Bâle met son terroir à l’honneur pour la Semaine du Goût
Infos pratiques
Le tumulte de la circulation s’estompe derrière nous lorsque nous bifurquons pour descendre dans la Freie Strasse. Dans la lumière du matin, cet axe bordé de boutiques de luxe, de cafés et de vitrines de joailliers est encore calme. Il y a cinq minutes à peine, nous quittions la gare de Bâle, et il aura suffi de ces quelques centaines de mètres pour nous plonger dans l’atmosphère de la cité rhénane.
Il y a quelque chose d’insaisissable dans l’ambiance bâloise, une étonnante quiétude qui baigne cette ville frontière située à deux pas de la France et de l’Allemagne. Peut-être est-ce ce statut de lieu d’échanges qui confère à l’endroit son charme, cette espèce de dolce vita à la suisse qui donne envie de s’attabler à l’une des terrasses parsemant places et ruelles pour savourer une spécialité locale.
Nous choisissons de résister à la tentation quelques minutes encore, le temps de grimper la saignée entre les bâtiments qui nous mène au pied de la cathédrale. On voit de loin les deux flèches de grès rose du Basler Münster, véritables phares dans la ville qui constituent un point de repère rêvé pour les touristes, mais il faut s’en approcher pour prendre toute leur mesure. Pour découvrir également qu’elles ne sont pas aussi symétriques qu’il n’y paraît: la Georgsturm, celle de gauche, dépasse de deux petits mètres la Martinsturm, construite près d’un siècle plus tard.
Du miel et des épices
En redescendant à travers d’étroites ruelles où l’on pense se perdre à chaque intersection, on se dit que le charme de Bâle tient peut-être à son art de l’élégance dans la simplicité. Ici, le raffinement relève du cachet plus que de l’éclat. Il y a bien quelques dorures ici et là, et la façade peinte en rouge vif de l’Hôtel de Ville ne passe pas franchement inaperçue. Mais au-delà de quelques exceptions, la cité rhénane a l’élégancediscrète. Cette approche se ressent d’ailleurs dans les spécialités locales, notamment dans la plus réputée d’entre elles: le leckerli.
Cette douceur est modeste, comme celle qui apparaît sur le rebord de porcelaine de la soucoupe à côté du café à laquelle on n’a pas résisté plus longtemps. Un simple biscuit rectangle, à la surface blanchie au kirsch et aux angles bien taillés. Ce n’est que sous la dent qu’il révèle sa magie: le goût du miel se mêle à celui des épices, clou de girofle, cannelle et muscade en tête. Puis vient la saveur de l’écorce de citron et d’orange confite, soulignée par le croquant de l’amande et de la noisette. C’est un petit morceau d’histoire de la confiserie que l’on dévore, car le leckerli bâlois tel qu’on le connaît aujourd’hui existe depuis le XVIIe siècle. Un morceau d’histoire de la ville aussi: lieu de commerce international, Bâle est dès le Moyen Âge une plaque tournante des épices et des denrées exotiques qui y affluent par le Rhin. Pour tout connaître du leckerli, une étape s’impose chez un artisan qui tient la dragée haute aux industriels produisant en masse le fameux emblème local: dans la manufacture de Jakob’s Basler Leckerly, on fabrique ces savoureuses spécialités à la main selon une recette ancestrale.
Voyager grâce aux odeurs
Ce patrimoine historico-gastronomique est au cœur des festivités de la Semaine du goût, que l’on vivra avec une intensité particulière à Bâle, élue Ville du goût 2022. D’un bout à l’autre de la cité rhénane, ateliers, dégustations et repas thématiques feront vivre les saveurs d’aujourd’hui et d’autrefois, entre enseignes historiques et approches novatrices. Notre étape suivante fait définitivement partie de la première catégorie: nichée dans l’une des charmantes ruelles piétonnes du Spalenberg, ce pittoresque quartier situé à une encablure de la Marktplatz, la Tee Huus de la London Tea Company (lire l’encadré) est une incontournable. Cela fait 125 ans que la compagnie importe les plus fins des thés d’Inde et d’ailleurs, et entrer dans cette échoppe débordant d’odeurs constitue un voyage en soi.
