Décryptage
Bien que répandu, l’orvet reste un animal méconnu

Hôte discret des jardins, Anguis fragilis se laisse parfois trahir par ses ondulations entre les herbes hautes. Souvent confondu avec un serpent, ce reptile est des plus inoffensifs pour l’homme.

Bien que répandu, l’orvet reste un animal méconnu

Serpent de verre
Long et ondoyant, l’orvet tient tout du serpent à première vue. À bien y regarder pourtant, il présente en réalité les caractéristiques du lézard. «Ses paupières sont mobiles, sa langue est plus large et carrée, son cou peu distinct et ses écailles lisses et brillantes sont identiques sur tout le corps, alors que les serpents ne possèdent qu’une seule rangée d’écailles ventrales, explique Sylvain Ursenbacher, collaborateur scientifique chez Info Fauna. Et comme la plupart des lézards, il peut perdre sa queue.» Sa faculté d’autotomie l’aide à échapper à ses prédateurs. Et elle lui vaut certainement son nom scientifique, Anguis fragilis, et son surnom, «serpent de verre». Sa queue repousse mal, remplacée par un régénérat plus sombre de deux ou trois centimètres et le privant de deux tiers de sa longueur.

Sans défense
L’orvet est donc bien un lézard, mais ses pattes se sont atrophiées au fil de son évolution. «Sur son squelette, on note encore la présence d’une partie des os du bassin, fait remarquer le biologiste. La perte de ses membres résulte de son caractère fouisseur.» Les jeunes utilisent des passages existants, alors que les adultes sont capables de creuser dans la terre meuble, même s’ils ne boudent pas les terriers abandonnés par les rongeurs. L’animal se glisse dans la mousse ou sous les feuilles.
Il a tout intérêt à rester caché. «Il ne mord pas, n’est pas venimeux et ne sent pas mauvais, rien pour repousser ses nombreux prédateurs, relève l’herpétologue. En zone habitée, le chat est certainement son plus grand ennemi, mais il est également chassé par les petits rapaces, les poules, les corneilles, les pies, les hérissons ou la coronelle lisse. Un petit, de la taille d’un crayon, s’avère une bonne source de protéines!»

Fonctionnement lent
L’orvet commun s’est adapté à une température optimale plus basse que ses congénères, ce qui explique un rythme de vie plus lent et sa longévité. «Il peut vivre jusqu’à trente ans en milieu naturel, précise Sylvain Ursenbacher. Il n’atteint la maturité qu’à 3 ou 4 ans et la femelle se reproduit une année sur deux. Pour l’hivernage, il s’ensevelit à l’abri du gel, où son métabolisme ralentit, et ne consomme plus rien.» Il montre néanmoins une pointe d’agressivité au printemps, au moment des amours. «Les mâles, que l’on distingue par leur couleur grise uniforme, deviennent territoriaux et se battent, indique le biologiste. Lors de l’accouplement, ils maintiennent leur partenaire en la mordant sur la tête et introduisent le sperme dans le cloaque grâce à leur hémipénis. Le serpent de verre est ovovivipare: les femelles, reconnaissables à leurs flancs foncés, donnent naissance en fin de saison à des bébés formés, les œufs s’étant développés dans leur corps.»

Ami du jardinier
Agressif, le reptile l’est aussi à l’heure du repas. «Carnivore, il se montre très vorace, ajoute le collaborateur d’Info Fauna. Ses dents recourbées vers l’arrière sont très efficaces, et il ne lâche jamais sa proie. Il se nourrit principalement de limace et d’escargots, ce qui en fait un excellent auxiliaire de jardin. Mais il mange aussi des vers de terre ou certains insectes.» Le secret pour l’attirer dans son potager? «Il a besoin d’un milieu varié, plein de cachettes, murs en pierre sèche ou tas de branches. Il vit volontiers dans les zones bâties, attiré par les composts.» L’orvet souffre d’une perte d’habitat. Il n’est pas considéré comme menacé, mais est protégé en Suisse.

Peu étudié
L’orvet est d’ailleurs mal connu. Longtemps, on a cru qu’Anguis fragilis ne formait qu’une seule espèce. «On sait à présent qu’il faut en distinguer d’autres, et pour ce qui est du territoire helvétique, notamment Anguis veronensis, très ressemblant, précise Sylvain Ursenbacher. L’orvet de Vérone est présent au Tessin et dans les vallées sud des Grisons; il ne cohabite pas avec son cousin, très commun au nord des Alpes. Apparemment, pas mal d’éléments complexes restent à découvrir à son sujet.»

+ d’infos www.infofauna.ch

Texte(s): Isabelle Chappatte
Photo(s): Adobe Stock