Parlons blé
L’agritourisme peut-il faire le beurre de la paysannerie?

Gérer une ferme, c’est également aller au-devant de nombreux défis financiers. Cette année, Terre&Nature a décidé d’aborder une série de questions en lien avec cette thématique.

L’agritourisme peut-il faire le beurre de la paysannerie?

Diversification. Dans le secteur du tourisme, comme dans celui de l’agriculture, c’est le mot d’ordre. Les deux branches l’ont bien compris et tentent de renforcer les collaborations. À l’heure où les milieux écologiques incitent au développement d’un tourisme doux et que les hôtes recherchent volontiers authenticité et proximité, les exploitants agricoles rivalisent de créativité: immersion à l’alpage, Bed & Breakfast, démonstration de la fabrication du fromage, voire bains dans une cuve de petit-lait…

En 2022, l’Institut Tourisme de la HES-SO Valais et la faîtière Agritourisme Suisse ont lancé un sondage pour mieux mesurer l’importance économique de ce créneau. Le résultat n’est pas totalement représentatif du panorama national, soulignent les auteurs de l’étude, car seules 119exploitations ont répondu, sur les quelque 3000 fermes agritouristiques du pays. Le rapport final permet toutefois d’estimer que cette activité a rapporté en Suisse entre 52 et 91 millions de francs en 2021, selon différentes méthodes de calcul. Deux ans plus tôt, la fourchette était de 43 à 76 millions. Rapporté à chaque entreprise sondée, cela représente une moyenne de 45 000 francs de chiffre d’affaires annuel.

Moins de 20 000 francs par ferme

Si le gain paraît conséquent, l’étude souligne que ces activités restent peu rémunératrices. Dans une ferme sur cinq, elles rapportent moins de 20 000 francs. Alors, l’agritourisme en vaut-il vraiment la peine? «Cela peut être un débouché intéressant, rétorque Andrea Bory. Pour autant que les projets ne soient pas freinés par les services cantonaux chargés de l’aménagement du territoire.» La cheffe du Département exploitation, famille et diversification chez Agridea cite l’exemple d’une table d’hôtes qui s’était lancée il y a dix ans: «L’exploitant est allé pendant un an en France se former au métier de cuisinier du terroir.

À son retour, il a installé une cuisine professionnelle pour accueillir les convives dans les meilleures conditions, mais après quelques années d’activité, le Canton a estimé que la taille du parking ne correspondait pas à son infrastructure. Les investissements nécessaires pour se mettre aux normes étaient si élevés qu’il a renoncé.» Il ne suffit donc pas d’être hypermotivé et d’y mettre tout son cœur, estime Andrea Bory. «Et il faut que le projet ne soit pas uniquement celui du chef ou de la cheffe d’exploitation. Accueillir des personnes dans la ferme familiale modifie fortement la manière de travailler.»

Adapter l’offre à sa clientèle

Au-delà de ces avertissements, Andrea Bory ne décourage en aucun cas la mise en place d’une offre touristique à la ferme. «On assiste à de vraies success-stories.  Cette diversification qui répond aux injonctions des autorités en ce sens passe par le type de production, mais aussi par l’ouverture à d’autres activités. D’autant que le budget alimentaire des ménages a diminué au profit de celui alloué aux activités de loisirs.» Ses conseils? «Il faut bien réfléchir à la clientèle que l’on vise et adapter l’offre en fonction. Il ne sert par exemple à rien de créer des chambres luxueuses et prévoir des douches et w.c. communs…»

La Haute école bernoise des sciences agronomiques, forestières et alimentaires, en partenariat avec de nombreux acteurs (agri)touristiques a créé le site web Agrotourisme-q, qui propose des formations en ligne et des conseils marketing. «Agridea dispose aussi de brochures et de logiciels qui accompagnent les producteurs dans ces démarches», précise Andrea Bory, qui conclut: «Il faut un équilibre: avoir la culture de l’accueil est essentiel, mais aussi l’esprit d’entrepreneur, avec un business plan en tête.»

Texte(s): David Genillard
Photo(s): Marcel G