Les rues se font plus animées tandis que nous repartons vers le Rhin. Près du Totentanz, un grand figuier déploie ses branches au-dessus du trottoir. Un mouvement agite soudain les feuilles: c’est une femme d’un certain âge, perchée sur un escabeau et vêtue d’une robe rigoureusement assortie au feuillage de l’arbre, qui cueille précautionneusement les fruits et s’interrompt dans sa tâche pour proposer une figue à un enfant qui passe par là.
Cette étonnante scène nous fait prendre conscience de l’une des particularités de Bâle: où que l’on regarde, on aperçoit de vieilles pierres, mais surtout de la verdure. Arbres, plantes grimpantes, buissons, pelouses, la végétation s’épanouit partout ou presque, adoucissant la rigueur des façades. Ici, une vigne vierge recouvre un mur, laissant tout juste une place aux carreaux des fenêtres. Là, c’est un massif parsemé de fleurs orange vif sous lequel il faut se glisser pour atteindre une imposante porte de bois. Là encore, les mille baies rouges d’un églantier sauvage qui a su pousser entre deux pierres.
Et au centre coule le Rhin
Le temps de franchir le Dreirosenbrücken, on feuillette le calepin dans lequel on a inscrit la liste des spécialités à ne pas manquer. Les leckerlis? C’est fait. Reste le Magenbrot, ce pain d’épice dont le parfum embaume les rues de la vieille ville durant les marchés d’automne. Les bruns de Bâle, tendres biscuits confectionnés durant la période de Noël, tout comme l’hypocras, vin doux épicé à la cannelle, au clou de girofle, à la muscade et à la cardamome. Les Mässmogge, bonbons rayés qui croquent sous la dent ou les roboratifs Basler Rahmtäfeli…
Vous avez l’impression que la gastronomie locale met exclusivement à l’honneur des friandises sucrées? Vous n’avez pas tout à fait tort: cette ville de carnaval assume pleinement son statut de cité des gourmandises. Mais elle est aussi le berceau de quelques plats salés, comme le Suuri Läberli, ce foie de bœuf ou de veau cuit au vinaigre, la salade de cervelas ou encore le Salm, ainsi que les Bâlois appellent le saumon. Il n’y a pas si longtemps, le saumon de l’Atlantique vivait encore dans le Rhin, et les biologistes espèrent l’y voir revenir.
En attendant, le fleuve est surtout peuplé de baigneuses et de baigneurs. Remontant la rive gauche pour rejoindre le centre par le quartier de Kleinbasel, on les voit émerger, sac étanche à la main, avant de s’asseoir sur la rive pour sécher en savourant un café, une glace ou une bière dans la chaleur du soleil d’automne. C’est ça, la dolce vita à la bâloise.
+ d’infos www.gout.ch
Étapes
Thé d’antan
+ d’infos Tee Huus Basel, Spalenberg 10, www.london-tea.ch
Les secrets du leckerli
+ d’infos Jakob’s Basler Leckerly Manufaktur, St. Johanns-Vorstadt 47, www.baslerleckerly.ch
Expérience gourmande
+ d’infos Roots, Mülhauserstrasse 17, www.roots-basel.ch
Du «lokal» dans l’assiette
+ d’infos Épicerie LOKAL, Erasmusplatz 15, www.lokalfeldberg.ch
Le pain pour religion
+ d’infos Bäckerei KULT, Riehentorstrasse 18, www.baeckereikult.ch
Ça vit sous la coupole
Y aller
En transports publics
Train pour Basel Hauptbahnhof.
En voiture
Autoroute A1, A2 puis A3.
Se restaurer
Belle palette d’enseignes afin de manger sur le pouce à la Markthalle, à deux pas de la gare:
Alte Markthalle, Steinentorberg 20,
www.altemarkthalle.ch
Se renseigner
Basel Tourismus, Barfüsserplatz, Steinenberg 14, 4051 Bâle
Tél. 061 268 68 68
www.basel.com
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