Chez les bovins, la fécondation in vitro jouit d’une popularité croissante
Faire progresser plus rapidement la génétique d’un troupeau grâce au transfert d’embryon: voilà une quarantaine d’années que ce procédé est utilisé en Suisse pour les sujets exceptionnels. Les avancées technologiques ont cependant révolutionné ce domaine. La fécondation in vitro (FIV) remporte ainsi toujours plus de succès. À tel point qu’elle devrait probablement s’imposer, à terme, comme la méthode de choix et remplacer celle, standard, où l’embryon est conçu de manière traditionnelle, avant d’être prélevé (lire l’encadré).
Si le Tierspital de Zurich était jusqu’à récemment la seule structure à proposer cette technique, en collaboration notamment avec des vétérinaires privés, Swissgenetics fournit désormais ce service depuis l’an dernier, à Ins (BE). De quoi en faciliter l’accès aux éleveurs romands. «L’évolution à l’échelle internationale, avec environ 70% d’embryons issus de la fécondation in vitro, va clairement dans ce sens, note Christoph Böbner, directeur de Swissgenetics. Après une année, 45% de notre production le sont déjà par FIV. Et le nombre de clients intéressés est bien plus important que ce que nous estimions. Notre objectif est de 2000 embryons par année avec cette méthode, soit un tiers du marché suisse; nous en sommes actuellement à 900.»
De sérieux atouts
Si Swissgenetics a attendu avant de proposer ce service, c’est surtout pour une question de progrès technique et de coût d’un tel laboratoire. «Nous avons fait de premiers essais – qui ne se sont pas révélés concluants – il y a une vingtaine d’années. Le processus a énormément évolué et, aujourd’hui, il s’avère beaucoup plus facile à mettre en œuvre.» L’entreprise collabore avec Bovite, un des leaders mondiaux de la production in vitro, basé au Canada.
Un développement si rapide s’explique par les nombreux avantages qu’offre cette technique. La possibilité de prélever des oocytes chez une génisse dès l’âge de 9 à 10 mois, soit trois à quatre mois plus tôt, permet de gagner un temps précieux. «Les progrès d’élevage, surtout à l’échelle internationale, vont toujours vite», dit Christoph Böbner. Autre atout, et non des moindres: on obtient une plus grande variation d’embryons avec un seul cycle, au contraire de la méthode traditionnelle, où seul un taureau peut être utilisé par récolte. Ce qui augmente les combinaisons génétiques.
«Le fait qu’on utilise moins d’hormones lors de la préparation de la génisse m’a convaincu», indique Dominique Savary, éleveur à Sâles (FR), qui recourt chaque année à ce procédé pour la meilleure jeune vache de sa génération, sur la base de l’analyse de son génome. La récolte d’oocytes peut avoir lieu toutes les deux semaines, et ce jusqu’au troisième mois de gestation. Si certaines races ont de meilleures performances, on acquiert en moyenne quatre embryons par récolte, soit davantage que la méthode traditionnelle.
En outre, la différence de prix minime entre les deux procédés explique également une part de ce succès. On compte environ 300 à 350 francs par embryon en standard, contre 350 à 400 francs en fécondation in vitro. «L’éleveur doit être conscient qu’il ne s’agit que d’une moyenne, observe Christoph Böbner. Le tarif étant de 1000 francs par cycle, finalement on peut très bien se retrouver avec un seul embryon, voire zéro.»
En chiffres
1960, début des inséminations artificielles en Suisse.
1981, premier transfert d’embryon du pays à Rueyres-Treyfayes (FR).
2018, premières fécondations in vitro au Tierspital de Zurich.
2022, premières fécondations in vitro à Mülligen (AG) par Swissgenetics.
6000 veaux issus de transfert d’embryon naissent chaque année en Suisse; 1,6 million à l’échelle mondiale.
300 à 400 francs pour un embryon en transfert, contre environ 60 en insémination artificielle.
Réservé aux meilleures
Reste que cette méthode n’intéresse pour l’heure que les agriculteurs possédant des vaches ou des génisses avec une génétique excellente. «Notre clientèle est composée de deux types d’éleveurs. Certains souhaitent reproduire leurs championnes ayant eu du succès en exposition, alors que d’autres travaillent sur la génomique de façon à développer la prochaine génération. Nous avons aussi des vaches âgées exceptionnelles qui ne peuvent plus porter.» Si les laitières sont majoritaires, quelques hérens de combat, ainsi que des Japonaises wagyu, ont bénéficié de cette technique.
L’objectif des éleveurs est soit d’utiliser les embryons pour leur cheptel, soit de les vendre, notamment à l’export. «À l’heure actuelle, sur notre site à Ins, nous proposons la fécondation in vitro uniquement pour des génisses et des vaches taries, parce que nous n’avons pas les installations destinées à celles en lactation. Nous les accueillons de quelques jours à quelques semaines, afin de les préparer.» À noter que la FIV ne perturbe pas le cycle œstral normal de la donneuse, ce qui lui permet de faire des embryons tout en restant dans le troupeau reproducteur et de vêler à intervalles réguliers.
Deux méthodes qui diffèrent
Lors de la technique standard utilisée pour le transfert d’embryon, une superovulation est provoquée chez la donneuse, avant qu’elle ne soit inséminée. Les embryons sont rincés sept jours plus tard, puis directement implantés dans une receveuse – qui doit être synchronisée au niveau de son cycle – ou congelés. Dans le cas de la fécondation in vitro (FIV), des oocytes sont prélevés chez la donneuse, puis transférés dans un laboratoire spécialisé – au Tierspital de Zurich ou à Mülligen (AG), chez Swissgenetics. Ils seront alors fécondés avec la semence d’un ou plusieurs taureaux. Un substrat – qui change quotidiennement – reproduit les conditions utérines. Après sept jours également, les embryons sont prêts à être implantés ou congelés. Ceux obtenus par FIV entraînent généralement des taux de gestation de 50 à 60%, comparables aux 60% pour ceux produits in vivo.
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