Encore marginale, la culture de fleurs s'avère agréable et surtout rentable

Aux Breuleux (JU), la famille Simonin consacre une partie de ses terres agricoles à la production de fleurs bios. Disponibles en autocueillette, leurs dahlias, tournesols et gueules-de-loup séduisent aussi les fleuristes.
25 août 2024 Céline Duruz
Au sein de leur exploitation de 48 hectares, Laurent Simonin 
et sa femme cultivent de nombreuses variétés de fleurs qui font le bonheur de fleuristes jurassiens.
© Vincent Muller
Au sein de leur exploitation de 48 hectares, Laurent Simonin 
et sa femme cultivent de nombreuses variétés de fleurs qui font 
le bonheur de fleuristes jurassiens.
© Vincent Muller

Dans le hameau du Roselet, au cœur des Franches-Montagnes (JU), se trouve un domaine particulier. Depuis que Julia et Laurent Simonin ont repris l’exploitation familiale en 2017, ces parents de six enfants – elle est titulaire d’un master en théologie réformée, lui est informaticien de formation – n’ont cessé de se diversifier.

Les Simonin ont commencé par convertir leurs 48 hectares en culture biologique, par conviction. Puis ils ont choisi d’y élever des vaches salers aux cornes impressionnantes, des poules dans un poulailler mobile, des cochons de pâturage, et se sont mis à l’agroforesterie en 2021, combinant le soin de leurs fruitiers à la culture de céréales. Mais la parcelle dont Julia Simonin est la plus fière est celle qui est entièrement dévolue à la culture de fleurs, située non loin d’une route cantonale très fréquentée menant à la Fondation du Cheval.

Secteur vivace en Angleterre

Au Royaume-Uni, de nombreux producteurs cherchent à réhabiliter une culture florale oubliée. Il n’est ainsi pas rare de trouver ces plantes vivaces ou annuelles chez les fleuristes, qui surfent sur la tendance de la consommation bio, locale et de saison, même quand il s’agit d’un bouquet. Les Britanniques ont appelé ce mouvement «Flowers from the Farm» (les fleurs de la ferme). Selon FranceInfo, le chiffre d’affaires des floriculteurs anglais s’est envolé de 50% entre 2019 et 2022.

Julia Simonin s’est inspirée de ses homologues anglo-saxons pour créer son champ de fleurs, puisant de précieux conseils sur leur croissance dans des ouvrages anglophones, faute de trouver des équivalents dans la langue de Molière. Ces cultures ont aussi un autre avantage: elles sont extrêmement photogéniques et donc très présentes sur les réseaux sociaux, ce qui leur offre une publicité gratuite.

Plus de vingt variétés

«L’an dernier, nous avons planté quinze lignes de dahlias, de tournesols, d’achillées millefeuille, de fleurs de paille ou encore de gueules-de-loup, se réjouit-elle, en admirant son champ coloré. Au total, nous avons semé plus de vingt variétés, dont des tulipes qui ont beaucoup plu. Au vu du succès rencontré, nous avons choisi d’en proposer dix de plus cette année.»

Pourtant, cette réussite n’allait pas de soi. Julia Simonin a passé des heures à feuilleter des livres en anglais pour apprendre les ficelles de la floriculture. Puis il a fallu trouver des graines pour effectuer des semis au chaud, avant de mettre les plantules sur sa parcelle à la fin de l’hiver.

Un gobelet pour 20 francs

«On en trouve aux États-Unis ou en Turquie, détaille-t-elle. Je crée ensuite une partie de mes plantons dans une serre. Certaines fleurs doivent être mises en terre dès que celle-ci s’est réchauffée, alors que d’autres tolèrent des températures basses. C’est parfois compliqué de prévoir les épisodes de gel à 1038 mètres d’altitude!»

En fin de semaine, tôt le matin ou à la nuit tombée, les Simonin récoltent leurs fleurs afin de confectionner des bouquets, vendus au bord de la route ou sur les marchés. «Faire pousser ces plantes aussi haut, sans intrants chimiques et au rythme des saisons, est un défi en soi, souligne Laurent Simonin, qui tond régulièrement l’herbe entre les lignes.

