Escapade dans les tourbières de l'Entlebuch
Infos pratiques
Derrière nous, les nuages s’ouvrent lentement pour laisser apparaître les doux reliefs verdoyants de l’Entlebuch. Située entre Lucerne, Berne et Interlaken, cette longue vallée se caractérise par des paysages d’une beauté rare. C’est une succession de collines, de charmants villages et de quelques bourgs plus importants, comme Entlebuch et Schüpfheim, d’où le regard porte loin dans les vallons latéraux, parsemés de champs fraîchement fauchés qui témoignent d’une activité paysanne encore bien présente.
En 2001, ce coin de Suisse a été désigné par l’Unesco comme réserve de biosphère. Divisées en trois secteurs – un noyau, une zone tampon et une zone de transition –, ces régions s’engagent à faire voisiner agriculture et tourisme dans une optique durable qui doit profiter à la population.
Balade au fil de l’eau
L’un des points forts de la Biosphère de l’Entlebuch, ce sont ses tourbières, ces milieux humides recelant une précieuse biodiversité. Un itinéraire de grande randonnée leur est consacré: c’est le Moorlandschaftspfad, ou «sentier des tourbières», un périple couvrant 80 km en cinq étapes. Notre balade du jour suit la quatrième. Elle commence à Gfellen, sur les hauteurs d’Entlebuch, pour nous mener à Stäldeli. Au programme, 14 km de marche entre bois et plateaux alpins, auxquels la végétation particulière de ces biotopes confère une atmosphère unique en son genre.
On suit d’abord un sentier qui serpente au fil de la Grosse Entlen. Les premières centaines de mètres donnent le ton: l’eau sera notre compagne tout au long de cette balade. Plus haut, elle alimente les abreuvoirs où se désaltèrent chèvres et vaches. Si nous ne rencontrons pas beaucoup de promeneurs, sans doute à cause de la météo maussade de cette journée estivale, nous croisons bon nombre d’exploitants, qui travaillent durant la belle saison dans les chalets d’alpage parsemant la zone. Tous plus soignés les uns que les autres, ces refuges se succèdent sur notre tracé.
En pleine nature
Alors que les kilomètres défilent, le paysage se fait plus sauvage. L’eau, elle, est toujours bien présente: on doit souvent enjamber une petite rivière, gonflée par les pluies de la nuit. Peu à peu, l’herbe laisse place à un décor plus luxuriant, auquel l’abondance de fougères et les épais buissons de myrtilles donnent des airs de jungle. Puis tout s’ouvre de nouveau avant d’entrer dans une forêt de pins aux accents nordiques, au point que l’on s’attendrait presque à voir un élan au détour d’une clairière. Sous nos pieds, le sol est humide et élastique, rappelant que l’on approche de la zone des tourbières. Restent quelques pâturages, encore, et nous laissons derrière nous les dernières traces de la civilisation. Cette fois, nous nous sentons vraiment seuls au monde.
On s’arrête pour souffler quelques instants et profiter de la vue; en se retournant, on apprécie le chemin déjà parcouru, avant de poursuivre vers les hauteurs. D’un côté, la chaîne de l’Äbnistetteflue, de l’autre celle du Wissguber, dont les arêtes dentelées sont aujourd’hui noyées dans les nuages; elles forment un impressionnant couloir qui nous mène tout droit vers les hauts marais de Chlusmättili puis de Lanzige. Encore quelques efforts dans une montée en zigzag et l’on arrive dans ce paysage si convoité. Tout est d’un vert profond autour de nous. Le bruit des rivières s’est atténué, l’eau passant partout sous nos pieds et l’épais tapis végétal assourdissant nos pas.
