Reportage
Face à l’essor du scarabée japonais, la vigilance redouble

Ce coléoptère, qui s’est établi dans la région du Simplon (VS) l’an dernier, représente une menace sérieuse pour les cultures. Un programme intensif de surveillance et de lutte vise à limiter son expansion.

Face à l’essor du scarabée japonais, la vigilance redouble
Bien qu’il ne mesure qu’une dizaine de millimètres, il fait trembler maraîchers, viticulteurs et arboriculteurs. Le scarabée japonais représente en effet une menace importante pour les cultures agricoles, pouvant causer des pertes économiques considérables. L’insecte étant arrivé probablement de manière naturelle depuis l’Italie, une population a été identifiée pour la première fois en Suisse romande en 2023, sur le territoire valaisan. «Dans le canton, le scarabée japonais est actuellement confiné sur le versant sud du col du Simplon, explique Guillaume Favre, chef de secteur au Service de l’agriculture à Sion. Les cultures de la plaine du Rhône et de ses coteaux sont heureusement préservées pour le moment.»Même si le danger est pour l’heure limité, un renforcement des mesures de surveillance est prévu cette année. Ce coléoptère est en effet particulièrement redouté. Pommiers, vignes, cerisiers, maïs ou fraises: son appétit cause des dégâts à des centaines d’espèces végétales différentes. Les adultes s’attaquent aux feuilles, fleurs et fruits, tandis que leurs larves se nourrissent des racines de diverses graminées, n’épargnant pas non plus les terrains de football et de golf. L’absence d’ennemis naturels, l’étendue des prairies, ainsi que le nombre considérable de plantes hôtes sont des facteurs qui expliquent le potentiel élevé de dommages. «Il est nécessaire de prendre la menace du scarabée japonais très au sérieux, estime Guillaume Favre. Cet insecte est d’ailleurs classé en Suisse, ainsi que dans l’Union européenne, comme organisme de quarantaine prioritaire. Lors de chaque découverte d’un foyer d’infestation, comme cela a été le cas en Valais l’année dernière, des mesures de lutte et d’enrayement sont mises en œuvre en coordination avec la Confédération.»Limiter sa dissémination
Ces prochaines semaines, le scarabée japonais entrera dans sa phase de vol. Ce coléoptère hiberne en effet sous la forme de larve dans le sol, avant que les adultes émergent vers mi-juin et commencent à s’accoupler. Cette période, où ils sont particulièrement visibles, favorise leur observation. Un programme de surveillance intensif sur le plan national a alors lieu, par la mise en place de pièges contenant des appâts. Ce réseau de monitorage ne cesse de se densifier année après année. «Pour pouvoir lutter efficacement, il faut détecter la présence de l’insecte suffisamment tôt, souligne Giselher Grabenweger, du groupe de recherche grandes cultures, à Agroscope. En effet, une fois que le ravageur s’est établi dans une région, toute tentative de s’en libérer a peu de chances d’aboutir.»Les mesures visent à freiner sa propagation, mais son éradication du territoire suisse n’est désormais plus possible. En effet, malgré les efforts considérables déployés pour anéantir le coléoptère, les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Et de nouveaux foyers font craindre pour l’avenir. «Si ces dix dernières années, le scarabée japonais s’est propagé plutôt lentement, de 5 à 15 km par an, nous avons été confrontés pour la première fois en 2023 à de petites populations qui n’avaient pas de lien direct avec la grande zone infestée du nord de l’Italie, note Giselher Grabenweger. La diffusion risque donc de s’accélérer ces prochaines années.»

Une évolution incertaine
Outre la propagation naturelle par le vol, les activités humaines jouent un rôle important dans la dissémination de l’insecte. Le commerce de produits agricoles – terre ou végétaux notamment – permet le déplacement de larves et d’œufs sur de très longues distances. De plus, les coléoptères peuvent se poser sur n’importe quel support et voyager clandestinement en voiture ou en train, par exemple. La température est cependant un facteur limitant l’établissement de l’espèce. «L’arrivée du scarabée du Japon au Simplon et de manière plus générale dans le massif alpin est inédite, observe Guillaume Favre. Nous espérons que les conditions climatiques des Alpes lui seront défavorables et freineront sa propagation. Il est toutefois beaucoup trop tôt pour l’affirmer.»

L’évolution des conditions climatiques en Suisse devrait néanmoins augmenter la zone de distribution potentielle, le Plateau suisse devenant adapté à la survie à long terme du scarabée japonais d’ici à la fin du siècle, selon les modèles actuels. «Dans l’immédiat, il n’y a pas de mesures spécifiques à mettre en place pour protéger les cultures agricoles valaisannes, rassure Guillaume Favre. Je recommande néanmoins aux acteurs de l’agriculture valaisanne, tout comme au reste de la population, d’être vigilants, notamment lors de déplacement dans les régions en Suisse ou à l’étranger où la présence du scarabée japonais est démontrée.»

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): DR

En chiffres

  • 2014, première détection du scarabée japonais sur le continent européen, dans les environs de Milan. En 2017, des individus sont capturés dans le sud du Tessin.
  • 2023, première identification en Valais, dans la région du Simplon. Quelque 150 pièges à appâts ont été posés dans différents cantons cette année-là.
  • 400 espèces végétales différentes, sauvages ou cultivées, figurent comme plantes hôtes.
  • O produit phytosanitaire autorisé en Suisse pour lutter contre ce coléoptère, à l’exception d’un insecticide autorisé dans les vignes tessinoises.

Signaler chaque cas suspect

Chacun peut contribuer à limiter la propagation du scarabée japonais. Toute observation doit être signalée immédiatement au service phytosanitaire de son canton. En effet, plus le coléoptère est détecté tôt, plus les chances de réussite de freiner son expansion sont grandes. Les œufs et les larves vivant dans le sol, ceux-ci sont difficiles à repérer. En revanche, les coléoptères adultes sont visibles, surtout en été, de juin à août. Ils mesurent entre 10 et 12 mm de long et sont brun cuivre. Le dernier segment abdominal porte deux touffes de poils de couleur blanche. En cas de suspicion, il faudrait capturer le sujet. Ou faire une photo, en notant l’emplacement précis.