Par beau temps, le victiculteur de Bofflens sort le sécateur
En cette période de froid, les sols gelés du domaine de Christian Dugon craquent sous les semelles. Par beau temps, le vigneron-encaveur de Bofflens (VD) sort tailler ses vignes. Fort de plus de quarante ans d’expérience, il privilégie deux techniques: la taille Guyot mixte et la taille Cordon de Royat double, inspirée du sud de la France. «La seconde convient à un système plus mécanisable, en permettant une précoupe de la vigne et sans utiliser de branche à fruits comme dans la taille Guyot», explique-t-il en montrant les raisins grainés tous à la même hauteur, signe de l’équilibre de la végétation.
Pour diminuer ses coûts de production et face à la pénurie de personnel, accentuant la concurrence avec l’étranger, le Vaudois récolte aujourd’hui la moitié de ses surfaces en vendanges mécaniques. À noter que le prix du raisin reste plus faible que dans d’autres régions, ce qui l’oblige d’autant plus à rationaliser le temps de travail et les dépenses. «C’est possible dans les zones peu pentues, où nous obtenons une bonne qualité de récolte grâce à l’évolution des machines au cours des quinze dernières années. Mais nous avons également des secteurs avec 25 à 30% de pente où la mécanisation n’est pas aussi simple.»
Cépages résistants et croisés
Comme de nombreuses exploitations mixtes du coin, celle de Christian Dugon possède une petite surface de vigne (4 hectares), à côté des 45 hectares destinés aux grandes cultures et à l’élevage bovin. «Nous avons récemment fait le choix de restreindre notre domaine viticole de 2 hectares, après le départ à la retraite d’un employé», indique le viticulteur, qui travaille à deux avec sa compagne Stéphanie Pittet. Entre Orbe et Yverdon-les-Bains, les vignes sont morcelées sur plusieurs villages de l’appellation «Côtes de l’Orbe».
La densité est volontairement limitée à 7500 pieds à l’hectare, sur des terroirs caractérisés par des sols graveleux sur marne jaune ou argilocalcaires. La région est particulièrement connue pour ses vins rouges. «Nous avons travaillé avec les stations de recherches sur des cépages résistants comme le divico, le divona ou le cabernet noir, et sur des cépages croisés, tels que gamaret x humagne, gamaret x nebbiolo, gamaret x merlot», détaille Christian Dugon. Objectif: jouer sur la résistance naturelle de la vigne pour moins la traiter.
Dès 2014, l’apparition de la drosophile suzukii a forcé le Vaudois à abandonner progressivement le cabernet Jura, le dunkelfelder ou le cabernet dorsa. Le surgreffage a permis de changer de cépages sans arracher la vigne, en profitant de l’enracinement. «Cette technique rare, testée notamment au domaine Bovard à Cully (VD), ne donne pas 100% de réussite, cela dépend des années.»
Aléas climatiques
Depuis son installation en 1982, le vigneron-encaveur travaille en tant qu’indépendant avec sa propre cave, comme dix autres collègues de la région. Diplômé en œnologie, Christian Dugon s’occupe actuellement de la stabilisation des vins et de la mise au froid, sans oublier l’étiquetage. Le domaine propose une vingtaine de crus. Après la phase de diversification et d’adaptation des cépages, la stratégie vise à restreindre la gamme. Il faut dire que ces dernières années le gel a joué les trouble-fêtes à plusieurs reprises en 2017, 2019 et 2024, sans omettre la grêle en 2021, donnant de petites récoltes. Des aléas climatiques qui s’ajoutent à la crise structurelle.
Du point de vue météorologique, la saison viticole a été compliquée. Le gel du printemps a eu raison de 30 à 80% des parcelles selon les variétés touchées, ce qui a tout de même eu comme avantage de diminuer la charge et d’accélérer la maturité des raisins. Le domaine s’est lancé plus tôt que d’habitude dans les vendanges, échappant ainsi aux grosses pluies d’octobre. «Le risque était que la vigne prenne l’eau des racines, sans oublier la pression des drosophiles. Comme toujours, c’est un coup de poker! Cette année, nous avons eu de la chance.»
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