Pieds nus dans l’herbe
L’histoire de ces biotopes rares est marquée par une date: l’année 1987, lorsqu’est adoptée l’initiative de Rothenthurm sur la préservation des marais. Toute construction y est interdite, des réserves sont fondées aux quatre coins du pays de façon à sauvegarder ces milieux qui couvraient 5% du territoire il y a trois siècles. Exploités pour leur tourbe et asséchés afin d’augmenter leur potentiel agricole, ils ont fondu jusqu’à la quasi-disparition. S’il y a un coin dans lequel cette décision a de l’importance, c’est bien l’Entlebuch, où l’on trouve certaines des plus grandes tourbières de Suisse. Plutôt que d’y voir un obstacle et un frein à son développement, la région a choisi d’en faire un atout. Quelques années plus tard, elle a accédé au statut privilégié de biosphère, qu’elle partage par exemple avec le mythique parc Yellowstone, aux États-Unis.
Si les tourbières jouent un rôle central en stockant énormément de carbone, elles abritent également des plantes et des animaux qui ne survivraient pas dans d’autres environnements. Autant dire que nous ouvrons l’œil tandis que nous avançons dans ces plaines humides, suivant les poteaux de bois qui marquent le Moorlandschaftspfad. Les plus chanceux pourront observer des plantes extrêmement rares, comme l’isolépis ou le droséra, mais aussi une faune riche parmi laquelle l’emblématique triton alpestre. Les habitants locaux vous conseilleront d’ôter vos chaussures pour laisser vos pieds s’enfoncer dans cette herbe moelleuse. L’idée est tentante, mais nous reviendrons par beau temps: l’humidité ambiante commence à avoir raison de nos souliers, et la randonnée n’est pas encore terminée.
Retour vers la plaine
Sans même nous en rendre compte, nous approchons du point culminant de la journée: la crête du Wasserfallenegg, où nous sommes accueillis par des bourrasques. Heureusement, une ancienne télécabine nous permet de nous mettre à l’abri pour déballer nos provisions, et nous sommes scrutés par le troupeau de génisses qui pâture sur ce col isolé. Les épiceries de la région proposent un impressionnant éventail de produits artisanaux portant le label de la biosphère: fromages, salaisons et douceurs n’attendent que de satisfaire l’estomac des randonneurs les plus affamés. Reste à progresser quelques centaines de mètres encore dans la direction du sommet du Fürstei, qui fait la frontière avec le canton d’Obwald, puis à obliquer vers la droite et à prendre la direction de la plaine.
Le sentier se faufile à flanc de coteau, et on avale d’un bon pas la descente vers les chalets d’alpage que l’on distingue en contrebas. Parfaitement balisé, l’itinéraire ne nous aura presque jamais demandé de sortir notre carte topographique, si ce n’est pour mesurer, de temps à autre, notre avancée. On est presque surpris d’arriver aussi vite au restaurant d’alpage du Stäldeli, qui marque l’arrivée de l’étape. Il n’y a plus qu’à attendre le bus nous permettant de rejoindre Flühli. Ou à profiter encore un peu de ces hauteurs où le temps semble s’être arrêté.
+ d’infos www.biosphaere.ch
En partenariat avec la Biosphère Entlebuch
Dans la région
Voyage gratuit
Paradis des marais
+ d’infos www.mooraculum.ch
Le goût de la région
+ d’infos www.biosphaere.ch/regionalprodukte
Suivez le guide!
+ d’infos www.biosphaere.ch/moor
Randonnées pour tous
Plaisirs de la table
Six hôtels et restaurants de la Biosphère Entlebuch figurent au rang de «Gastro-Partner». Vous y dégusterez des plats composés à partir des meilleurs produits locaux.
+ d’infos www.biosphaere.ch/gastropartner
Y aller
En transports publics
Train depuis Berne jusqu’à Entlebuch (LU), puis car postal no232 pour Gfellen. En voiture: via Berne et l’Emmental, rejoindre ensuite Gfellen depuis Entlebuch.
Pour aller plus loin
Parcourez l’entier du Moorlandschaftspfad: une offre exclusive comprenant l’hébergement, les pique-niques et le transport des bagages permet de se lancer sans appréhension sur ce tracé de grande randonnée. Cinq jours, quatre nuits, tarif: 759 fr. par personne.
www.biosphaere.ch/moorlandschaftspfad
Se renseigner
Unesco Biosphäre Entlebuch, 6170 Schüpfheim
www.biosphaere.ch
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