Grâce à son invention, faucher les prés en pente devient moins pénible

Le Grison Gian Caduff a développé un module électrique pour les faucheuses à un essieu, réduisant ainsi leurs nuisances sonores et olfactives. Il se voit récompensé du prix de l’innovation technique de l’agroPrix.
24 novembre 2022 Claire Berbain
DR

Faucher en silence, sans subir de vibrations jusqu’aux épaules et sans respirer de gaz d’échappement. Tel était le pari de Gian Caduff, né dans une famille d’agriculteurs à Morissen (GR), à 1300 mètres d’altitude. «Sur nos pentes abruptes du val Lumnezia, la motofaucheuse est l’outil idéal pour récolter du foin sans risque de glisser ou de salir le fourrage», explique l’ingénieur en mécanique de 33 ans, dont le frère, producteur de lait, exploite une quarantaine d’hectares en zone montagne III et IV. «Pour prétendre couler en fromagerie, il faut une qualité de fourrage irréprochable, et étant certifiés bio, on ne peut compter que sur du foin issu du domaine.»

Convaincus par le travail effectué et l’absence de compaction des sols permise par une faucheuse à un essieu – bien plus légère que le modèle à deux essieux prisé en zone de montagne –, les deux frères sont cependant nettement moins enthousiastes quant aux quelque 200 heures passées dans le bruit et les gaz irritants – les moteurs thermiques des motofaucheuses ne sont pas équipés de filtres à particule. Sans oublier les vibrations… «L’électrification m’est apparue comme la solution idéale pour régler toutes ces problématiques», ajoute Gian Caduff. Alors à la tête d’une petite entreprise de mécanique agricole après une expérience chez Bucher, il crée un prototype électrique en 2019. «La principale difficulté fut de trouver la bonne combinaison batteries-moteur, de façon à conserver la puissance de l’outil et à disposer d’une autonomie suffisante, le tout en proposant quelque chose de robuste et qui ne soit pas trop lourd!»

Trois heures d’autonomie

Après maints essais, Gian Caduff et son frère dénichent enfin l’association idéale: 40 kg de batteries de type lithium-ion de 48 Volts, alimentant un moteur d’une puissance de 6 kWh, pour un total de 100 kg, soit 40 de plus qu’un moteur diesel. «Ce poids supplémentaire n’influe guère sur l’efficacité de la fauche, et la cinématique est conservée. L’entraînement hydraulique permet de lisser les pointes de consommation, évitant ainsi de solliciter la batterie plus que de raison», rassure Gian Caduff.

Le ePowerUnit offre ainsi une autonomie de trois heures à une faucheuse munie d’une barre de coupe de deux mètres. En outre, le module conçu par l’ingénieur et son frère est parfaitement compatible avec la plupart des motofaucheuses commercialisées en Suisse ces dix dernières années. À Morissen, Paul Caduff n’utilise désormais plus que son modèle électrique pour s’occuper de ses 40 hectares. «Il organise ses journées différemment, fauchant deux heures et demie matin et soir, de façon à recharger les batteries pendant la journée», rapporte Gian.

Une deuxième vie électrique

Ce Géo Trouvetou de la mécanique agricole souhaite par ailleurs inscrire son innovation dans une démarche de recyclage et de durabilité: «Notre module est destiné aux machines déjà utilisées par les paysans, afin d’allonger leur durée de vie.» Autre aspect essentiel de son projet, le bloc électrique est déplaçable à l’envi – autrement dit, une fois la saison de fauche achevée, le ePowerUnit peut équiper un motoculteur, une pompe à eau, une fraise à neige, voire carrément un valet de ferme. «La durée de vie d’une telle batterie, sur la base de 1500 cycles de charge, est estimée à dix ans, avant que sa capacité nominale ne baisse. On pourra dès lors la prendre en considération pour stocker l’électricité produite par une installation solaire par exemple», poursuit le jeune ingénieur, récemment récompensé par l’Association suisse de la machine agricole (ASMA) pour son innovation technique dans le cadre de l’agroPrix 2022.

Gian Caduff a déjà construit et vendu plus de 25 unités, aussi bien à des paysans qu’à des communes engagées sur la voie du «zéro carbone», ou à des hôteliers attirés par l’absence de nuisance notamment sonore vis-à-vis de leur clientèle. «L’investissement de 15 000 francs pour un module d’électrification peut paraître encore important pour un paysan, mais le prix unitaire baissera sitôt qu’on en produira un plus grand volume», assure Gian Caduff, qui vise la vente de pas moins de 500 unités d’ici à 2025.

Questions à...

Bendicht Hauswirth, juré du prix de l’ASMA

La voie de l’électrification proposée par Gian Caduff est-elle en train de révolutionner l’agriculture?
En tout cas, elle prend une importance considérable en ce qui concerne les petits véhicules et les machines (élévateur, pousse-fourrage, motoculteur…). En revanche, le gros tracteur électrique n’est pas encore pour demain! Il est trop lourd, trop volumineux et a trop peu d’autonomie…

Quelles sont les autres tendances en matière d’innovation technique qu’on observe actuellement dans la branche?
La généralisation de l’équipement GPS sur toutes les machines et tracteurs, des plus petits aux plus grands, tous secteurs confondus, et le recours croissant à l’intelligence artificielle pour l’aide à la décision et l’identification d’adventices en production végétale, par exemple, sont les deux courants majoritaires. Ils viennent répondre à la volonté du monde agricole de gagner en précision en ce qui concerne les traitements phytos, afin de diminuer les coûts liés aux intrants.

+ d’infos
Tous les ans, l’Association suisse de la machine agricole remet le prix de l’innovation technique dans le cadre de l’agroPrix. www.agroprix.ch

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