Poules et coqs ensemble, un modèle éthique et rationnel
«Huhn im Glück», c’est ainsi que Lukas Glauser, 26 ans, a baptisé son projet destiné tant à la production de poulets de chair que d’œufs – qu’il commercialise depuis un an, en direct et avec bonheur. Le paysan bernois est un pionnier en Suisse, comme le fut son père il y a trente ans: Ruedi Glauser fut en effet le premier du pays à se lancer dans la pépinière fruitière certifié Bio et à proposer aux arboriculteurs et aux particuliers de jeunes pommiers, poiriers ou noyers labellisés Bourgeon.
S’il travaille main dans la main avec son père et son frère, Lukas, installé depuis bientôt deux ans sur un domaine qu’il loue à Wichtrach, dans le Mittelland bernois, à quelques encablures de la ferme familiale, a quant à lui choisi d’explorer une voie nouvelle, en parallèle des céréales panifiables et fourragères destinées à ses vaches mères. «Depuis ma formation, je rêve d’avoir des poules. Mais le modèle standard du poulailler, même en bio, ne me faisait absolument pas envie.» Pas question pour le jeune homme d’intégrer un système majoritaire et de reproduire le schéma classique de production d’œufs. «D’une part, je n’avais aucune envie de me retrouver pieds et mains liés à des fournisseurs et d’être intégré à une filière régie par un acheteur. Mais surtout, la mort des poussins mâles, inhérente à l’élevage de poules pondeuses, était pour moi éthiquement inacceptable.»
Un parfait compromis
Lukas Glauser décide donc de créer son propre modèle, ayant adopté une dizaine de mâles reproducteurs pour sa centaine de pondeuses. Il installe dans l’ancienne étable son couvoir, lui permettant ainsi de conserver aussi bien les poussins mâles et femelles qui y voient le jour. Élevés ensemble durant leurs 14 premières semaines de vie, généralement avec les poules adultes, les poussins sont ensuite séparés, de nuit, pour des destinées différentes. «Les mâles sont immédiatement conduits à l’abattoir local, lorsque leur carcasse pèse entre 1,5 et 2 kilos. Les poulettes intègrent quant à elles le poulailler mobile et commencent à pondre vers leur vingtième semaine.»
Pour répondre à ce double but – produire des œufs et de la viande –, Lukas Glauser a opté pour une race de volaille «à deux fins»: la «Coffee&Cream» allemande, issue de croisements de plusieurs races anciennes et affichant des performances équilibrées en matière de ponte et de gain de poids. «C’est un parfait compromis, s’enthousiasme l’éleveur. Et en plus de ça, elle est particulièrement robuste et ne nécessite aucun vaccin ni aucun antiparasitaire, à la différence des poules pondeuses standards qui sont uniquement sélectionnées sur les performances de ponte.»
En chiffres
23 hectares, soit la surface en zone de plaine, à 525 mètres d’altitude, consacrée pour moitié à la pépinière fruitière et pour l’autre à la production de fourrages (herbe et maïs grain), de soja et de céréales.
7 vaches mères suitées.
2 poulaillers mobiles de 150 places chacun.
3 couvées par an, soit environ 300 poussins.
100 abonnements à l’année.
Système d’abonnements
Confronté au risque de consanguinité immanent à tout élevage, Lukas Glauser échange régulièrement ses œufs fécondés à couver avec ceux de collègues ayant adapté les mêmes pratiques et la même race que lui. «Malgré l’extensivité apparente de mon système, je documente toutes les performances de mes animaux, que je corrèle avec la quantité d’aliment ingéré», précise le Bernois, qui vise l’économie des ressources et la durabilité de sa production.
Lukas Glauser a opté pour un modèle d’élevage extensif axé sur le bien-être animal: chacun de ses deux poulaillers mobiles, qui peut accueillir 150 pondeuses, a été conçu pour que l’air frais circule en permanence entre le jardin d’hiver, le perchoir et le couvoir, garantissant ainsi une atmosphère toujours saine. «Nos poules passent leur journée entre les herbages et la pépinière. Elles trouvent de l’ombre sous les arbres, peuvent s’y percher.» Toutes les trois semaines environ, l’éleveur déplace les poulaillers, occupant ainsi successivement les terres grasses et généreuses situés sur les bords de l’Aar. «Les volailles y apportent une fumure loin d’être négligeable!»
Exigeant en temps et en main-d’œuvre, son système offre toutefois des possibilités nouvelles en matière commerciale: «Toute ma production est écoulée en vente directe, via des abonnements.» Pour 390 francs par an, ses clients reçoivent un poulet (les jeunes coqs) avant de pouvoir compter sur une livraison d’environ cinq œufs par semaine. «Au terme de l’année, les abonnés reçoivent encore une pondeuse, sous forme de poule-au-pot», poursuit le Bernois qui s’attelle aussi à la chasse au gaspillage alimentaire. «Si, au bout de deux semaines, les clients ne sont pas venus chercher leurs œufs, nous les transformons en pâtes, également distribués dans les abonnements!»
Développement de races à deux fins
Le type d’élevage avicole à deux fins adopté par Lukas Glauser est devenu le modèle standard chez Demeter. Depuis 2020, le label impose en effet à ses membres que les poussins mâles issus des mêmes couvées que les futures pondeuses soient élevés avec leurs congénères, selon des critères biodynamiques, «profitant régulièrement de sorties en plein air et nourris à l’aliment certifié». Tandis que les poules sont destinées à la ponte, les coquelets sont commercialisés après quelques mois. «Ce projet intitulé «Coq en pâte» garantit la vie des poussins mâles et soutient le développement de races à deux fins, offrant un bon équilibre entre les performances de ponte et la production de viande», assure-t-on chez Demeter.
+ d’infos
www.demeter.ch
+ d’infos
www.biohofglauser.ch
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