Cette année plus que jamais, arroser requiert une précision hors pair

Un projet «Ressources» permet à une vingtaine de producteurs de fruits vaudois d’améliorer leurs pratiques en matière de micro-irrigation. Durant l’été, les apports d’eau se sont avérés particulièrement efficients.
25 août 2022 Claire Berbain
Claire Berbain

L’herbe sèche et jaune craque sous les pieds de Luc Bidaux. L’allée centrale traversant son verger de Grens (VD) est quasiment désertique. Pourtant dans les rangs, les pommiers ont fière allure et ne semblent pas souffrir du grave déficit hydrique qui touche La Côte cet été. Les pommes sont au rendez-vous, tant en matière de rendement que de calibres. Le producteur s’arrête à la hauteur d’une petite armoire accrochée à un poteau, en bout de ligne. «C’est notre ordinateur de bord qui gère l’irrigation, en fonction des besoins des arbres.»

Cette année, l’outil aura été évidemment essentiel dans le quotidien de l’agriculteur, qui exploite également 7 hectares d’oignons, 1,3 de vignes et une soixantaine en grandes cultures. «On apporte l’eau qu’il faut quand il faut, ni plus ni moins», résume le Vaudois, l’un des vingt arboriculteurs participant au «Programme d’utilisation durable des ressources» mis en place entre 2018 et 2023, soutenu par la Confédération et le Canton de Vaud, en collaboration avec Agroscope et la Haute École des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL (lire encadré ci-dessous).

Améliorer les connaissances

L’idée du projet, qui concerne plusieurs dizaines d’hectares de pommiers sur La Côte et le Chablais, est de calculer l’efficience de l’irrigation. «Il s’agit de savoir combien de kilos de pommes on peut produire avec un mètre cube d’eau», résume Philippe Monney, collaborateur scientifique pour Agroscope et expert de cette thématique. Ce rapport entre or bleu nécessaire et quantité de fruits servira ensuite de base de calcul aux autorités pour élaborer des scénarios et répondre au défi du réchauffement climatique. L’autre objectif est de perfectionner le savoir-faire et les connaissances des arboriculteurs. «La micro-irrigation est pratiquée sur le verger vaudois depuis plus de quarante ans, mais on peut toujours apprendre et s’améliorer, afin de mieux la maîtriser», glisse Luc Bidaux.

Le producteur a installé trois séries de sondes tensiométriques au milieu de ses 12 hectares de gala, golden et jazz. Plantées à une profondeur de 15 à 20 centimètres pour certaines, entre 30 et 50 centimètres pour d’autres, elles mesurent la disponibilité de l’eau et informent sur l’état du bulbe d’irrigation, cette zone humide en forme de goutte disposée au pied de l’arbre, sous le goutteur, et dont le maintien garantit une alimentation en eau constante pour les racines. «La profondeur de l’irrigation est stratégique, et doit dépendre de la constitution du sol et de l’enracinement de l’arbre», rappelle Philippe Monney. Les sondes permettent en outre de mesurer l’extension du bulbe et d’empêcher ainsi que le sous-sol soit inutilement inondé alors que la surface demeure asséchée.

Action préventive

Mesurer la contraction journalière des troncs, afin de connaître les besoins précis des arbres en apport d’eau: voilà une autre source d’information à laquelle les arboriculteurs participant au projet «Efficience de l’irrigation» ont eu accès. Le dendromètre capte en effet les variations quotidiennes des diamètres des troncs, permettant de suivre en temps réel le stress hydrique d’une plantation et de gérer encore plus finement l’arrosage. «Toutes ces informations « invisibles à l’œil nu » sont bonnes à prendre, car quand on remarque qu’un arbre souffre, c’est généralement trop tard et le rendement est déjà péjoré», relève Philippe Monney d’Agroscope.

Irriguer peu, mais fréquemment

«Il ne s’agit pas de gérer des quantités d’eau, mais des combinaisons quantités-fréquences. C’est la clé. Arroser moins à la fois, mais plus régulièrement, est un gage de réussite», résume Philippe Monney, qui accompagne depuis de nombreuses années les arboriculteurs romands dans leur technique d’irrigation. Au cœur de la sécheresse estivale, Luc Bidaux est ainsi passé à trois séquences quotidiennes, en apportant 0,8 millimètres à chaque fois, afin de «réhumecter régulièrement les horizons». La constance de ce bulbe humide, à la fois temporel et volumétrique, évite ainsi les alternances dessiccation/saturation contre-productives.

Si ces sondes volumétriques constituent un outil d’aide à la décision, la mesure hebdomadaire des calibres des fruits mise en place par Philippe Monney donne des informations tout aussi précieuses: comment l’arbre répond-il au stress hydrique ou à l’excès d’humidité? À quelles conséquences agronomiques et économiques s’expose dès lors l’exploitant? «Le calibre comptant tout autant que le rendement dans l’élaboration du revenu de l’arboriculteur, le suivi régulier de son évolution, mis en corrélation avec les apports d’eau, est une information immédiate et stratégique!» Et permet au projet d’atteindre l’objectif initialement fixé: que chaque litre donné au verger ait pour seule vocation la production fruitière.

«On a tout intérêt à fournir la quantité d’eau nécessaire, confirme Luc Bidaux, convaincu de la pertinence de ce projet «Ressources». Outre l’économie financière réalisée, trop arroser peut provoquer un dysfonctionnement de l’arbre, qui va se concentrer sur la pousse des rameaux plutôt que sur la mise à fruits, voire carrément son asphyxie et sa mort.»

Questions à...

Benjamin Sornay, coordinateur du projet pour Prométerre

Combien d’exploitations ont participé à ce programme «Efficience de l’irrigation»?
Une centaine dans le canton de Vaud, dont vingt en arboriculture et le reste en maraîchage, petits fruits et grandes cultures (maïs, tabac, pommes de terre, betteraves). Tous les participants pratiquaient déjà de tels apports d’eau avant le début du projet.

Quelles mesures montrent des résultats probants?
Le système Raindancer permet une irrigation au canon intelligente et précise, qui évite d’arroser les routes bordant les champs, par exemple. Quant aux sondes – tensiométriques en arboriculture, capacitives en plein champ –, elles sécurisent le rendement.

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