L’histoire de la race Holstein à travers les yeux d’une jeune éleveuse
Lauriane Henchoz a 18 ans. Cadette d’une fratrie de quatre filles, elle a choisi de poursuivre la tradition familiale de l’élevage et travaille aujourd’hui avec son père, Pascal Henchoz, sur leur domaine d’Essertines-sur-Yverdon (VD), qui compte 80 vaches holstein.
À l’occasion des 125 ans de la coopérative Holstein Switzerland, la réalisatrice jurassienne Pauline Jeanbourquin, 29 ans, a suivi le quotidien de cette jeune productrice laitière passionnée, des allées de l’écurie à celles des concours, et jusqu’au Québec, où Lauriane Henchoz s’est rendue, comme le fit son père vingt-huit ans avant elle, pour en apprendre davantage sur les origines de cette race laitière emblématique façonnée de l’autre côté de l’Atlantique. Des images qui ont donné vie au documentaire Le cœur à l’élevage, un film de 45 minutes sensible et initiatique, diffusé prochainement.
Lauriane Henchoz, à quel âge avez-vous décidé de suivre les traces de votre père et de devenir productrice laitière?
J’accompagne mon papa à l’écurie depuis que je suis toute petite. C’est vraiment lui qui m’a transmis sa passion pour le bétail et pour la holstein. Mon arrière-grand-père avait des simmentals, mon grand-père a changé pour des red holsteins et mon père s’est lancé dans l’élevage de holsteins. Quand j’étais enfant, j’allais avec lui aux concours et je demandais à rater l’école pour pouvoir l’accompagner. À l’âge de 13 ans, j’étais décidée à suivre ses pas.
Pauline Jeanbourquin, comment vous est venue l’idée de réaliser ce documentaire?
Cette mission m’a été confiée par l’agence de production lausannoise 23bis. La coopérative Holstein Switzerland avait fait appel à elle quelque temps plus tôt pour des créations graphiques et souhaitait lui confier la production d’un film retraçant l’histoire de la race. Je connaissais quelqu’un de l’agence, qui m’a proposé de me charger de la réalisation. Cela m’a tout de suite intéressée. Je suis moi-même petite-fille de paysan et j’ai passé une grande partie de mon enfance dans la ferme de mes grands-parents, dans le Jura.
Bio express
Formée en cinéma à l’ECAL, la réalisatrice Pauline Jeanbourquin (à g.) a suivi pendant près d’une année le parcours de l’éleveuse Lauriane Henchoz, qui a terminé son CFC d’agricultrice en août dernier. Les deux femmes posent ici dans l’écurie de la ferme familiale des Mollanges, à Essertines-sur-Yverdon (VD), où s’est déroulée une partie du tournage du film.
Quel était le mandat de départ?
P.J.: Holstein Switzerland imaginait un documentaire qui retrace les 125 ans de la race, quelque chose d’assez informatif et historique, avec des images d’archives, mais ils m’ont laissé la liberté de proposer autre chose. Je ne me sentais pas prête à aborder des sujets trop techniques et trouvais intéressant au contraire de passer par des thèmes universels, comme la passion, la transmission, la famille, qui parlent à la fois aux professionnels et au grand public. J’ai suggéré de parcourir l’histoire de cette race à travers le regard d’une jeune femme qui débute dans ce métier.
Comment avez-vous choisi la famille Henchoz?
P.J.: En faisant mes premières recherches, je suis tombée sur une galerie de photos de Junior Bulle Expo, un concours réservé aux jeunes éleveurs. J’ai vu des images de Lauriane et elle m’a tout de suite parue très cinégénique. Comme elle était encore mineure à ce moment-là, j’ai d’abord contacté son père et nous nous sommes rencontrés pour parler du projet.
Le tournage s’est déroulé entre le canton de Vaud, celui d’Argovie et le Québec. Combien de temps a-t-il duré?
P.J.: Nous nous sommes rencontrées en janvier 2023, le tournage a commencé en mars pour une durée de douze jours, répartis sur une année.
Il y a beaucoup d’émotions dans le film. Est-ce que c’est une dimension à laquelle vous vous attendiez toutes les deux?
L.H.: Il n’y a aucun jeu ou volonté de ma part, cela fait juste partie de ma personnalité et de celle de ma famille. Les tournages duraient 10 h par jour, nous oubliions complètement la caméra.
P.J.: L’émotion, c’est ce que je recherche avant tout dans mes documentaires. Et c’est aussi ce que j’ai perçu en premier chez la famille Henchoz, que j’ai tout de suite trouvée très sincère et généreuse dans ses récits.
Lauriane Henchoz, on vous sent notamment très touchée lorsque votre votre père vous fait le cadeau de choisir cinq embryons d’un élevage canadien avant votre départ pour le Québec. Qu’est-ce que ce geste représentait pour vous?
C’était très valorisant, j’ai pris cela comme une marque de confiance de sa part. J’ai d’ailleurs pu ramener finalement huit embryons de cet élevage canadien, qui seront posés cet hiver.
Qu’est-ce qui vous a surprise dans le troupeau de cet agriculteur québécois chez qui vous avez vécu quelques jours?
L.H.: La taille de l’exploitation et du cheptel. Là-bas, tout est plus grand que chez nous. La famille avait 170 vaches à l’attache, on ne voit jamais cela ici. Et leurs holsteins sont plus grandes et plus massives, car elles n’ont pas besoin d’être adaptées à l’extérieur, comme chez nous.
Le film dévoile une très grande complicité entre votre père et vous, alors qu’il n’est pas toujours facile pour deux générations de travailler ensemble…
L.H.: Durant le tournage, j’étais encore apprentie et je ne travaillais pas à plein temps à la maison. Aujourd’hui, je suis de retour tous les jours sur la ferme. Ce n’est pas forcément facile tout le temps, il y a parfois quelques tensions ou désaccords, mais on laisse couler et on en discute par la suite. Peut-être que, comme fille, j’ai davantage cette facilité à parler. Et puis j’ai beaucoup d’admiration pour mon père, qui a énormément œuvré pour développer l’exploitation familiale et le troupeau. Il a toujours été un exemple pour moi.
Visionnez le premier épisode
+ d’infos Le cœur à l’élevage sera visible sur la page YouTube de Holstein Switzerland en fin d’année et en 2025 sur la RTS.
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