: les odeurs respirées par les vaches ont-elles un effet sur la qualité de leur lait? En 1903, Le Sillon traduit une étude en ce sens réalisée par la Société royale d’agriculture d’Angleterre. Le constat de départ est clair: une fois tiré, le lait s’imprègne des odeurs auxquelles il est exposé (comme «l’essence de térébenthine, du camphre ou encore la fumée du tabac»). Mais qu’en est-il de celui se trouvant encore dans le pis de la vache? Il serait aussi influencé, révèle le Dr Vieth. Voilà les agriculteurs romands avertis!


En 1904
Toujours à la recherche des dernières nouveautés, le journal présente le fameux semoir Pintus (à gauche).


A toute vapeur!
Les machines à vapeur font leur apparition dans les champs américains, faisant rêver les paysans de nos régions. Le Sillon relaie ces avancées technologiques dans ses colonnes, même s’il consacre beaucoup plus d’articles aux soins des chevaux, alors encore très utilisés en Suisse.
Le journal importe aussi des semences de pommes de terre, mais aussi de blé ou d’orge, avec de grands rendements, qu’il revend à ses lecteurs. Il se charge d’ailleurs de leur répondre personnellement dans une rubrique spécifique, quelle que soit leur question.


Dès le début, Albin Schorro souhaite que son journal soit utile aux agriculteurs. Alors il crée une rubrique dans laquelle les rédacteurs ou des experts répondent directement à leurs questions, souvent très pointues (à gauche).


Rapidement enrichi
Les lecteurs du Sillon sont vite gâtés. Dès 1900, le journal s’étoffe. Il contient de nouveaux suppléments, ce qui lui permet notamment de justifier la hausse du prix de l’abonnement (de 2 fr. 60 à 3 fr. 20 par an). On peut y découvrir Le Petit Sillon, s’adressant aux jeunes agriculteurs, Le Foyer et les Champs ainsi que Le Paysan suisse, organe officiel de l’agriculture helvétique.


 

 

 

En 1906
La rédaction milite pour la promotion du journal, qui se donne pour mission d’améliorer le quotidien des paysans.


Un premier bilan
En 1907, Albin Schorro, fondateur du Sillon, revient sur les 10 ans du journal. L’habitant d’Estavayer-le-Lac (FR) écrit qu’en 1898, «l’agriculture romande était encore bien arriérée comparativement à l’agriculture allemande et étrangère; […] elle était désorientée par les modifications économiques et financières du pays». L’exode rural était alors fort. Il fallait trouver les arguments justes et valoriser ce métier pour encourager les jeunes à rester sur le domaine familial. En une décennie «l’enfant au berceau est devenu fort. […] On lui a appris à manier les armes pour la défense de ses intérêts. […] L’agriculture n’est plus aujourd’hui un métier, mais elle devient une science.» Le Sillon a joué le rôle d’intermédiaire, presque de professeur, estime-t-il, car «c’est par la presse que les idées se forment. C’est par la presse qu’elles se multiplient et se vulgarisent.» Le tirage est passé de 6000 à 20’000 exemplaires.


 

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): DR