Des machines à l'image des exploitations qu'elles servent

High-tech ou de seconde main, le tracteur s'inscrit dans des visions et des modèles d'agriculture très variés. Pas encore au point, l'électrification se fait, elle, encore attendre.
18 juillet 2024 Horace Perret
Antoine Hentsch de la ferme et du marché bio des Éterpis à Gollion (VD) conduit un tracteur d’occasion qui a 13 000 heures de service. © Olivier Vogelsang

Julien Bugnon, agriculteur à Cottens (VD), s’est associé à deux collègues pour créer l’entreprise Dicifood qui exploite leurs trois domaines et produit des aliments rares comme le sorgho ou le boulgour. Ils cultivent leurs 150 hectares à l’aide de trois tracteurs de dernière génération, d’une largeur de 2,55 m. (contre 1,8 m. en moyenne pour une voiture), qui cumulent 650 chevaux.

Une telle puissance entraîne de lourdes charges, dont le plus gros poste est le diesel. «On dépense 30 000 francs par année en lien avec nos tracteurs, soit environ 50% des charges de mécanisation totale. Si l’on veut être technologiquement au top, il faut en assumer le coût», reconnaît l’agriculteur.

Les domaines s’agrandissent

Dans les campagnes, la croissance en taille des tracteurs a souvent accompagné celle des domaines. En 2022, une entreprise agricole exploitait en moyenne 21,6 hectares de surface utile, une superficie qui a doublé depuis 1975. Quand on sait que la surface pouvant être entretenue par un être humain sans aide mécanique varie de 2 à 5 hectares, on comprend qu’il est difficile de se passer de machines.

Les normes de qualité des produits et celles liées à la protection de l’environnement exercent aussi leur influence sur le parc de machines. «Pour les moissons, par exemple, un taux d’humidité nous est imposé; si on le dépasse, on gagne moins, on ne doit donc pas perdre de temps», explique Julien Bugnon. S’ajoute à cela le réchauffement climatique qui bouleverse le calendrier des travaux et resserre les fenêtres météo, incitant les agriculteurs à bien s’équiper pour agir vite.

Nouvelles fonctionnalités

Les gains de productivité apportés par les fonctions des nouveaux tracteurs les rendent également très attractifs. Parmi celles-ci, on trouve la coupure de tronçons par GPS qui permet d’optimiser l’épandage des traitements en réduisant les recouvrements. Lorsque le module GPS détecte qu’un des tronçons est au-dessus d’une zone déjà traitée, il envoie un signal 
électrique.

Celui-ci permet de fermer automatiquement la partie concernée pour économiser les intrants. Avec une précision de l’ordre de 2 cm, cette technologie améliore aussi les rendements lors des semis en évitant les chevauchements. Selon Julien Bugnon, «le GPS par satellite à lui seul permet un gain de 10-15%».

Revers de la médaille

Mais cette modernisation de la flotte et, surtout, ses mensurations XXL ne sont pas du goût de tout le monde. Dans les campagnes, les roues de ces énormes machines risquent de déborder des chemins bétonnés pour former des ornières sur les côtés. Dans les champs aussi, ces machines lourdes ont un impact, puisqu’elles peuvent contribuer à un compactage du sol néfaste aux rendements. Afin de réduire ce risque, les fabricants équipent leurs nouveaux modèles de pneus extralarges et capables de travailler avec de faibles pressions de gonflage pour répartir la charge.

Les agriculteurs sont conscients du risque eux aussi et tentent de limiter les dégâts. «Le problème avec un gros tracteur, c’est que l’on est tenté de forcer les limites, quand il faut semer par exemple, alors que les sols sont encore humides. Il faut trouver un arbitrage entre le risque de faire de gros dégâts et la nécessité d’agir», estime Antoine Hentsch. Cet agriculteur bio de Gollion (VD) cultive ses 12,1 hectares à l’aide d’un seul tracteur, acheté d’occasion, qui cumule plus de 13 000 heures de service.

L’électrique pas encore prêt

Ce modèle à contre-courant de l’escalade technologique va de pair avec un attachement à l’aspect écologique du travail et une volonté de réduire son empreinte carbone. «Le mieux est de recycler le vieux et de le tirer jusqu’au bout. Refaire du neuf avec du vieux, c’est la seule vraie démarche écologique», insiste-t-il.

Le secteur agricole a une responsabilité de ce point de vue puisqu’il contribue à 16% des émissions de gaz à effet de serre en Suisse. L’électrification des tracteurs n’a pourtant pas encore décollé. «Les premiers modèles font timidement leur arrivée, mais ils sont encore 15-20% plus chers que les tracteurs à essence», constate Antoine Hentsch. Pour Julien Bugnon, «les tracteurs électriques ne sont pas encore au point. Quand ils arriveront, on sera intéressés, mais la recharge doit se faire avec des énergies renouvelables.» Certains rêvent d’ailleurs déjà de recharger leur tracteur avec l’énergie produite par les panneaux solaires de leur toit.

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