Entre vignes et vergers, Pierre Dorsaz 
a choisi de ne pas choisir

Pierre Dorsaz a fait le pari de miser sur deux emblèmes du Valais, l'abricot et la vigne. Deux cultures qui se complètent en lui permettant d'absorber les inévitables variations d'un côté ou de l'autre.
8 août 2024 Oriane Grandjean
Aux alentours du coude du Rhône, Pierre Dorsaz cherche à innover, en lançant de nouvelles cuvées de vins élevés en amphore, par exemple, ou en privilégiant des variétés de fruits plus résistants aux maladies. © photos Oriane Grandjean
Il apprécie cultiver des abricotiers. © photos Oriane Grandjean
Sans renoncer à la vigne. © photos Oriane Grandjean

À la cave des Collines de Charrat (VS), Pierre Dorsaz ne prépare pas des cartons de vins ce matin, mais bien des caisses d’abricots pour honorer une commande. Le trentenaire est en effet à la tête d’un domaine pas tout à fait comme les autres, puisqu’il cultive de concert ces deux symboles valaisans. Ses vergers comme ses vignes sont répartis entre les communes de Charrat, Fully, Saxon et Saillon.

En ce mois de juillet, la récolte des abricots bat son plein et le succès est au rendez-vous (lire l’encadré ci-contre). Pas le temps pour autant de se reposer sur son succès, puisque les travaux de la vigne suivent immédiatement, avec le cisaillage et le fauchage de l’herbe. «Après toute cette pluie, il nous faut désormais du soleil pour le vin, dit Pierre Dorsaz. Le raisin a besoin de mûrir.»

Faire le grand saut

Un cep de vigne. Voilà ce que le petit Pierre Dorsaz, à dix ans à peine, avait dessiné pour sa maîtresse lorsqu’elle lui avait demandé ce qu’il voudrait faire plus tard. Le message était clair et ne changera pas. La vigne, il 
l’a dans le sang, en héritage: son père est vigneron à Fully. Les abricots, eux, se grefferont plus tard par le biais de son grand-père maternel, à la tête d’un domaine arboricole. «Comme j’ai hérité de ces deux passions, cela m’a semblé judicieux de faire en parallèle deux CFC de viticulteur et d’arboriculteur. Durant mes études à Châteauneuf, j’ai eu la chance de travailler aux côtés de Marie-Thérèse Chappaz. J’y ai découvert un univers passionnant.»

Reprise en douceur

Pierre termine ses études en 2011 et embraie avec une formation en œnologie à Changins. Dès 2014, il décide de lancer son domaine: «J’ai pris un crédit agricole, loué et acheté des parcelles. Comme mon grand-père arrivait à la retraite, j’ai pu reprendre ses vergers.» Son père ne lui propose pas de travailler avec lui, mais l’encourage plutôt à lancer sa propre structure: «Il avait vu des reprises d’exploitation mal se passer, alors il m’a poussé à me lancer, tout en m’épaulant. On collabore toujours, notamment pour gérer le personnel, et ça fonctionne bien.» Son grand-père lui donne aussi toujours volontiers un coup de main.

en chiffres

5 hectares de vignes.

2 hectares d’abricots.

15 tonnes d’abricots vendus, par un grossiste et en vente directe.

20’000 bouteilles de vin produites chaque année.

13 cuvées à la vente.

Diversification salutaire

Être à la tête d’un domaine viticole et arboricole n’est pas une mince affaire, mais pour le jeune homme, c’est un choix cohérent qui évite de mettre tous ses œufs dans le même panier: «Avec les difficultés liées au changement climatique, il est presque impossible de ne vivre que de l’un ou de l’autre. Il faut se diversifier. Or, ces deux cultures se complètent bien. Le temps de la récolte des abricots arrive juste après les effeuilles à la vigne. Je peux ainsi occuper en continu des travailleurs saisonniers.»

Il y a dix ans, Pierre Dorsaz vendait 1500 bouteilles de son premier millésime. Aujourd’hui, il en est à 20 000 et entend poursuivre cette croissance. «C’est tellement gratifiant de gérer l’intégralité de la chaîne, de la vigne à la bouteille.»

Abricots plus rentables

Du côté du vin, Pierre Dorsaz aime innover: «Chaque année, je fais une ou deux nouvelles cuvées. Certains de mes crus sont vinifiés en amphore. Je viens d’ailleurs d’investir dans une amphore pour les vins blancs», précise le jeune homme en désignant l’imposant objet de terre cuite qui trône dans la cave. Il n’y a pas que la fierté: l’aspect financier entre aussi en ligne de compte. «Lorsqu’on livre son raisin, le prix est tellement bas sur certains cépages, comme le pinot ou le gamay, qu’on ne couvre pas nos frais.»

À l’avenir, le jeune producteur pense même arracher certains parchets de vigne pour les remplacer par des abricotiers. «Ce marché n’est pas saturé, il y a toujours de la demande pour des abricots du Valais.»

Multiplication des traitements

S’il y a un aspect sur lequel raisin et abricot sont touchés de la même manière, c’est celui de l’impact du changement climatique. «Durant mon apprentissage, il y a quinze ans, on faisait cinq ou six traitements par an sur la vigne. Il n’est désormais pas rare qu’on en applique jusqu’à quinze. Il en va de même pour les abricots, où l’on a doublé les traitements. Et cela ne va pas aller en s’améliorant. Il faut toutefois nuancer ces chiffres puisque je me passe désormais de produits de synthèse pour réaliser mes traitements.»

Des vignes sur fil

Le jeune homme n’est pas pour autant défaitiste et adapte ses cultures pour les aider au mieux à supporter cette évolution. Côté vigne, il mise sur des parcelles mécanisables et des plantes sur fil, plus hautes, afin de laisser circuler l’air et de réduire la pression des maladies.

Devant la cave, les caisses d’abricots sont prêtes. Un coup d’œil à la montre: c’est le moment de les livrer. Puis Pierre repartira dans ses vergers. Les vacances, elles, attendront.

+ d’infoswww.cavelescollines.ch

Bon début de saison pour les abricots

Malgré une météo capricieuse, la production des abricots a été faste cette année. Cela a en tout cas été le cas pour Pierre Dorsaz, qui estime que les dernières années ont été bien plus difficiles que 2024. Le gel n’a pas touché les fleurs et, sur son domaine, il n’a dû mettre en route l’arrosage que durant deux nuits. Les pluies ont tout de même eu un impact: certaines variétés ont été durement touchées par la moniliose. Le Valaisan n’exclut pas, à l’avenir, de changer certaines variétés pour en planter d’autres, plus résistantes.

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