Les moissons terminées, quel premier bilan tirent les centres collecteurs?
Juin et juillet ont été animés pour les agriculteurs de grandes cultures. Les tracteurs se sont relayés dans les centres de collecte, où les paysans ont, en cette mi-août, presque terminé de livrer leur récolte.
Lorsqu’on parle des moissons, il s’agit principalement de celles des céréales panifiables, qui, comme le blé, seront transformées en farine, mais aussi des céréales fourragères, destinées aux animaux, comme l’orge. Dans le même temps, les centres reçoivent aussi le colza, battu vers la mi-juillet.
Une année difficile
En 2024, les précipitations ont été plus importantes que l’an dernier. «On a commencé en semant dans la boue et fini en récoltant sous la pluie, résume Jacques Wurtz, technicien agricole à AgriGenève, faîtière genevoise. Hélas, on cultive du blé, pas du riz!» Au-delà de la boutade, les excès d’humidité ont deux effets néfastes.
Premièrement, ils sont propices au développement de maladies fongiques et de mycotoxines. Au-delà d’une certaine quantité, elles rendent les céréales impropres à la consommation humaine, obligeant à les «déclasser». Deuxièmement, l’excédent d’eau a un impact sur la quantité. «Quand les plantes en ont trop, elles stressent et abandonnent des épis, explique Jacques Wurtz. Et moins elles ont de feuilles pour la photosynthèse, moins elles produisent de grains.»
Disparités régionales
À Genève, «ce n’est pas bon, mais pas aussi catastrophique que l’on pensait, précise Jacques Wurtz, estimant une baisse de rendement de 20% pour le blé. Sanitairement, on est dans la norme du panifiable. Au moins, il n’y a pas de risque pour les humains, et le blé n’a pas dû être déclassé.» En terres vaudoises, Steve Corminboeuf, directeur de Vaud Céréales, qui regroupe sept centres collecteurs à l’ouest du canton, est plus négatif.
Sur les 20 000 tonnes de blé reçues au total, près de 380 tonnes ont dû être déclassées. La faute aux précipitations importantes survenues sur l’arc lémanique et le Nord vaudois. Toutes céréales confondues, le Vaudois constate un rendement inférieur de 25% par rapport à 2023. «On peut parler des plus mauvaises moissons des quinze dernières années», indique-t-il, craignant que sa société ne rentre pas dans ses frais malgré les récoltes d’autres cultures attendues cet automne.
Un blé léger
Mal servi par les événements climatiques depuis octobre, le blé a accusé un mauvais développement qui le rend particulièrement léger. Autour de 82 kg par hectolitre en 2023, Steve Corminboeuf parle cette année d’un poids de 77 kg, qui est aussi la moyenne observée au moulin de Romont (FR) par son directeur Martin Stern.
Aucun déclassement néanmoins dans la Glâne, qui subit une baisse de rendement de 30%. Plus touchée, la Broye voit une partie de son blé sous la limite panifiable – placée à 73 kg à l’hectolitre –, que Laurent Bapst, gérant du moulin de Payerne (VD), estime à 15%: «Cela va nous demander un gros travail, car il faudra le trier plusieurs fois.»
Dans tous les cantons, le colza s’en sort mieux, «ou plutôt moins mal», selon Steve Corminboeuf. Semé dans de meilleures conditions météo, il a été moins impacté par l’excès d’eau. «Il a pu faire ses racines avant que les terres soient détrempées», indique Jacques Wurtz. Côté vaudois, cette culture a été touchée par la grêle. «Il y a quand même 10% de moins, mais on ne peut pas l’attribuer au printemps maussade», relativise Steve Corminboeuf.
Quelles conséquences?
Si la légèreté du blé et la diminution de la quantité ne donnent pas d’indication quant à la qualité boulangère de la céréale, des conséquences s’observeront toutefois sur le rendement en farine. «Ça pose problème pour les agriculteurs, mais également pour les meuniers, résume le directeur du moulin de Romont. J’ai une certaine quantité de farine à atteindre, donc je vais devoir aller en chercher ailleurs.»
Sur le plan national, le bilan de la récolte étant attendu pour le mois d’octobre seulement, on ne saura pas tout de suite quels impacts ces moissons auront à l’échelon politique. «Mais je ne serais pas étonné de voir augmenter les quotas d’importation», conclut Martin Stern.
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