Des messages de détresse inscrits par des titans mécaniques

Symbole de l'agriculture moderne, le tracteur a été au centre des révoltes agricoles. Cette série d'été revient sur la place qu'occupe ce véhicule dans les champs, sur les routes et dans les cœurs.
7 août 2024 Horace Perret
© Jo Bersier / Agence B

S’il y a une image que l’on retiendra de la révolte qui a gagné les campagnes cet hiver, c’est celle de ces tracteurs de toutes les couleurs et toutes les tailles, avec leurs slogans dessinés sur des panneaux, se dirigeant en files indiennes vers les villes.

L’arrivée de ces géants mécaniques en milieu urbain a provoqué l’effet de sidération recherché: impossible de ne pas les remarquer avec leurs pneus géants, leurs cabines panoramiques et leurs moteurs vrombissants et, donc, d’ignorer leurs messages.

Des convois remarqués

C’est ainsi que le 3 février dernier, à l’appel de l’organisation paysanne Uniterre, une trentaine de tracteurs de la campagne genevoise convergeaient vers la plaine de Plainpalais pour revendiquer une rémunération correcte du travail des paysans et une plus grande transparence dans la fixation des prix.

À Goumoëns-la-Ville (VD), le 29 février, 200 tracteurs se sont coordonnés pour former les trois lettres du signal de détresse SOS au nom du groupe «Révolte agricole Suisse», tandis qu’ils étaient entre 500 et 800 à écrire le mot «dialogue» à Estavayer-le-Lac (FR) le 22 mars.

Si ces impressionnants véhicules qui font passer les SUV pour des fourmis ont été mis en scène lors de ces épisodes, c’est qu’ils sont devenus un symbole à l’égal des vaches dans les prés de la ruralité. Depuis leur apparition dans l’après-guerre, ces machines bénéficient d’un fort attachement de la part de leurs propriétaires.

Cheval de trait moderne

«Le tracteur, c’est la fierté de l’agriculteur, un peu comme le camion pour le chauffeur ou la Tesla du cadre supérieur», analysait le sociologue Jean Viard dans un article du quotidien français Libération l’hiver dernier. Il faut dire que ces «animaux de trait des temps modernes» ont révolutionné le travail des agriculteurs, diminuant sa pénibilité et augmentant la productivité. Il a marqué le début de l’agriculture intensive avec l’arrivée de la chimie et la montée en puissance de la mécanisation.

Au fil des décennies, le nombre de tracteurs n’a cessé d’augmenter, les machines se perfectionnant, devenant plus puissantes, plus lourdes et plus confortables, avec des cabines qui ressemblent désormais à des cockpits d’avion aux écrans tactiles et une isolation phonique quasi totale.

Entre 1955 et 2022, leur nombre a plus que quintuplé en Suisse selon l’Office fédéral de la statistique, atteignant les 148 080 véhicules immatriculés. La marque Fendt domine le marché helvétique devant John Deere, Deutz-Fahr, New Holland et Massey Fergusson.

Plus puissants, plus lourds,
plus chers

La puissance des moteurs a elle aussi progressé. En 2003, la classe des 81 à 140 CV était encore minoritaire par rapport aux tracteurs de moins de 75 CV. Vingt ans plus tard, c’est le contraire: un peu plus de 60% des modèles immatriculés se situent dans cette classe de puissance. Qui dit plus de chevaux dit aussi plus de poids. La majorité des machines pèse aujourd’hui entre 4 et 6 tonnes, certaines allant jusqu’à 8 voire 10 tonnes. Quant au prix, il suit la même tendance.

Acquérir un tracteur neuf coûte très cher, environ 110 000 fr. pour un modèle de puissance moyenne (102-121 CV), jusqu’à 300 000 fr. pour les modèles les plus puissants (272-340 CV). Dans ce contexte, le leasing est fréquent, les fabricants n’hésitant pas à mettre en avant ses avantages comme la possibilité de déduire fiscalement les mensualités en tant que charges d’exploitation.

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