Chronique Parlons blé
Comment bien préparer la retraite lorsque l’on est un agriculteur?

Gérer une ferme, c’est également aller au-devant de nombreux défis financiers. Cette année, Terre&Nature a décidé d’aborder une série de questions en lien avec cette thématique.

Comment bien préparer la retraite lorsque l’on est un agriculteur?
Autrefois monument de stabilité helvétique, l’AVS a vécu plusieurs réformes ces dernières années. Si ces changements ont des conséquences pour chaque habitant du pays, ils touchent un peu plus directement les agriculteurs. L’Union suisse des paysans le soulignait en 2022: «Dans l’agriculture, le revenu à l’âge de la retraite provient à 65% de l’AVS, la moyenne se situant à 56% parmi tous les secteurs et les personnes en Suisse.» Le modèle économique explique en grande partie cette dépendance plus importante au premier pilier. «Une large part des agriculteurs sont indépendants, note Patrick Torti, membre de la direction de Prométerre et responsable de la Fédération rurale vaudoise (FRV). Contrairement aux salariés qui cotisent automatiquement à la LPP, le 2epilier est facultatif pour eux.»De nombreuses assurances privées ont mis sur pied des options de prévoyance à l’usage des indépendants. Mais ces modèles ont leurs limites: «Le revenu agricole est fluctuant. Dans cette branche, le 2e pilier doit tenir compte de cette particularité», poursuit Patrick Torti. Via la Fondation rurale de prévoyance, Prométerre propose un plan modulable, qui permet à chacun de couvrir ses besoins en tenant compte du budget disponible. Dans les autres cantons, les pros de la terre peuvent s’appuyer sur des offres similaires d’assureurs privés, proposées par les chambres cantonales d’agriculture.

Faire vivre toute la famille
Mais ces plans de retraite ne se décident pas à la dernière minute. «Je dirais qu’il faut commencer à y réfléchir le plus tôt possible, mais au plus tard vers l’âge de 45 ans. Cela laisse du temps pour s’organiser et cotiser en fonction de ses besoins.» Pour le responsable du département assurances de Prométerre, la première question à se poser est d’ordre humain. «Avant de me demander comment je veux la financer, je dois me demander: comment est-ce que j’ai envie de vivre ma retraite?» Cette réflexion passe par celle de la remise future de l’entreprise. «Tous les modèles sont possibles: le plus souvent, le fils la reprend, mais il y a aussi l’exemple du producteur qui n’arrive pas à passer la main ou ceux qui vendent leur ferme, ceux qui souhaitent rester vivre sur place et négocient un droit d’habiter…» Le département assurances de Prométerre a mis en place un suivi des exploitations, qui aide à anticiper de manière harmonieuse la reprise. Un suivi régulier primordial, car chaque situation peut évoluer très rapidement, par exemple dans le cas d’un divorce.

Avant de me demander comment je veux la financer, je dois me demander: comment ai-je envie de vivre ma retraite?

Nous l’écrivions le 25 avril: la paysannerie suisse a fait des progrès en matière d’égalité. Mais la prévoyance des femmes reste souvent insuffisante. «Le revenu à la retraite doit permettre de faire vivre non seulement le chef d’exploitation, mais aussi le reste de la famille. Or, nombre d’entre elles ne disposent pas d’une telle couverture.» Les nouvelles ordonnances fédérales agricoles PA221 prévoient d’y remédier: devrait y figurer une clause stipulant que les paiements directs ne doivent être versés que si une prévoyance a été mise en place pour le conjoint ou la conjointe. «Mais encore faut-il pouvoir se la payer, observe Patrick Torti. Ce procédé engendre un cercle vicieux. Il est déjà difficile de financer sa propre prévoyance: comment payer celle du conjoint ou de la conjointe pour pouvoir toucher ces paiements directs?» Sur fond de révolte paysanne, la branche réclame un salaire plus juste. Pour répondre aux défis économiques actuels, mais aussi pour préparer l’avenir: «Le contexte a des conséquences à plus long terme: ceux qui n’arrivent pas aujourd’hui à épargner suffisamment pour assurer leur retraite en paieront les conséquences dans quelques années. Il faut s’en préoccuper maintenant.»

Texte(s): David Genillard
Photo(s): Illustration Marcel G.