«La qualité de vie d’un animal doit dicter toute décision»
Quelles évolutions majeures bouleversent la pratique vétérinaire?
Le marché économique des animaux de compagnie est devenu un très grand business. Depuis quelques années, on observe ainsi l’émergence de nouveaux acteurs. De grands groupes internationaux ont fait leur apparition en Suisse. Sur le même principe qu’en médecine dentaire, ils rassemblent plusieurs cabinets vétérinaires déjà existants, permettant ainsi de rationaliser certains points, comme les achats de médicaments ou la gestion de personnel.
Quel impact ces rachats ont-ils sur la clientèle?
Pour celle-ci, il ne devrait pas y avoir de différence. D’ailleurs, nombre de cabinets appartiennent à ces groupes sans que les clients le sachent, car l’enseigne et le personnel n’ont pas changé. Le praticien y trouve son avantage, car cela lui permet de se décharger du côté administratif et de la gestion pour se concentrer uniquement sur son métier. Ces investisseurs facilitent également l’achat de matériel diagnostic de pointe. Certains groupes ont cependant une politique commerciale assez agressive qui peut être mal perçue et compliquer la relation entre le propriétaire de l’animal et les vétérinaires.
N’existe-t-il pas des risques de surmédicalisation?
Actuellement, le propriétaire peut encore choisir entre un cabinet proche des gens, qui propose des soins simples, et des cliniques qui offrent une palette énorme, avec spécialistes et équipements dernier cri. À terme, il existe néanmoins un risque que le client soit captif d’un système qui impose un type de médecine hyperspécialisé.
Bio express
Président de la Société des vétérinaires suisses depuis 2018, Olivier Glardon remettra son poste à la fin de l’année. Le vétérinaire avait fondé le cabinet des Jordils, à Yverdon-les-Bains (VD), en 1988. Il officie encore au Papiliorama, à Chiètres (FR), où il prend soin des pensionnaires exotiques, et à la faculté Vetsuisse, où il est chargé de cours en médecine non conventionnelle.
La large palette de prestations ne présente-t-elle pas un avantage pour le détenteur d’un animal?
Oui et non. Naturellement, les possibilités thérapeutiques ont explosé, ce qui est fabuleux. Mais auparavant, le vétérinaire traitant s’impliquait davantage en proposant tel ou tel soin en fonction de la clinique de l’animal et des capacités financières de son client, en gardant un certain bon sens. Désormais, il évoque toute la palette d’outils envisageables, du plus basique au plus complet. Au propriétaire ensuite de choisir. Cette responsabilité peut être vécue de manière extrêmement culpabilisante par ce dernier.
N’est-ce pas, au contraire, le client qui devient de plus en plus exigeant quant aux soins apportés?
C’est aussi le cas, notamment sous influence de ce qu’il se dit sur les réseaux sociaux. Les vétérinaires ont alors parfois de la peine à faire comprendre qu’en Suisse, on respecte d’autres valeurs éthiques et de bien-être animal, notamment en fin de vie, qu’aux États-Unis ou au Japon.
Le souhait de la clientèle de pouvoir accéder à des soins en tout temps a-t-il remodelé les urgences vétérinaires?
Les praticiens ont toujours assuré la prise en charge de leurs patients jour et nuit. Mais les conditions de travail de plus en plus exigeantes ont favorisé l’apparition de nouveaux acteurs, qui se sont spécialisés exclusivement dans les urgences, déchargeant ainsi leurs collègues. Le propriétaire doit néanmoins rester vigilant, certains examens et interventions ne nécessitant pas forcément d’être réalisées pendant la nuit, avec une surtaxe.
D’autres options que la traditionnelle visite en cabinet sont-elles apparues?
Les visites à domicile connaissent un bon développement. Le système a cependant ses limites, car certains animaux sont difficilement examinables chez les particuliers. La prestation intéresse néanmoins nombre de propriétaires qui souhaitent faire euthanasier leur animal dans son cadre de vie.
Est-ce la seule nouveauté?
La télémédecine a démarré lors de la pandémie de Covid-19. Des cabinets diversifient ainsi leurs prestations, alors que d’autres – très rares – se spécialisent dans ce domaine. Pour l’instant, contrairement à certains pays voisins, cette approche n’a pas vraiment décollé. Peut-être parce que dans notre région, les distances sont petites, facilitant ainsi le déplacement en cabinet. D’autant plus que leur densité est élevée. En revanche, entre vétérinaires, la télémédecine s’est largement développée, la technique permettant désormais de transmettre facilement des radios, par exemple, à des spécialistes qui contribueront à pouvoir interpréter ces images, où qu’ils exercent.
Assiste-t-on à une explosion des coûts, comme en médecine humaine?
Sans doute les soins vétérinaires ont-ils vu le prix des prestations et des médicaments augmenter. Mais le problème est complexe et repose sur plusieurs facteurs. Premièrement, plusieurs médicaments avantageux, peu intéressants pour l’industrie pharmaceutique, ont disparu. Ensuite, nombre de vétérinaires ont réajusté leur tarif horaire, qui était objectivement trop bas. Enfin, certains confrères, notamment de la jeune génération, hésitent à se fier à leurs compétences cliniques et préfèrent se baser prioritairement sur des analyses de laboratoires, des radiographies… une approche qui augmente drastiquement les prix.
Quels conseils donneriez-vous au propriétaire d’un animal?
Il doit impérativement demander un devis et fixer ses propres limites budgétaires. Un dialogue économique doit s’instaurer entre le vétérinaire et son client. Ce dernier devrait permettre au praticien de justifier ses propositions. Si j’accepte qu’on fasse une prise de sang à mon chien, qu’est-ce que cela va apporter de plus? On reçoit trop souvent à la Société des vétérinaires suisses des plaintes de clients concernant les tarifs: mieux vaut donc se renseigner avant toute intervention. La question des assurances devrait être plus largement envisagée, suivant les attentes que l’on a.
Sur quelles bases le propriétaire peut-il ensuite décider de ce qu’il convient ou non de faire?
La qualité de vie de son animal, sans anthropomorphisme, doit être la boussole qui dicte toute décision. Elle repose sur cinq libertés fondamentales: l’absence de faim, de soif, de peur, d’inconfort et de douleur, ainsi que la possibilité d’exprimer les comportements normaux de son espèce, par exemple la chasse pour un chat ou la vie en «meute» pour le chien.
Envie de partager cet article ?