Quel est le juste salaire de la main-d'œuvre agricole?

Gérer une ferme, c'est également aller au-devant de nombreux défis financiers. Cette année, Terre&Nature a décidé d'aborder une série de questions en lien avec cette thématique.
27 août 2024 David Genillard 
© Illustration Marcel G.

Cette chronique le rappelait au début de l’année: le revenu agricole a baissé en Suisse. Sous pression avec l’augmentation du coût des énergies et des matières premières, les exploitants tentent de maîtriser leurs dépenses.

La main-d’œuvre est loin d’être un poste négligeable de leur budget: en moyenne, la charge de personnel, assurances sociales comprises, représente environ 40 000 francs par an, selon les chiffres d’Agroscope.

Des contrats types

Trouver le juste équilibre entre salaire équitable et rentabilité économique constitue un défi. En Suisse, l’engagement de cette main-d’œuvre est cadré.

L’Union suisse des paysans, l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales et l’ABLA, organe faîtier des associations professionnelles du personnel agricole, édictent chaque année des fourchettes salariales tenant compte du degré de formation ou de l’expérience.

À cette directive qui reste indicative s’ajoute une base légale plus contraignante. «Les cantons disposent de contrats types, qui fixent les conditions d’engagement et notamment un salaire minimum», explique Jean-Pierre Valiante, directeur de la société Terremploi, spécialisée dans la gestion des ressources humaines des exploitations, au sein de Prométerre.

Variations cantonales

À Genève par exemple, un travailleur sans qualification doit au moins recevoir 3484 fr. et le détenteur d’un CFC 4050 fr. Dans le canton de Vaud, la situation est similaire: respectivement 3506 fr. et 4028 fr.

Les conditions sont nettement moins alléchantes du côté de Berne: un employé sans expérience ou saisonnier ne touche que 3140 fr. au minimum. Ceux qui ont terminé leur apprentissage ne peuvent prétendre qu’à 3710 fr., après cinq ans d’expérience.

Éviter le dumping salarial

Mandatée par 715 exploitants vaudois pour gérer les aspects RH de leur personnel, Terremploi prépare chaque mois 1800 fiches de salaires.

Jean-Pierre Valiante le constate: «Même si chaque producteur est libre de proposer un revenu plus élevé, il est le plus souvent proche du plancher fixé par l’État. La situation financière des ménages agricoles pourrait l’expliquer.»

Ces minima ont pour but d’éviter le dumping salarial: à titre d’exemple, la CCT française fixe le plancher à 11,52 euros. Mais tous les exploitants suisses ne sont pas aussi honnêtes, comme le démontrait en 2022 une enquête d’À Bon Entendeur dans laquelle des témoins évoquaient des salaires horaires de 12 à 14 fr., au lieu des 18 fr. fixés par le canton de Vaud.

Rémunération peu attractive

Ce décalage interpelle: les montants définis par les cantons sont-ils corrects, tant du point de vue des employés que de celui des employeurs? «Si l’on compare à d’autres domaines d’activité, ils ne sont, à première vue, pas mirobolants, mais pas particulièrement bas, réagit Jean-Pierre Valiante. Mais au-delà du chiffre brut, il faut aussi tenir compte de la pénibilité.

Dans le canton de Vaud, le contrat type fixe la durée de travail à 52 h hebdomadaires. On est loin d’un horaire traditionnel de 42 h. Sans parler des responsabilités qu’impliquent la gestion du bétail ou le travail avec des machines agricoles de plus en plus complexes.»

Au-delà du salaire brut, 
il faut aussi tenir compte de 
la pénibilité du travail.

Malgré tout, «on remarque que certains ouvriers restent fidèles à un patron et reviennent année après année, y compris des employés établis en Suisse», souligne Jean-Pierre Valiante.

Salaire peu attractif

D’autres indices montrent en revanche que ces salaires sont peu attractifs. «Terremploi effectue des placements pour des dépannages dans les fermes. Dans les cas de force majeure, comme un accident ou une convocation au service militaire, les exploitants peuvent engager du personnel temporaire à moindre prix, grâce à des subsides du Canton et de la Fédération rurale vaudoise: le producteur va payer 14 fr., mais l’employé touchera entre 22 et 34 fr. 50.

Même dans ces bonnes conditions, la première question que nous posent les candidats est: «Est-ce que vous avez revu vos barèmes?» Cela montre bien que ces salaires ne font pas saliver.»

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