Des paysans genevois qui séquestrent le carbone seront récompensés

Le projet Résulterre aide les agriculteurs à réduire les émissions de gaz à effet de serre en captant le CO2, tout en améliorant la qualité du sol et en renforçant sa résilience. Les rémunérations sont liées aux résultats.
18 août 2024 Véronique Curchod
Pionnier de ces nouvelles approches culturales, Jonathan Christin, agriculteur à Aire-la-Ville (GE), estime que le potentiel d'amélioration des sols est immense.
© Fabien Scotti
Pionnier de ces nouvelles approches culturales, Jonathan Christin, agriculteur à Aire-la-Ville (GE), estime que le potentiel d'amélioration des sols est immense.
© Fabien Scotti

Si l’agriculture – à tort ou à raison – est souvent montrée du doigt pour son impact environnemental, elle peut au contraire également contribuer à réduire l’empreinte carbone de l’humanité. Un nouveau projet, baptisé «Résulterre», vient d’être lancé dans le canton de Genève.

Né du Plan climat cantonal 2030, il a pour objectif premier de séquestrer un maximum de carbone organique dans les sols. Et ainsi de permettre au monde agricole de tendre vers un bilan neutre en matière de CO2. «Mais il ne s’agit pas uniquement d’un projet climatique, souligne Sébastien Gassmann, adjoint scientifique au secteur sols/sous-sol de l’Office cantonal de l’environnement. Il apporte également des bénéfices sur plusieurs plans, tant agricoles qu’environnementaux.»

Terres ouvertes ciblées

Afin de parvenir à remplir cet objectif, il existe plusieurs axes d’amélioration des pratiques agricoles: maintenir à un niveau élevé la teneur en matière organique des terres, notamment grâce aux couverts végétaux, réduire le travail du sol comme le labour, et diversifier les rotations de cultures. «On améliore ainsi la qualité du sol et, in fine, sa fertilité, note Sébastien Gassmann. Et on le rend plus résilient face aux événements climatiques extrêmes. Une terre riche en matière organique agit comme une éponge: en cas de fortes précipitations, elle absorbe davantage d’eau. Et en cas de canicule, elle garde plus longtemps un taux d’humidité élevé.»

L’engouement pour Résulterre a été si fort que nous n’avons pas pu intégrer toutes les demandes.

Le projet cible les terres ouvertes, les prairies permanentes ayant déjà un bilan positif en matière de séquestration du carbone. Il a pour but de servir de modèle expérimental pour les autres cantons, en testant sur le terrain les diverses pratiques et en alimentant ainsi les connaissances. «Résulterre a été reçu très favorablement de la part des agriculteurs et agricultrices, se réjouit l’adjoint scientifique. L’engouement a même été si fort que nous n’avons pas pu intégrer toutes les demandes.»

En chiffres

2024, le lancement du projet Résulterre 
sur le terrain, après plus de deux ans de préparation. Il durera jusqu’en 2031.

2200 hectares de terres cultivables genevois, soit près d’un quart de la surface agricole du canton de Genève.

43 exploitations agricoles.

15 000 tonnes de CO2 séquestrées annuellement comme objectif.

80% financés par la Confédération, le reste par le Canton.

6 partenaires techniques et scientifiques: AgriGenève, HEPIA, HAFL, HEG Genève, UniNE, AGRIPIGE.

Différence visible à l’œil nu

Dès le début de la mise en place du projet, des paysans ont été impliqués. Jonathan Christin, d’Aire-la-Ville (GE), est l’un des pionniers de ces nouvelles approches culturales. «Le potentiel d’amélioration de la qualité des sols est immense, admet l’agriculteur genevois. J’ai moi-même intégré ces pratiques – semis direct et couverts végétaux – depuis plus de quinze ans. Des mesures ont confirmé que le taux de matière organique de mes sols avait presque doublé pendant cette période. Et la différence est visible à l’œil nu: ma terre est plus noire, a une texture moins compacte et sèche moins vite.»

La qualité d’un tel couvert végétal est primordiale afin qu’il puisse exprimer pleinement son potentiel non seulement pour séquestrer le carbone, mais aussi pour réduire le lessivage du sol, le protéger de trop fortes chaleurs et augmenter la biodiversité de la parcelle.

«Je privilégie un mélange avec une très grande diversité d’espèces – quatorze en tout – qui possède une bonne résilience en fonction des conditions climatiques de l’année, relève Jonathan Christin. Et j’opte pour une proportion assez grande de légumineuses. En outre, semer le plus tôt possible après la moisson permet d’augmenter la biomasse du couvert.»

Bonnes performances primées

Le mode de rétribution est aussi l’une des grandes nouveautés de ce projet. Au lieu de donner une somme fixe pour une prestation type effectuée par l’agriculteur – comme c’est le cas pour les paiements directs traditionnels –, les subventions seront versées en fonction du résultat obtenu. «L’augmentation de la teneur en matière organique du sol va être déterminée et des contributions complémentaires allouées en fonction des valeurs mesurées, explique Sébastien Gassmann. Ainsi, chaque agriculteur ou agricultrice est libre de choisir le moyen le plus approprié pour parvenir aux résultats souhaités. Il n’est, par exemple, pas interdit de labourer, même si on sait que cette pratique réduit la teneur en carbone du sol.»

Un autre volet important du projet est lié au transfert de connaissances techniques. Plutôt que de se baser uniquement sur des cours théoriques, l’accent est mis sur des ateliers participatifs, afin que les paysans puissent échanger sur leurs réussites. «On est conscient que ce projet représente un défi pour les exploitations en agriculture biologique, pour lesquelles le labour est un moyen de lutte contre les adventices, admet Sébastien Gassmann. Mais l’objectif est justement de concilier l’agriculture de conservation avec le bio, en partageant les expériences.»

De nombreux programmes

La multiplicité des travaux de recherche abordant la question du sol montre à quel point la qualité de celui-ci est essentielle. En Suisse romande, différents projets bénéficient du financement de l’Office fédéral de l’agriculture dans le cadre du programme «Ressources», ayant pour but d’améliorer l’utilisation durable des ressources naturelles.

«Terres vivantes», dans le Jura, s’engage à promouvoir et à développer des mesures agricoles adaptées à la préservation de la structure des sols, en limitant l’impact des activités des paysans sur celle-ci et en augmentant la quantité de matière organique présente.

Financé par le Canton de Vaud, «Progrès Sol» vise pour sa part à développer une série d’outils d’autodiagnostic de la fertilité des sols propre aux agriculteurs. Dans le Seeland, une autre initiative a pour objectif de maintenir et d’améliorer à long terme la capacité et la sécurité de rendement des terres de la région des Trois-Lacs, grâce à des mesures de technique culturale.

Envie de partager cet article ?

Achetez local sur notre boutique

Découvrez les produits

À lire aussi

Accédez à nos contenus 100% faits maison

Abonnez-vous

La sélection de la rédaction

Restez informés grâce à nos newsletters

Inscrivez-vous
Icône Connexion