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Échanger pour mieux cultiver: Terre&Nature lance sa grainothèque

Dans le cadre des actions entreprises pour fêter ses 125 ans, votre hebdomadaire s’engage à préserver la diversité des semences potagères. Dès le mois de juin, vous êtes invités à participer à l’aventure.

Échanger pour mieux cultiver: Terre&Nature lance sa grainothèque

Quelques casiers, un petit écriteau, des enveloppes sur lesquelles ont été tracés des mots qui attirent l’œil, éveillant la curiosité ou les papilles: «arroche des jardins», «pois blauwschokker», «tomate petite rouge de Bâle» ou «chou de Westphalie»… Tout un attirail qui fleure bon la terre fraîche et les week-ends de jardinage vient de faire son apparition à l’entrée des bureaux de Terre&Nature: à l’occasion des 125 ans du titre, l’équipe qui fait vivre cet hebdomadaire dans lequel on aborde si souvent des questions de production alimentaire a décidé de joindre le geste à la parole et de créer sa grainothèque.

Entretenir du lien social
Mais de quoi s’agit-il réellement? Pour faire simple, c’est un lieu où l’on échange des semences: fruits, fleurs ou légumes, variétés locales ou anciennes, sauvages ou non. Elles sont destinées à germer et à pousser sur les balcons, dans des bacs ou des potagers, en fonction des souhaits et des possibilités de chacun. Mais ce n’est pas seulement une réserve alimentée via le stock de grands producteurs semenciers: ce sont ses usagères et usagers qui la font vivre, en y déposant des graines récoltées dans leurs jardins ou leurs vergers.

Pour la direction du titre, cette initiative sonnait comme une évidence: «Un anniversaire tel que celui que fête notre journal en 2023 est l’occasion de mettre sur pied des actions inédites, note Alexander Zelenka, codirecteur de Terre&Nature Publications SA. Nous ne voulions toutefois pas tirer la couverture à nous, mais plutôt créer des projets qui profitent au plus grand nombre et sont centrés sur des valeurs qui nous ressemblent, comme la promotion d’une alimentation locale et saine. Reposant sur l’échange, constituant une clé pour la préservation de variétés végétales en déclin et pour la sensibilisation du grand public à leur importance, une grainothèque prolonge tout naturellement ce qui constitue le credo de Terre&Nature: établir un lien entre ville et campagne.»

Une vraie valeur symbolique
Encore méconnues il y a une dizaine d’années, les démarches fondées sur le partage de semences entre institutions et jardiniers amateurs ont rapidement essaimé en Suisse comme ailleurs: en Romandie, on estime leur nombre à une vingtaine. La plupart ont vu le jour dans des bibliothèques, d’autres sont le fruit d’initiatives privées, s’organisent à l’échelle d’une paroisse ou d’une commune. On les appelle «grainothèques», «granothèques», «séminothèques» ou encore «sporothèques», mais leur nom importe peu, au fond.

Ce qui compte, c’est ce que ces lieux créent en matière d’échanges de ressources et d’expériences: «Le principe lui-même n’a rien de nouveau, rappelle Matthias Gudinchet, de la fondation ProSpecieRara, qui conseille volontiers les organisations désireuses de tenter l’aventure. On redécouvre un savoir-faire qui faisait simplement partie du quotidien de tous les agriculteurs: on n’avait pas d’autre choix que de produire ses propres semences. En revanche, il faut souligner que le retour à cette pratique, même si elle ne dépasse pas l’échelle privée, a infiniment plus à offrir qu’un accès à des graines: apprendre à faire ses semences, c’est acquérir des clés pour comprendre ce qu’est une variété végétale et des compétences maraîchères. Mais aussi se réapproprier une part de la production alimentaire, opérer un retour à plus d’autonomie, ce qui a une très forte valeur symbolique.»

Mission de longue haleine
Lancer une grainothèque, c’est un début. Pour qu’elle fonctionne dans la durée, l’équipe de Terre&Nature compte sur la participation de ses lectrices et lecteurs: une fois par mois, nous ouvrirons nos portes le temps d’une fin d’après-midi afin de permettre à chacune et chacun d’emporter quelques sachets de graines ou déposer des semences prélevées d’un bout à l’autre de la Suisse romande. Au fil du temps et grâce à ces efforts communs, un petit panorama végétal régional verra le jour: fleurs, fruits, légumes, connus ou presque disparus, variétés cultivées depuis des générations ou dénichées dans un coin de jardin, nous nous réjouissons de découvrir les trésors que vous souhaiterez partager.

+ d’infos La première session d’échanges de semences et de discussions autour de la grainothèque de Terre&Nature aura lieu le 22 juin 2023 de 16 à 18 heures. Rendez-vous à la rédaction, chemin des Tuilières 3, 1028 Préverenges.

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean

Un précieux guide technique

Comment collecter ses propres graines? De quelle façon multiplier vos variétés favorites? Combien de temps cela prend-il? De quel matériel avez-vous besoin? Qu’est-ce qu’un hybride? Un ouvrage extrêmement complet, édité par la fondation ProSpecieRara, constitue la référence pour celles et ceux qui souhaitent s’initier à la récolte de semences, des bases de la biologie florale aux questions pratiques.

+ d’infos Semences potagères. Le manuel pour les produire soi-même, Andrea Heistinger, Éditions du Rouergue, www.prospecierara.ch

Le saviez-vous?

Entre le casse-noix moucheté et l’arole, c’est une histoire qui ressemble à un conte pour enfants: ce petit oiseau qui vit dans les forêts de montagne joue un rôle central dans la dissémination des graines du conifère. Se nourrissant presque exclusivement de ces dernières, il les entasse dans des cachettes creusées dans le sol… où il les oublie parfois. Les graines peuvent alors germer, pour certaines à une quinzaine de kilomètres de l’arbre dont elles sont issues.