De saison
La choucroute aura tout de même sa fête, nom d’un corona!

Au Chalet-des-Enfants, restaurant situé sur les hauteurs de Lausanne, on effeuille le chou un peu, beaucoup... Et on vous dira tout sur les secrets de la fermentation lactique du 21 au 24 octobre.

La choucroute aura tout de même sa fête, nom d’un corona!

C’est la dernière aventure du Chalet-des-Enfants, resto au cœur d’un des domaines historiques de Lausanne, entouré des Bois du Jorat et du nouveau parc naturel. Le potager créé voilà deux ans par Jacqueline et Daniel Meister, agriculteurs et horticulteurs, à la demande du chef Romano Hasenauer. Un jardin de rêve, bio et en permaculture, foisonnant, sur quelque mille mètres carrés, qui alimente le restaurant et son petit marché, renouant avec son passé de ferme auberge… Romano Hasenauer en est très fier et c’est parmi ses plates-bandes généreuses, entre hysope et livèche, que nous partons cueillir l’ingrédient phare du jour. Le chou, qui tiendra bientôt la vedette à l’occasion de la fête de la choucroute.

«Nous cultivons une centaine de légumes et de nombreuses plantes aromatiques, souvent des variétés anciennes, pour alimenter nos deux restaurants, mais aussi le minimarché en self-service, conçu pour dépanner, mais qui a pris de l’ampleur pendant le confinement.»: le temps d’admirer le potager, Daniel Meister taille trois têtes géantes de choux, que nous emmenons en cuisine…

D’une simplicité enfantine
Créée l’année dernière dans le cadre de Lausanne à table, portée par la vogue de la fermentation, la Fête de la choucroute est l’un des rares événements à n’avoir pas été annulés pour cause de virus à tête de chou… Depuis le temps que les chefs les plus créatifs, à commencer par les nordiques, ont remis en lumière la fermentation, ça le titillait lui aussi… Passionné par l’alchimie de la cuisine, curieux de nouveaux horizons, Romano Hasenauer n’a pas manqué de faire ses propres essais autour de la fermentation, chez lui ou dans l’un des deux établissements qu’il gère, le Chalet-des-Enfants et l’Auberge de l’Abbaye de Montheron, le premier très axé terroir, le second à vocation gastronomique. Dernières révélations, divers kimchi à base de radis ou d’asperges notamment.

Cela dit, «faire sa propre choucroute est d’une simplicité désarmante. Un peu de patience, la question du dosage, pour autant qu’on respecte deux-trois consignes basiques», affirme le restaurateur. Le choix du matériel, par exemple? Romano Hasenauer préconise les bocaux à fermeture métallique, hermétiques, qui garantissent en principe de ne pas transformer sa cuisine en champ de mines.

Choux blancs, sel et… bactéries
Les ingrédients? Pour rester classiques, on mise aujourd’hui sur le chou blanc, mais le répertoire des possibles est presque sans fin… Nos jolis choux une fois lavés, on va les passer à la foreuse (un drôle d’engin évoquant un plantoir, qui permet de prélever le cœur dur) puis au rabot à choucroute – autre objet imposant, digne du musée, au tranchant redoutable.

L’ingrédient clé? Le sel, voire la saumure: «De sa qualité et de sa pureté dépendront la réussite, mais aussi la texture et le goût du produit. Au fond, il y a deux écoles, soit on sale pour exprimer le jus, faire dégorger les légumes, soit on recourt à une solution saumurée en quantité suffisante pour recouvrir les ingrédients. Plus tu sales et moins le résultat sera croquant. Pour un bon équilibre entre goût et texture, je sale mon chou à raison de 9 grammes par kilo.» On va donc tripler les proportions pour fermenter nos trois kilos de feuilles finement rabotées. On mélange bien pour répartir le sel, et le chou ne va pas tarder à rendre son eau. À ce stade, on ajoute l’assaisonnement choisi: «Compter par exemple dix baies de genièvre par kilo de chou, mais on peut aussi préférer le carvi ou les graines de moutarde, par exemple.»

Une fois dégorgé et assaisonné, notre chou va s’installer dans son bocal. Pas besoin de stériliser les bocaux, puisque les bactéries acides se chargeront du nettoyage. On tasse bien afin d’éviter les poches d’air. Important aussi, «le liquide doit être suffisant pour recouvrir le tout». Une fois bien tassé, on recouvre le tout de trois grandes feuilles de chou et on ferme le bocal avec son armature métallique. «Idéalement, je vais le garder au moins cinq jours à bonne température dans un lieu chaud comme la cuisine. Dès le lendemain, de drôles de choses vont se produire, des bulles, de petits glouglous. Notre chou commence à pousser, mousser, monter, déborder.» C’est tout? Oui. Enfin presque. Reste la question essentielle, celle des garnitures…

Texte(s): Véronique Zbinden
Photo(s): François Wavre/Lundi13

Un art millénaire

La pratique de la fermentation remonterait au néolithique: des vestiges d’une boisson à base de riz, miel et fruits ont été retrouvés en Chine dans des jarres vieilles de neuf millénaires…  C’est aussi, surtout, un mode de conservation et de consommation universel. Les Romains fermentaient du chou voilà plus de deux mille ans, mais il semble qu’on doive la choucroute aux Mongols, un millénaire plus tard. L’Europe se divise aussi sur les condiments: genièvre ou cumin en France, Allemagne et Suisse, carottes, pommes, airelles en Russie et en Ukraine, alors que les Polonais aiment farcir de choucroute leurs fameux pierogis, un genre de raviolis…

Les artisans

Jacqueline, Romano et Daniel
Le 21, le chou se met sur son 31. C’est une des idées pétillantes signées Lausanne à table et Romano Hasenauer: la Fête de la choucroute, deuxième du nom, se tiendra au Chalet-des-Enfants du 21 au 24 octobre, chic. On pourra non seulement y déguster un menu thématique 100% fermenté (ou à peu près), repartir avec ses pickles préparés par l’équipe du resto et les artisans du potager, Jacqueline et Daniel Meister, mais aussi s’initier aux arcanes de la lactofermentation. Le programme? Une conférence, suivie d’une dégustation par deux maîtres ès spiritueux et boissons pétillantes (Nicolas Perrenoud, de l’Esprit du Major, et Arnaux Gervaix, d’Urban Kombucha); un repas découverte et plusieurs ateliers avec cueillette pour enfants ou adultes – le tout sur inscription, évidemment…

+ D’infos chaletdesenfants.ch/fetedelachoucroute