Cette année, la végétation a pris du retard, alors que nous avions commencé nos cultures plus rapidement qu’en 2023. Nos tournesols étaient très demandés pour les brunchs du 1er Août à la ferme, mais on n’a pas pu y répondre, ils n’ont fleuri que le lendemain de la fête.»

Belles jusqu’à l’automne

Sur cette parcelle de 2000 m2, la moitié des fleurs est en effet encore en boutons, promettant de belles récoltes jusqu’à l’automne. «Nous les écoulons en grande partie en autocueillette, poursuit Julia Simonin. Mais pour éviter des calculs mentaux compliqués, nous avons renoncé à les vendre à la pièce, chaque espèce ayant un coût différent. Nous voulons que les gens profitent de la beauté des lieux en récoltant les plantes qui leur plaisent. Nous leur proposons donc de prendre un gobelet de 5 dl, que nous mettons à disposition, et de le remplir avec autant de tiges qu’ils le souhaitent pour 20 francs.»

Si l’immense majorité de leurs clients joue le jeu, il arrive que des fleurs soient coupées clandestinement. «Il ne faut pas se focaliser sur ces cas, au risque de se prendre la tête pour rien, concède Julia Simonin. Finalement, cette parcelle est plus prisée qu’attendu, alors on fait avec.»

Fleuristes conquis

Les amateurs de fleurs locales et durables ont rapidement pris l’habitude de se rendre aux Breuleux. Dans les lignes, ils prélèvent avec soin et à l’aide d’un sécateur les belles des champs qui égaieront leur maison.

Parmi eux se trouvent plusieurs fleuristes jurassiens, préférant choisir les composants de leurs bouquets à deux pas de chez eux plutôt que de les faire venir de l’étranger dans des camions frigorifiques. «La fraîcheur de nos fleurs séduit car elles se conservent plus longtemps, tout comme le fait que l’on n’utilise aucun pesticide de synthèse, ajoute Julia Simonin. Celles qui sont importées en sont souvent couvertes, ce qui ne les rend pas forcément agréables à travailler.»

Marché de niche

En Suisse romande, une dizaine d’agriculteurs proposent des fleurs en libre-service, selon la plateforme cueillette.ch. Même si cette culture reste marginale, l’Union suisse des paysans la prend au sérieux, donnant des recommandations concernant les prix à pratiquer (lire l’encadré).

Une journée sera aussi consacrée aux fleurs suisses le dimanche 1er septembre. Pour la deuxième fois, l’association suisse des fleuristes Florist.ch et JardinSuisse organisent cet événement. Plus de 4000 bouquets de fleurs helvétiques seront distribués dans tout le pays ce jour-là.

«Nous sommes très intéressés par les producteurs de fleurs locales, confirme Thomas Meier, directeur général de Florist.ch. Ils augmentent la durabilité de notre filière et nous souhaitons les mettre en lumière.»

Prix du marché

L’Union suisse des paysans (USP) donne des recommandations pour fixer le prix des fleurs produites par les agriculteurs, souvent vendues en libre-service. Elle a revu les tarifs à la hausse, notamment à la suite de la reprise post-pandémie et de la guerre en Ukraine. «Afin de continuer à rentrer dans leurs frais et de se dégager un revenu, les producteurs de fleurs devraient eux aussi reconsidérer leurs prix», estime l’USP, soulignant qu’ils ont eu tendance à stagner pendant des années. Un tournesol est par exemple vendu entre 1 et 2 francs 50 en fonction de sa taille et de la demande.

+ d’infos www.sbv-usp.ch

+ d’infos www.roselet.ch

Envie de partager cet article ?

Achetez local sur notre boutique

Découvrez les produits

À lire aussi

Accédez à nos contenus 100% faits maison

Abonnez-vous

La sélection de la rédaction

Restez informés grâce à nos newsletters

Inscrivez-vous
Icône Connexion