Le visiteur ignorant de l’histoire séculaire de Rue découvre, avec un plaisir teinté d’étonnement, la place importante que ce bourg occupe depuis le milieu du XIIe siècle. D’abord place forte, elle devient plus tard une cité sous la seigneurie du comte Pierre II de Savoie. Certains édifices, dont la maison de la Chapellenie ou la sacristie de la chapelle Saint-Nicolas, remontent à la création de la ville. L’étroitesse des jolies venelles de celle qui fût, avant Romont, le chef-lieu de la Glâne, nous invite à la flânerie. Le long du chemin engazonné qui grimpe de la chapelle en direction du piton rocheux du château, des fleurs printanières égaient le site. Mis aux enchères par le canton de Fribourg en 1856, le château de Rue est depuis lors en mains privées. Mais le pourtour de l’édifice, cerné de ses jardins et dépendances, suffit déjà à nous plonger au cœur d’une autre époque.
Laissant derrière nous le château, nous poursuivons notre balade en forme de boucle à travers le paysage ondoyant de la Glâne. Des fermes y trônent au milieu des vastes prairies et des cultures. Alors que nous bifurquons à gauche après avoir passé le petit pont qui enjambe la Chavanettes, un affluent de la Broye, un panneau attire notre attention. Il indique que les propriétaires du beau domaine se trouvant à une portée de pas, se sont vus décerner une mention récompensant leur gestion des jardins favorisant tant la flore que la petite faune, notamment les papillons. Tournoyant haut dans le ciel, les silhouettes effilées d’une trentaine de milans royaux nous rappellent le retour du printemps.

Un étonnant tunnel
Puis, la descente en direction de notre prochaine étape – le cordon boisé où coule la Broye – la traversée du bois de la Crêta nous avait paru une sympathique variante à notre itinéraire. Mais nous devons y renoncer, le chemin se perdant dans les cultures malgré sa mention sur les cartes. Cette contrariété vite oubliée, nous nous dirigeons en direction du lieu-dit les Échelettes. Bien nous a pris car cela nous permet alors d’admirer le travail artisanal de charpenterie de la ferme «Aux Charrières». Ni vis, ni clous, pour construire la bâtisse, mais des chevilles de bois qui maintiennent de manière efficace l’assemblage de pièces élégamment ajustées. Une fois franchie la route cantonale qui relie Moudon à Oron-la-Ville, nous ne sommes plus qu’à quelques minutes de la Broye. Sur ce chemin, et pour peu qu’il soit devant sa ferme occupé à appointir des piquets de clôtures ou à tronçonner des billes de bois, Bernard Panchaud, dit «Bernard le renard», se fera un plaisir de vous indiquer la curiosité locale: un tunnel d’une longueur de 30 mètres. Creusé dans la roche il y a plus de 100 ans par son grand-père, il dévie d’une zone de pâture les crues du Chavanette.

Les chutes de Chavanettes
Un peu en contrebas, un bruit d’eau prend toujours plus d’ampleur. Les chutes de Chavanettes apparaissent alors entre les arbres dénudés. Au charme de cette cascade de la Broye, haute de 4 mètres pour une trentaine de large, s’ajoute un site idyllique pour le pique-nique. La rivière a conservé ici son caractère naturel et déroule son cours au bas d’une falaise. Plus loin, la rivière est largement canalisée, par endroit renaturée, jusqu’à son embouchure dans le lac de Neuchâtel. C’est de ce lieu délicieusement rafraîchissant que nous rejoignons le centre paisible de Rue que nous avions quitté 3 heures auparavant.