Un jeune aigle de 5 ans succédera à Sherkan, célèbre mascotte genevoise

Le pygargue à tête blanche, emblème du Genève Servette Hockey Club depuis 2001, partira à la retraite d’ici deux à trois ans. Nous avons suivi l’entraînement de son remplaçant avant le début de la saison.
14 septembre 2023 Aurélie Jaquet
© Nicolas Righetti/Lundi 13

Juché sur le gant de son fauconnier, le jeune pygargue à tête blanche pose face à l’objectif, à la fois placide et impérial. Avec ses deux mètres d’envergure et ce regard perçant propre à ceux de son espèce, l’animal impressionne et semble déjà tenir son rang de future vedette.

Future seulement, car pour l’heure le rapace de 5ans doit se contenter de la place de second, derrière Sherkan, son illustre aîné, emblème bien connu du Genève Servette Hockey Club. Nous sommes aux Aigles du Léman, à Sciez (F), non loin de la frontière genevoise. Un parc fondé par le Français Jacques-Olivier Travers, fauconnier et grand passionné de ces volatiles, qui héberge les plus beaux rapaces du monde (lire l’encadré).

La retraite approche

Depuis 2001, c’est lui qui se charge de faire voler la célèbre mascotte des Grenats à la patinoire des Vernets avant chaque match à domicile. Mais celle-ci étant âgée de 24 ans, le moment est venu de penser à sa succession. «Ces oiseaux vivent généralement jusqu’à 35ans. Sherkan est en pleine forme et assurera encore sa mission ces deux à trois prochaines années, mais il est temps de préparer la suite afin qu’il puisse profiter d’une retraite bien méritée», explique-t-il.

C’est donc son voisin de volière et cadet, prénommé Sherkan Junior, qui est formé de façon à être prêt à le remplacer le moment venu. «Nous le testerons sur quelques matches cette saison déjà, dans le but de l’habituer peu à peu à l’ambiance de la patinoire», précise Jacques-Olivier Travers.

Il faut dire que la mission de l’emblème des Grenats n’a rien d’anodin et exige des compétences bien spécifiques. «Les aigles étant des planeurs, la descente depuis les tribunes jusque sur la glace pour y déposer le puck est relativement aisée. Mais c’est la remontée qui peut s’avérer compliquée, car ces rapaces s’appuient sur les courants chauds afin de prendre leur envol», poursuit le fauconnier.

Entraînement musculaire

Chaque année après la pause estivale, Sherkan reprend ainsi le chemin de l’entraînement de manière à travailler sa musculature. Un exercice auquel s’est initié pour la première fois cette saison son successeur, et qui consiste en l’enchaînement de distances courtes avec des décollages bas. «Tu peux y aller!» lance Jacques-Olivier Travers à sa collègue Eva Meyrier, postée avec l’animal une dizaine de mètres plus loin.

D’un léger mouvement du bras, la biologiste et collaboratrice du parc donne l’impulsion de départ. Le jeune pygargue s’élance aussitôt et en quelques battements d’ailes vient se poser sur le gant de son dresseur, qui le récompense avec un morceau de poulet.

Un destin hors du commun

À 5 ans seulement, le rapace montre toutes les qualités requises pour succéder à son illustre aîné. «Comme lui, il est très serein et ne semble pas perturbé par les lumières et le bruit. C’est un oiseau très courageux.» Ce sont ces mêmes atouts qui, avant lui, avaient déjà permis à Sherkan de conquérir le cœur des Genevois et de connaître le destin qui est le sien depuis plus de vingt ans.

L’histoire démarre en 2001, par un coup de téléphone de Chris McSorley, le coach canadien tout juste recruté par le Genève Servette Hockey Club. Jacques-Olivier Travers se souvient. «Il m’a dit: «On s’appelle les Aigles, il nous en faut un! Et canadien, comme moi.» On a fait un essai avec un rapace du parc, mais cela n’a pas fonctionné et le projet est tombé à l’eau.»

Peur de rien

Quelque temps plus tard pourtant, un autre appel relance le projet, lorsqu’un homme le contacte pour lui confier son pygargue à tête blanche acheté dans un élevage canadien. «Il m’a dit qu’il était agressif et souhaitait s’en séparer. Je l’ai accueilli ici. C’était Sherkan.» Peu après son arrivée, le fauconnier teste son nouveau pensionnaire lors d’un spectacle au Hallenstadion de Zurich. «Il a été génial, il n’avait peur de rien, ni du bruit, ni de la foule. J’ai rappelé Chris McSorley pour lui dire que j’avais trouvé l’oiseau rare, et c’est comme ça que tout a commencé.»

En vingt-deux ans de carrière, l’homme et l’animal ont assuré plus de 500 matches et participé à des dizaines d’événements officiels avec la Ville et le Canton. «Depuis 2001, il n’a manqué que trois rencontres aux Vernets. Une fois parce qu’il était malade, une autre à cause des mesures contre la grippe aviaire et la dernière, car nous étions invités à l’Élysée par le président Sarkozy», raconte Jacques-Olivier Travers.

Reçu à l’Élysée

Mais l’un de ses souvenirs les plus émouvants avec Sherkan remonte au 6 juin 2009 au cimetière de Colleville-sur-Mer pendant les cérémonies marquant le 65e anniversaire du débarquement en Normandie. «D’anciens combattants présents ce jour-là sont venus nous remercier d’avoir pu admirer l’emblème de leur pays voler au-dessus de leurs anciens frères d’armes.»

Sur le plan sportif, c’est bien sûr le titre remporté la saison dernière par le Genève Servette Hockey Club qui restera dans les esprits. Une soirée historique où la mascotte a une fois encore tenu son rang, malgré un protocole un peu différent et une ambiance électrique chauffée par plus de 7000 spectateurs.

«À l’origine, il était convenu qu’on arrête une fois que le club serait champion. Mais l’aventure va continuer, grâce à cette relève désormais assurée», se réjouit Jacques-Olivier Travers. Le 16 septembre prochain face à Zurich, pour le premier match à domicile de la saison, c’est bien Sherkan l’ancien qui planera au-dessus de la foule. Car l’aigle emblématique n’est pas (encore) prêt à se faire voler la vedette.

 

Cousin européen

Originaire des États-Unis, le pygargue à tête blanche se distingue de son cousin européen à queue blanche. Une espèce qui a longtemps niché au bord du Léman, mais qui a aujourd’hui pratiquement disparu. L’année dernière, les Aigles du Léman ont lancé une campagne de réintroduction de ces rapaces diurnes. Une dizaine de jeunes nés à Sciez (F) ont été relâchés entre août 2022 et septembre 2023. Fondé en 1997, ce parc animalier unique en son genre héberge 220 rapaces de 80 espèces différentes. Les lieux proposent des démonstrations de fauconnerie et disposent d’une volière de 18000 m2, soit l’équivalent de trois terrains de football, dans laquelle cohabitent plus de 60 spécimens.

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