Reportage
Emblèmes de la Suisse, les chemins pédestres sont bichonnés chaque été

La Suisse compte 66000 kilomètres de sentiers de randonnée balisés par les célèbres petits panneaux jaunes. Des itinéraires entretenus par des bénévoles chaque année à la belle saison. C’est le cas à Vallorbe (VD).

Emblèmes de la Suisse, les chemins pédestres sont bichonnés chaque été

Une fois et demie le tour de la Terre. Telle est la longueur totale des sentiers pédestres suisses qui, mis bout à bout, comptabilisent 66‘000 kilomètres d’itinéraires. Des chemins balisés par des milliers de petits panneaux jaunes disséminés aux quatre coins de notre pays, de la gare de Schaffhouse au centre historique de Mendrisio (TI), de la campagne genevoise au Val Müstair (GR), pour le plus grand bonheur de leurs usagers. Dont le Neuchâtelois Pascal Bourquin, qui s’est lancé le défi voilà dix ans de tous les parcourir (lire l’encadré ci-dessous).

Reconnaissables de loin avec leur couleur caractéristique, ces indicateurs font partie de notre tradition. Un patrimoine soigneusement gardé et entretenu par plus de
1500 bénévoles. À Vallorbe (VD), nous suivons André Kohler, qui assure cette tâche depuis dix ans. Cet ancien ingénieur en électronique aujourd’hui retraité est également le responsable de ce secteur. «L’entretien des sentiers pédestres incombe aux cantons, lesquels délèguent ensuite le travail aux communes. Pour notre part, nous ne nous occupons que du balisage», explique le sexagénaire.

Nuance de jaune spécifique
Le  territoire vaudois est divisé en dix régions. Vallorbe fait partie de celle de la Dent de Vaulion, qui comprend aussi Le Chenit, L’Abbaye, Le Lieu et Romainmôtier. La mission d’André Kohler: parcourir chaque année dans les deux sens la quarantaine de kilomètres de sentiers pédestres de sa commune afin de garantir que la signalisation soit conforme. «Il arrive que certains panneaux en bordure de champs soient endommagés par des véhicules agricoles. D’autres sont victimes de déprédations, on en retrouve parfois orientés dans le mauvais sens, pliés, recouverts de tags ou d’autocollants, lorsqu’ils ne sont pas carrément volés», poursuit le baliseur. Dans son sac à dos, le volontaire a emporté sécateur, clés de serrage, chiffons, autocollants, gabarits, pinceaux et peinture pour les arbres ou les pierres à marquer. La nuance des chemins de randonnée pédestre est le Jaune Narcisse RAL1007. Installé le long d’une route goudronnée, ce panneau indiquant la direction pour rejoindre Les Époisats, Le Pont et la Dent de Vaulion mérite un coup de lustre après une pluie chargée de poussières. «À l’origine, les noms de lieux étaient en relief, car frappés dans l’aluminium. Aujourd’hui, pour des questions d’économies d’argent et de temps, ils sont sérigraphiés. Chaque canton possède ses lieux de fabrication. Dans notre secteur, nous les faisons fabriquer par l’entreprise Signal, à Étagnières»,détaille André Kohler.

Nous bifurquons vers un sentier forestier. Après quelques minutes de marche, le baliseur remarque qu’un losange figurant sur un arbre manque de visibilité. Il sort son gabarit, qu’il scotche sur le vieux résineux et applique une couche de peinture. «D’autres fois, nous fixons simplement des pancartes à l’aide de clous en cuivre.»

Retirés pendant la guerre
Mais l’entretien de l’infrastructure n’est pas la seule mission des bénévoles de Suisse Rando. Ceux-ci sont également chargés de baliser les déviations en cas de coupe forestière ou encore lorsqu’un itinéraire subit des changements. «Avec l’augmentation des troupeaux de vaches allaitantes et les problèmes de cohabitation entre bovins et randonneurs, certains agriculteurs souhaitent que l’on retire les sentiers de leurs pâturages. Il y a aussi quelques points de départ qui doivent être revus, comme récemment, lorsque la gare du Day a été déplacée de 300 mètres.»

Fondée en 1934 à Zurich, la Fédération suisse de tourisme pédestre avait pour objectif de promouvoir la randonnée auprès de la population et d’unifier la signalisation des chemins. «Cette année-là marque celle de la naissance du célèbre panneau jaune. Survient ensuite un coup d’arrêt: pendant la Seconde Guerre mondiale, on ne souhaite pas offrir d’aides à l’orientation. Pour des raisons tactiques, l’armée suisse fait retirer tous les indicateurs de randonnée», rappelle Suisse Rando. Aujourd’hui, notre pays compte environ 50‘000 emplacements d’indicateurs de direction et la randonnée représente l’activité sportive la plus populaire, rassemblant environ 4 millions d’usagers.

+ d’infos www.suisse-rando.ch

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): François Wavre/ Lundi13

Questions à...

Pascal Bourquin, journaliste neuchâtelois et marcheur

Qu’est-ce qui vous a donné envie de parcourir les 66‘000 kilomètres de sentiers pédestres suisses?
L’idée m’est venue au sommet de l’Illimani, culminant à 6500 mètres en Bolivie. J’avais pratiqué la haute montagne et le trail et je me questionnais sur mon prochain défi. Je ne souhaitais pas tenter l’Everest pour me retrouver avec plein de gens à l’autre bout du monde. J’ai préféré me lancer dans un exploit plus personnel ici.

À quelle fréquence marchez-vous?
Deux fois par semaine en moyenne, soit sept à huit jours par mois. J’ai fait mes calculs et en parcourant 45 kilomètres par semaine, je bouclerais la totalité des sentiers pédestres suisses en vingt-huit ans. Je me suis lancé en novembre 2013 et je compte terminer mon périple en août 2041. Je fêterai alors mes 75 ans et la Confédération aura 750 ans. Je prévois d’ailleurs d’achever mon défi sur la place Fédérale.

Comment procédez-vous pour planifier vos itinéraires?
Je les établis en fonction de la météo, mais aussi du temps que j’ai à disposition. Je réserve les voyages compliqués pour les longues escapades. Mon idée est de garder les itinéraires relativement plats pour la fin, lorsque je serai plus vieux. Le but est donc d’avaler le plus de dénivellations aujourd’hui.

+ d’infos www.lavieenjaune.ch