Architecture verte
La Maison-Matrice, un havre d’art et de sobriété

Chaque mois, nous partons à la découverte de logements exemplaires sur le plan énergétique. À Crémines (BE), une association accueille des artistes en résidence, tout en prônant l’autoconstruction, le don et la mutualisation.

La Maison-Matrice, un havre d’art et de sobriété

Au début du siècle dernier, on y fabriquait des draps, des biscuits et des planches en bois. Aujourd’hui, ce site composé d’une scierie, d’un jardin et d’une grande bâtisse – entretemps réaffectée en locatifs –, est de nouveau un refuge pour l’artisanat et la création. Depuis 2020, l’association régionale La Maison-Matrice y propose un projet socioculturel inédit, grâce à un «bâtiment-outil» ouvert à tous gratuitement, servant de lieu de travail, d’échanges et de logement, à Crémines (BE). «L’idée est de soutenir les activités artistiques au sens large, favoriser les liens sociaux et prôner un mode de vie plus durable. Tous ces éléments sont interconnectés, d’où le terme de matrice», exposent le pianiste Malcolm Braff et la chanteuse fribourgeoise Claire Huguenin, deux des cofondateurs du projet. Le couple habite sur place avec ses deux enfants, entouré de bien d’autres résidents. Le jour de notre venue, après avoir partagé un repas avec une dizaine de personnes sur la terrasse, il nous emmène pour une visite.

Au rez-de-chaussée, un vaste espace de concert et d’exposition est en train d’être créé. Mais actuellement, l’heure est aux travaux. En cause: le remplacement de la vieille chaudière à mazout par une infrastructure solaire thermique low-tech, grâce à des capteurs en cuivre posés sur le toit. «Ceux-ci vont produire de la chaleur pour l’eau chaude et le chauffage. Nous ferons aussi brûler quelques bûches. Ce système nécessite environ quatre fois moins d’énergie fossile que le photovoltaïque, tout en étant simple d’installation et réparable. Nous l’avons nous-même assemblé après avoir suivi une formation», expliquent les musiciens. En effet, l’autoconstruction est une des valeurs clés de la communauté, qui tient à impliquer ses membres dans une optique de responsabilité collective.

Chacun selon ses moyens

Longeant le cours d’eau La Raus, le reste de la bâtisse est partagée en plusieurs appartements, salle de répétition avec piano, atelier de céramique, forge, friperie, cinéma extérieur, en plus d’une menuiserie dans l’ancienne scierie, le tout avec des objets de récupération. «Toutes les pièces ont été câblées, afin de pouvoir être transformées en studio d’enregistrement. Conformément à notre charte, au moins la moitié des espaces sont mutualisés», ajoutent Malcolm Braff et Claire Huguenin. Chaque année, plusieurs centaines de personnes en profitent, comme le batteur bernois Hannes et la violoniste Ada, tout juste arrivés pour une dizaine de jours: «Il n’est pas tout le temps facile de trouver des locaux pour répéter. Ici, il n’y a pas d’échange d’argent ni de tracas administratifs. S’il y a de la place, on peut venir. C’est une belle philosophie.»

La petite équipe, elle, aime parler d’économie du don, qu’il soit en espèces ou en bénévolat, de la part des personnes et institutions qui croient au projet. Leur adage: chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins. «Jusqu’à présent, ça fonctionne, même si cela demande des efforts et une sensibilisation aux tâches quotidiennes. C’est une expérience évolutive.» Sur le plan de l’alimentation, les résidents entretiennent un jardin potager, collaborent avec une coopérative permacole et ont passé un accord avec un supermarché afin de récupérer les invendus. Ces prochaines années, ils espèrent s’implanter davantage dans le tissu local, en mettant sur pied un petit festival et un marché gratuit, ainsi qu’en encourageant les artistes à organiser des représentations à la fin de leur séjour. «Nous espérons que ces initiatives toucheront un maximum de personnes, car elles sont une réponse aux multiples crises que nous traversons, pour aller vers plus de solidarité et de sobriété.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Vincent Muller

En chiffres

  • 1 association créée en 2019 avec environ 300 membres
  • 1 maison avec 4 appartements et 2 ateliers
  • 750 m2 de surface habitable dans le bâtiment principal, dont plus de la moitié transformés en espaces communs
  • 80 résidences de création par an, de 2 à 30 jours, soit 1200 nuitées individuelles
  • 1 système solaire thermique avec une cuve de 6000 litres d’eau
  • 17 groupes de travail pour faire vivre le lieu

Le comité

Parmi les huit membres du comité actuel siègent Maroussia Maurice, Luana Braff, Malcolm Braff et Claire Huguenin (photo ci-dessus, de g. à dr), tous actifs dans les milieux artistiques et culturels. Une partie d’entre eux habitent toute l’année sur place. Locataire jusqu’en 2022, l’association est désormais propriétaire des lieux suite à une levée de fonds et prévoit de créer une fondation pour pérenniser le projet.