Décryptage
D’anciennes piles renaissent sous la forme de plaques d’égout

Le sixième et dernier épisode de notre série sur les principales filières de recyclage du pays nous emmène à Wimmis (BE). L’entreprise Batrec y fond plus de 80% des piles et accumulateurs vendus en Suisse.

D’anciennes piles renaissent sous la forme de plaques d’égout

Elles sont cylindriques ou plates et font partie de notre quotidien. On les trouve dans les réveils, les vélos électriques, les lampes de poche ou les téléphones mobiles et les ordinateurs portables: les piles sont des concentrés de technologie composés de matières premières précieuses comme le fer, le nickel, le manganèse, le zinc et le plomb, mais leur durée de vie est limitée. Que deviennent-elles après s’être déchargées? Comme elles sont considérées comme des déchets spéciaux, leur recyclage est une obligation légale. Jetées dans la poubelle, elles risquent d’exploser lors du traitement des ordures. Abandonnées dans la nature, elles libèrent les métaux lourds qu’elles contiennent, causant des pollutions. Heureusement, cela n’arrive pas dans 82% des cas.

Depuis le début des années 1990, toutes les batteries du pays sont acheminées à Wimmis, non loin de Thoune (BE). C’est ici que se trouve l’unique centre de recyclage de ces matériaux chimiques, Batrec. Les piles et les batteries sont livrées par Inobat, l’entreprise gérant leur récupération. Selon elle, plus de 120millions d’unités sont vendues chaque année dans notre pays, et 30millions seulement sont parallèlement récoltées à travers le pays. Ce décalage entre le moment de leur vente et celui de leur récupération s’explique par leur utilisation, leur durée de vie et le délai du consommateur tardant parfois à amener les unités usagées dans l’un des 11000 points de collecte mis à sa disposition.

Procédé en huit phases
«La première étape, primordiale, est le tri que l’on fait ici à Wimmis, indique le directeur de Batrec, Philippe Zanettin. On le fait en partie à la main, afin de séparer les différents types de piles.» Leur composition chimique varie en effet beaucoup, entre l’alcaline – la plus commune – et celle au lithium par exemple. «Le procédé développé permet de récupérer 85% du métal qu’elles contiennent, à savoir principalement du zinc, du fer et du manganèse dans les alcalines. On adapte la chimie au jour le jour, la composition du mélange variant en fonction des arrivages», poursuit-il.

Les piles sont alors soumises à la pyrolyse: elles sont chauffées à plus de 700°C, dans le but d’évaporer l’électrolyte en carbonisant le carton et le plastique contenus dans les batteries en même temps. Le tout est par la suite fondu dans un four à arc électrique d’une capacité de 10 tonnes atteignant les 1600°C. Les métaux en fusion sont manipulés avec une infinie précaution par des employés protégés aussi bien que des volcanologues œuvrant au plus près de la lave. «Le four fonctionne jour et nuit et ce toute l’année, ajoute Philippe Zanettin. Il s’y crée un alliage, le ferromanganèse, alors que le zinc s’évapore.»

Ce métal est ensuite récupéré par condensation. Les installations sont complexes et volumineuses, car il faut également traiter l’eau usée et les gaz résiduaires, qui doivent être lavés et refroidis à l’issue des opérations. Finalement, il ne reste des piles que des scories chargées en métaux lourds, qui seront enfouies dans des décharges de déchets spéciaux. «Les plus de 1000 tonnes de ferromanganèse et de zinc que l’on crée chaque année sont revendus aux entreprises sidérurgiques», complète le directeur de Batrec. On retrouve notamment le manganèse dans des pièces en fonte ou des plaques d’égouts. Le zinc est quant à lui utilisé pour étamer des pièces en acier comme des barrières ou des poteaux. Récupérer ces matériaux permet de plus d’éviter de nouvelles extractions minières, endommageant des terres à l’autre bout du globe.

L’avenir du lithium
Tous les types de batteries ne sont cependant pas traités dans l’Oberland bernois. Celles des voitures électriques doivent être prises en charge par les constructeurs eux-mêmes. «Le recyclage de celles au lithium par exemple est un sujet relativement jeune. La filière est encore en construction à l’échelle européenne, rappelle Philippe Zanettin. Le processus nécessite plusieurs étapes comme leur démantèlement et un prétraitement à travers des broyeurs afin de produire ce qu’on appelle de la black mass. Nous ne sommes pour l’heure pas capables de le faire sur notre site.» Une petite partie du broyat produit à Wimmis est donc exportée, l’essentiel étant stocké en attendant la création d’une seconde usine.

L’enjeu est de taille: il n’existe pas encore en Europe d’installations de récupération de métaux à partir de cette masse noire. Celle-ci est pour l’heure essentiellement traitée en Asie. De telles structures pourraient voir le jour à l’échelle du continent prochainement, car le nombre de batteries au lithium ne cesse de croître. Plus de 500 tonnes de ces piles sont collectées par an en Suisse. Batrec s’attend à en recevoir entre 50 à 100 tonnes supplémentaires chaque année à l’avenir.

+ d’infos www.batrec.ch; www.inobat.ch

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Batrec

En chiffres

  • 4000 tonnes de piles sont vendues chaque année en Suisse, soit plus de 120 millions d’unités.
  • 82% des piles du pays sont recyclées.
  • 85% des métaux qu’elles contiennent sont récupérés.
  • Batrec les recycle depuis plus de 35 ans.
  • 11000 points de collecte sont disséminés à travers le territoire helvétique.