Du fumier bovin transformé en engrais 100% naturel

Quatre agriculteurs valaisans créent et commercialisent un compost composé exclusivement de fumier. Exempt d’odeur, le produit fini est le résultat d’un processus qui s’étend sur plusieurs mois.
19 octobre 2023 Muriel Bornet
© Gabriel Monnet

Du côté de Sion (VS), de drôles d’andains serpentent dans l’un des champs exploités par la société valaisanne Biosphère. Point de foin en train de sécher, mais de la matière organique en phase de compostage. Et un drôle d’engin bleu, haut sur pattes et muni d’un grand rotor.

Il s’agit d’un retourneur de compost. Et quand il se met en route, c’est plutôt spectaculaire… «Nous brassons régulièrement les tas afin d’apporter l’oxygène nécessaire aux micro-organismes présents dans la matière. Toute la fumée produite est d’ailleurs du fait de l’activité des bactéries et des champignons. Une vraie force de la nature!» explique Christophe Vuissoz, l’un des quatre associés et fondateurs, du haut de la machine.

Quatuor d’inventeurs

À l’origine de cette démarche, il y a un quatuor d’agriculteurs confrontés à un même souci: l’évacuation du surplus de fumier, souvent problématique pour les éleveurs installés dans les vallées. «Sur nos parcelles morcelées, l’épandage prend du temps. Nous n’avons par ailleurs pas toujours la place nécessaire pour la totalité de notre fumier. Sans oublier que, comme nous laissons nos animaux en pâture jusqu’au dernier moment, il ne reste que peu de temps pour le faire avant l’arrivée de la neige», ajoute Damien Délèze, lui aussi membre fondateur de la société.

Chaque printemps depuis 2017, Biosphère collecte ce surplus de matière première dans une huitantaine d’exploitations de montagne et la valorise sous la forme d’un engrais naturel. Cette étape constitue le point de départ d’une microéconomie circulaire et locale.

Pas n’importe quel fumier

Afin de créer leur produit, les quatre associés se concentrent sur les fermes dont les déjections bovines sont biologiquement traitées par l’entreprise tessinoise Bioma, ce qui est le cas dans quinze communes en Valais: la technologie utilisée diminue les émissions d’ammoniac – réduisant ainsi significativement les odeurs – et favorise les processus microbiologiques de la matière, ce qui en fait un fumier très riche.

Le procédé de compostage commence au printemps par la phase de maturation: «Elle s’étend sur une à trois semaines durant lesquelles nous contrôlons la température et le taux d’humidité des andains afin que la fermentation se passe bien, détaille Damien Délèze. La chaleur dégagée lors de cette étape détruit également les semences indésirables présentes dans le fumier.»

Un sol vivant

La terre se structure par l’activité biologique, et notamment celle des champignons et des bactéries. Les premiers, qui s’activent avec l’humidité de l’hiver, ont pour fonction de transformer la matière organique en humus fertile. Les bactéries, quant à elles, interviennent dans un deuxième temps en rendant les éléments nutritifs assimilables pour nos plantes. L’engrais naturel Biosphère, riche en matière organique, champignons et bactéries, agit donc comme un activateur de la vie du sol en amenant, de façon naturelle, les éléments nécessaires à son réseau alimentaire.

Facile à épandre

Ensuite, des brassages interviennent tous les dix à quinze jours, jusqu’à l’automne. «Ces apports d’oxygène réguliers favorisent la multiplication des champignons et des bactéries, qui sont des éléments clés pour une terre fertile (lire l’encadré ci-contre). À la fin du processus, le fumier a perdu les trois quarts de son volume et atteint un taux de plus de 60% de matière sèche.

Facile à épandre, ce produit est une véritable bombe biologique!», confie Christophe Vuissoz en souriant. Et comment savoir quand le compost est prêt? «Avec l’habitude, je reconnais qu’il l’est à la forme de l’andain derrière la retourneuse. On peut aussi se fier à l’odeur. Quand cela sent la terre ou le sous-bois, c’est que c’est bon», répond-il en faisant rouler la masse poudreuse entre ses doigts.

Des utilisations multiples

Pendant que les derniers andains profitent encore de l’été indien, une bonne partie d’entre eux a déjà été tamisée et stockée en vrac dans un entrepôt. «Nous en produisons environ 200 mètres cubes par année, que nous écoulons dans des sacs de 5 ou 30 litres, qui se vendent principalement dans les jardineries.» Le produit s’adresse à tout type de plantation, du potager au gazon. Ayant une forte valeur biologique, il s’agit de l’utiliser en surface et selon des quantités variables: des cucurbitacées – qui adorent ce compost – aux fleurs de balcon, le dosage est différent.

Mais cet engrais se destine aussi aux professionnels, tant dans la viticulture que l’arboriculture. Il a déjà convaincu Jean-Noël Devènes, qui l’utilise dans ses vergers d’abricotiers de Nendaz (VS). «L’intérêt, c’est qu’il n’est pas chauffé pour être compacté sous forme de bouchons, comme c’est le cas de beaucoup d’autres d’engrais, ce qui tue les micro-organismes qui agissent sur le sol. Or le compost Biosphère reste entier», explique-t-il. Un atout dont les effets positifs se ressentent année après année sur ses cultures. «Et puis, surtout, c’est un produit de chez nous!»

Questions à...

Jacques Fuchs, agronome et chef de projet au FiBL

Quelles sont les particularités de l’engrais naturel de Biosphère?
Les composts à base de fumier sont plus riches en éléments fertilisants que les produits issus de déchets verts. Or, si composter son fumier se fait beaucoup en agriculture biologique, ceux qui le produisent l’utilisent généralement eux-mêmes, c’est pourquoi il est difficile d’en trouver sur le marché. La proposition de Biosphère est donc intéressante en ce sens.

Quelles sont les différentes manières de composter?
Si l’on prend le temps de bien le faire, tout le monde peut effectuer cette opération dans son jardin. À plus large échelle, cela peut se faire en bordure de champ, comme le fait Biosphère par exemple, ou sur des places de compostage centralisées.

Quels sont les avantages et inconvénients de ces deux méthodes?
Composter en bordure de champ demande du travail, car le système de production est plus dilué. Cela fonctionne donc pour des quantités de matière plus rationnées que sur des places de compostage, par exemple. En revanche, celles-ci doivent être en dur et leur construction s’avère onéreuse. À noter que ces procédés ne sont pas à opposer, mais complémentaires, chacun étant simplement plus adapté à certains milieux ou situations.

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