Une compétition horticole qui voit la vie en rose, sans traitement

Plus d’un an après la plantation, le 3e Concours de la rose nouvelle de Nyon (VD) arrive cette semaine dans sa phase de jugement final. Belle et parfumée, la variété de demain doit surtout être naturellement résistante.
16 juin 2022 Blaise Guignard
Olivier Evard

«Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde», lance le renard au Petit Prince dans le célèbre conte philosophique d’Antoine de Saint-Exupéry. Uniques, les 127 variétés présentées au 3e Concours international de la rose nouvelle de Nyon (VD) le sont toutes: chacune a été patiemment développée par sélections et croisements successifs afin de mettre en évidence des caractéristiques esthétiques telle la fleur elle-même et son parfum, ou le port de l’arbuste et son feuillage. Mais aussi – et c’est le point fort de ce qui est à ce jour la seule compétition de roses nouvelles en Suisse – sa capacité à résister sans traitement aux maladies et aux ravageurs.

Éblouir, sans coup de pouce

Ce critère compte pour un tiers de la notation globale; dès sa première édition, en 2019, le concours de La Côte a choisi d’en faire ainsi un élément central. Et cette limitation semble loin d’altérer l’enthousiasme des obtenteurs exposant leurs créations (quatre variétés au maximum par participant) dans l’espoir de décrocher une médaille, un certificat de mérite ou le graal de la compétition – la Rose d’Or, distinction attribuée à celle qui aura réalisé les meilleurs scores pour les quatre critères pris en compte (lire l’encadré ci-dessous).

«En fait, on a dû restreindre le nombre d’inscriptions, se réjouit Jean-Luc Pasquier, président de l’événement. Depuis le début des années 2000, les obtenteurs sont de plus en plus convaincus de l’intérêt de développer des roses capables d’éblouir de mai à septembre, avec un feuillage et des fleurs qui perdurent en se passant de tout coup de pouce. L’interdiction de pesticides dans le domaine public, en France, un pays qui compte beaucoup de grands rosiéristes, a précipité cette tendance.»

Celle-ci succède à un modèle radicalement différent, suivi pendant des décennies, explique ce passionné, horticulteur consultant et chroniqueur dans la presse spécialisée. «À l’époque, les jardineries étaient ravies de vendre des rosiers, car cela signifiait également vendre la batterie de produits phytosanitaires indispensables à leur durabilité. Et les goûts des amateurs allaient vers des fleurs imposantes au bout de longues tiges émergeant d’un feuillage ne payant pas de mine.» Le rosier d’aujourd’hui, au contraire, doit s’imposer en tant que tel, sans béquille chimique; son aptitude à favoriser la biodiversité, en outre, est de plus en plus fréquemment recherchée par les obtenteurs. «Certaines gammes sont même développées pour leurs qualités nectarifères et mellifères.»

En chiffres

127 nouvelles variétés de roses présentées au concours.

30 obtenteurs venus de 13 pays.

0 traitement phytosanitaire autorisé.

1 jury permanent de 8 spécialistes évaluant les plantes à 7 reprises durant 18 mois.

1 jury final évaluant les plantes le 18 juin.

1 jury spécial d’apprentis en horticulture.

4 critères de jugement: végétation (30%), fleurs (30%), résistance aux maladies et ravageurs (30%), parfum (10%).

Un label nyonnais

Certes, cette révolution est loin d’être totalement aboutie. Si les grandes compétitions organisées sous l’égide de la Fédération mondiale des sociétés de roses, comme Paris, Baden-Baden, Rome ou Monaco, tiennent toutes compte de la résistance sans traitement dans leur appréciation, les rosiéristes mettent encore souvent en avant dans leur communication des variétés qui ont déjà plusieurs années et ne correspondent plus à cette nouvelle norme. «Nous avons d’ailleurs créé un label, «Nyon zéro traitement», pour offrir de la visibilité à ces variétés dans les catalogues», souligne le spécialiste.

Depuis le jour de leur plantation, au début du printemps 2021, les roses présentées dans la ville vaudoise n’auront donc reçu aucun coup de pouce autre que l’arrosage et la lumière du soleil. Et si la 2e édition avait dû reculer la date du jugement final de quinze jours à la suite de conditions météo ayant retardé la floraison, cette année, on serait plutôt dans une situation inverse. «Certaines roses afficheront vraisemblablement une floraison déjà avancée, pronostique Jean-Luc Pasquier. Et avec la chaleur de ce mois de juin, un petit nombre d’entre elles seront peut-être déflorées. En pareil cas, seule l’évaluation du jury permanent qui juge les arbustes tout au long de leur croissance à Nyon est prise en compte; elle fournit déjà des indications précieuses pour les obtenteurs.»

Le président de la compétition, qui fait lui-même partie du jury de plusieurs autres concours du circuit rosier, avoue néanmoins «n’avoir jamais été autant bousculé par la météo que ces deux dernières années». «Cela devient difficile, d’autant que les organisateurs tentent de se coordonner entre eux, les juges ayant fréquemment trois concours à leur agenda en l’espace de moins d’une semaine. Mais tous sont motivés par la passion et une envie folle de découvrir «la» rose qui surpassera de loin toutes les autres.»

Questions à Gisèle Tschanz, rosiériste et marraine du concours des apprentis

Pour la première fois dans le cadre du Concours de la rose nouvelle de Nyon, un jury composé d’apprentis en horticulture va décerner un prix spécial, à votre initiative…

Oui, j’avais envie de donner la parole aux jeunes. Ils sont souvent oubliés dans ces concours, et avoir leur avis permet de mieux visualiser les roses du futur.

Pourquoi les jeunes sont-ils la plupart du temps délaissés?

En Suisse, on a peut-être moins la culture du jardin d’agrément que dans d’autres pays tels que la France, l’Italie et surtout la Grande-Bretagne… Mais les choses changent! Pour preuve, 23 apprentis de 2e et 3e année de cinq écoles d’horticulture romandes ont répondu favorablement à notre proposition.

La capacité de résister aux maladies est un critère essentiel de cette compétition. Et du choix des jardiniers amateurs lorsqu’ils optent pour une variété de roses?

Dans notre roseraie, où l’on privilégie ce type de rosiers depuis vingt ans, on a effectivement constaté une certaine évolution dans ce sens. C’est lors de l’achat qu’il faut bien se demander si la plante présentée comme résistante l’est naturellement ou par le biais de traitements! Je suis optimiste, cette option va finir par devenir la norme.

+ d’infos
Portes ouvertes à la roseraie les 24 et 25 juin, Service de l’environnement, avenue de Bois-Bougy 5, 1260 Nyon – rosenouvelledenyon.ch

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