Ils ont troqué le camping-car contre une roulotte et un franches-montagnes

Dans le cadre de l’émission Une seule planète, une famille vaudoise teste des modes de voyage durables. Elle a opté pour le cheval. Nous les avons suivis lors de la dernière étape de leur périple.
3 juin 2021 Véronique Curchod
Véronique Curchod

Si Héroïque porte bien son nom, celui-ci pourrait tout aussi bien s’appliquer à la famille Cavadini. Fred et Alessia, ainsi que leurs trois enfants âgés de 8 à 10ans, ont traversé la Romandie pendant un mois, de l’Ajoie à Avenches (VD), au rythme d’une vingtaine de kilomètres par jour. En roulotte et sans aucune connaissance préalable des chevaux. «Avant de se lancer dans l’aventure, je ne m’en sentais pas capable, relève Alessia. J’avais même peur de cet animal, de sa stature imposante et de son caractère imprévisible. À mes yeux, un cheval n’était pas compatible avec un voyage en famille. J’ai beaucoup douté, stressant même à l’idée de maladresses de notre part qui pourraient mettre nos enfants en danger.»

Ce jour-là, nous les avons retrouvés au Landeron (NE), où tous les cinq avaient trouvé leur rythme de croisière, après des premiers jours durs psychologiquement, mais aussi physiquement. S’ils devaient initialement parcourir l’Europe en camping-car pendant plusieurs mois, leur désir d’allier leur sensibilité écologique à leur envie de voyage a remis en cause ce projet. Sélectionnés pour l’émission de la RTS Une seule planète, ils ont donc troqué leur caravane contre des modes de déplacement plus durables. Et notamment les 140 chevaux de leur véhicule contre un seul cheval, mais en chair et en os.

S’imprégner du paysage

Après avoir quitté la vieille ville du Landeron, c’est Alessia qui prend les guides du franches-montagnes le long du canal de la Thielle, alors que son mari marche devant, prévenant d’éventuels dangers. Jade, Margot et Roxanne tuent le temps, tantôt en jouant, tantôt en marchant. Les enfants, qui n’ont pas eu l’habitude de côtoyer des animaux domestiques, quels qu’ils soient, ont dû apprendre à se comporter de manière appropriée avec Héroïque. Au fil des jours, un lien émotionnel de plus en plus marqué s’est créé entre eux et le cheval, si bien que les filles descendent spontanément de la roulotte pour l’encourager dans les montées ou lui apportent des fleurs cueillies dans les prés comme friandises.

Parcourir ainsi la campagne à quelques dizaines de kilomètres de chez soi – la famille habite Prilly (VD) – pourrait paraître bien moins dépaysant que de s’imprégner de territoires inconnus. Pourtant, les découvertes et l’émerveillement sont au coin du chemin, reconnaît la famille. «La présence d’Héroïque y est pour beaucoup, témoigne Fred. Grâce à lui, nous avons traversé des lieux reculés que nous n’aurions jamais vus en voiture. Le rythme lent qu’imprime ce mode de déplacement nous a dès le départ donné l’impression d’être loin de tout, alors que parfois nous n’étions qu’à 2 kilomètres d’une ville connue, tout en nous permettant d’être attentifs à de multiples détails que nous n’aurions pas remarqués.»

En traversant Gals, la pluie est une fois de plus au rendez-vous. La météo, particulièrement maussade depuis plusieurs semaines, ne facilite pas cette itinérance. Avec un cheval, pas question en effet de s’arrêter n’importe où et à n’importe quel moment pour se réchauffer. «Parfois, j’ai dû me surpasser pour affronter les éléments naturels, relève Alessia. Jamais je n’aurais pensé qu’Héroïque modifie si radicalement notre façon de voyager. En permanence, il requiert notre attention et notre bienveillance, ses besoins passant avant les nôtres.»

Aventure enrichissante

Malgré cette contrainte, la compagnie du cheval est un plus, facilitant notamment les rencontres spontanées. «Avec notre bus, nous n’aurions jamais lié connaissance avec autant de monde, fait remarquer Fred. Cette dimension s’intègre complètement à notre projet de voyage durable, où nous souhaitons non seulement polluer moins, mais également nous rapprocher des gens.» À quelques kilomètres d’atteindre le but de leur épopée et de quitter Héroïque, les enfants se font promettre par leurs parents de rendre visite régulièrement à leur nouvel ami.

Questions à...

David Protti, de Courtedoux (JU), loueur de roulottes tsiganes

Quel intérêt rencontre cette activité?
Il est phénoménal depuis la pandémie. Si nous intéressions en général une centaine de clients par année, nous en avons eu 250 en 2020 et sommes déjà à près de 300 réservations pour cette saison. Avec mes 13 chevaux, je ne peux répondre à toute la demande. Dans les années 1980, plusieurs prestataires proposaient cette activité, mais nous ne sommes désormais plus que deux dans toute la Suisse.

Quel type de clientèle s’intéresse à ces séjours?
Essentiellement indigène. Mais elle est cependant très hétéroclite, allant de la famille dont la fille pratique l’équitation au couple sans enfant qui souhaite découvrir une activité originale. L’immense majorité n’a aucune connaissance préalable du cheval. Même si, dans le groupe, un adolescent a des compétences équestres, les parents sont obligés de participer. J’ai eu des retours incroyables d’adultes qui, peu intéressés, pensaient laisser leur jeune gérer l’animal et se sont finalement découvert une passion pour le cheval.

N’est-ce pas dangereux que des néophytes partent seuls avec une roulotte?
Non, car je sélectionne très soigneusement chaque cheval, forcément de race franches-montagnes. Il doit être calme, n’avoir peur de rien et être indépendant vis-à-vis des autres équidés. Avant chaque départ, les clients reçoivent une formation. Et je suis toujours disponible sur le trajet en cas de besoin.

Un réseau étoffé

Lors de la première partie de son périple, la famille Cavadini a sillonné le réseau équestre Marguerite. Ce projet agritouristique a été lancé en 2016 par six agriculteurs du Jura et du Jura bernois, dont David Protti, propriétaire d’Héroïque. Désormais, plus de 1000 km d’itinéraires permettent aux cavaliers de parcourir la région. Ce circuit est relié à celui des Franches-Montagnes, en place depuis de nombreuses années, et à celui du Chasseral, qui sera balisé prochainement. Grâce à cette collaboration entre les cantons de Berne et du Jura, les cavaliers ont désormais à disposition un choix de parcours inégalé en Suisse.

+ D’infos
www.re-bju.ch

+ D’infos
L’émission consacrée à la famille Cavadini sera diffusée le 8 septembre 2021 sur la RTS.

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