Comment cohabiter avec un chien sans se faire mordre?
Ce matin-là, ni leçon de français ni cours de mathématiques n’attendent une classe de 4P du collège du Rionzi, au Mont-sur-Lausanne (VD). La vingtaine d’élèves a en effet rendez-vous avec Kryspee et Macha, les deux assistants un peu particuliers du jour. Ceux-ci ont un rôle bien spécifique: sensibiliser ces jeunes au comportement adéquat à adopter en présence d’un chien. La fascination pour les canidés est telle que la perspective de passer deux périodes en leur compagnie suscite l’enthousiasme. Mais cette excitation peut justement être à l’origine d’accidents. «Les enfants aiment courir, crier et gesticuler, souligne Nathalie Althaus, vice-présidente de PAM-Vaud (Prévention des accidents par morsures). Autant de réactions qui peuvent agacer l’animal.»
L’association, soutenue par la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires, a pour objectif d’améliorer la sécurité de la population, en particulier des jeunes, face aux incidents impliquant des canidés. La forte augmentation du nombre de morsures dans le canton de Vaud – une hausse annuelle de 11% ces deux dernières années – rend ce travail de sensibilisation d’autant plus important. «La croissance du nombre de chiens à elle seule ne permet d’expliquer qu’en partie ces chiffres», relève le vétérinaire cantonal Giovanni Peduto. À noter que l’immense majorité des accidents est le fait de races non listées comme dangereuses.
Éviter les erreurs
Dans cette classe d’une vingtaine d’élèves âgés de 7 à 8 ans, seuls deux d’entre eux ont un chien à la maison. Les autres les côtoient parfois chez des proches. Si la majorité est à l’aise en leur présence, certains en ont très peur, à la suite de mauvaises expériences. Que cela soit lors d’une visite à un copain, en trottinette sur l’espace public ou en se rendant dans un magasin, les occasions de se trouver nez à nez avec un canidé sont nombreuses. «Les morsures se déroulent en grande partie dans le cadre
familial, note l’animatrice. Mais tout un chacun peut être amené à faire face à une situation potentiellement critique. Et ceux qui ont un chien ne savent pas toujours mieux comment se comporter de manière adéquate.»
Les erreurs sont fréquentes. Qui n’a jamais caressé un animal inconnu sur la tête ou abordé un chien par-derrière, sans l’avertir? «Les enfants sont rarement capables de détecter l’état d’esprit du canidé, et donc de savoir s’il en a marre d’un câlin prolongé ou craint des gestes trop brusques. Pour la sécurité de tous, mieux vaut respecter certaines règles.» La peur ou au contraire l’excès de confiance peuvent en effet conduire à des incidents dramatiques. Et les conséquences psychiques et physiques – un bambin, de par sa taille, a plus de risques d’être mordu au visage – sont souvent durables.
Nombre de cas en nette augmentation
Des groupes de Prévention des accidents par morsures (PAM) interviennent dans tous les cantons romands, à l’exception – à notre connaissance – du Jura. Il existe néanmoins de grandes disparités cantonales quant au nombre d’incidents liés à une morsure. Fribourg et Neuchâtel, par exemple, constatent depuis trois ans une diminution, alors que la situation est totalement différente dans les cantons de Genève et Vaud, où les cas ont explosé. Une corrélation claire entre l’augmentation du nombre de canidés et celle des accidents n’a pas pu être démontrée.
«Entre 2020 et 2022, entre 1000 et 1800 chiens supplémentaires ont été enregistrés chaque année, soit 3 à 5% de plus, note le vétérinaire cantonal genevois Michel Rérat. Néanmoins, l’an dernier a vu une hausse de 42% des morsures contre les humains, alors qu’elle a été de 6% «seulement» en 2020.» Selon les statistiques genevoises, 40 à 60% des bambins blessés connaissaient leur assaillant. «Les cours donnés aux élèves ont un effet bénéfique, puisque le nombre de morsures sur les enfants est resté stable au cours des dix dernières années, alors qu’elle a augmenté chez les adultes.»
Craintes finalement dépassées
Grâce à Truf’ et mini Truf’ – deux peluches grandeur nature –, les élèves exercent les réactions appropriées à avoir dans diverses circonstances de la vie quotidienne. Nathalie et son assistante Francine Jotterand les mettent en scène avec humour, de manière interactive. Pas facile d’apprendre à rester calme et à ne pas courir, même quand on a peur que Truf’ nous vole notre goûter. Afin que chaque élève enregistre bien le message, les mêmes informations sont répétées plusieurs fois.
Le moment fort pour les écoliers reste certainement la rencontre avec les «vrais» chiens, Kryspee et Macha. Tous sont impatients de pouvoir les caresser. Tendre la main de façon à les laisser sentir son odeur, puis gratouiller les flancs: certains sont plus ou moins rassurés. Mais tous arrivent finalement à dépasser leurs craintes. Spécifiquement formés à cette tâche, les deux chiens – qui ont passé un examen officiel – restent d’un calme olympien malgré le nombre de jeunes bruyants avides de dispenser des câlins. «S’il est difficile de mesurer l’impact de ces cours, ils permettent néanmoins aux enfants d’être sensibilisés au respect de l’animal, souligne Nathalie Althaus. Et de recevoir comme mission d’expliquer à leurs parents et amis le message reçu aujourd’hui.»
De nombreux autres élèves auront cette année la chance de bénéficier de ces cours. Nathalie et les autres animatrices du PAM, qui s’investissent sans relâche dans cette tâche, ont près de 400 interventions prévues cette année, alors qu’on n’en dénombrait que 70 il y a trois ans.
Gestes à retenir
Ne jamais déranger un chien qui dort ou mange.
Toujours demander la permission de caresser un chien inconnu.
Ne pas s’approcher d’un chien en laisse attaché seul devant un magasin.
Ne jamais fixer un chien dans les yeux.
Lâcher son goûter si un chien en liberté s’y intéresse.
Toujours appeler le chien vers soi si on souhaite avoir une interaction avec lui.
S’arrêter, les bras le long du corps – position dite «du poireau» –, si un chien en liberté s’approche.
La position de sécurité – dite «la pierre» – consiste à s’accroupir, la tête entre les jambes et les mains sur la nuque.
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