Reportage
Le drone d’épandage bourdonne dans les vignobles en pente

Équipée de buses et d’un réservoir, cette machine volante est de plus en plus prisée pour traiter la vigne en terrain escarpé. Pour Gaétan Bender, vitiviniculteur à Fully(VS), c’est «l’avenir de la viticulture de coteaux».

Le drone d’épandage bourdonne dans les vignobles en pente

Le drone décolle comme un scarabée, s’incline et file en vrombissant vers les vignes en pente. Nous sommes sur le domaine de la Sarvaz à Saillon (VS). Gaétan Bender, télécommande en main, attend que la bestiole se retrouve au-dessus des rangs de chardonnay et de johannisberg pour lancer le mode automatique. Porté par six bras munis d’hélices et de buses, le robot-réservoir survole les pieds de vigne à quatre mètres de haut, pulvérisant son produit.

En ce début du mois d’avril, il ne s’agit que d’eau en guise de démonstration. Mais les premiers traitements interviendront d’ici à quelques jours. «Le drone s’occupe d’un secteur en une matinée, là où il nous faut deux ou trois fois plus de temps avec le canon ou le chenillard», explique Gaétan Bender. C’est la troisième saison que le vitiviniculteur de la Cave des Vignerons à Fully (VS) recourt à cette machine sur son domaine de 27 hectares, dont près d’un quart en bio.

Charge mentale réduite
De fabrication chinoise (lire l’encadré), le DJI Agras T30 travaille vite, mais la batterie se décharge rapidement. «Il faut compter entre 6 et 25 minutes selon les utilisations», précise le Valaisan. Lorsque le drone tourne, une batterie de réserve attend donc toujours sur la borne de recharge. Avec un réservoir de 30 litres pour un poids total à plein de près de 70 kg, il effectue généralement environ 50 décollages par matinée. Ce type d’opération se répète à cinq ou six reprises durant l’année. Gaétan Bender reconnaît qu’un traitement au sol contre les maladies demeure nécessaire, une ou deux fois par an. Le travail au chenillard reste plus qualitatif, mais physiquement et psychiquement plus éprouvant. D’où l’intérêt du drone. En tête des bénéfices: pénibilité et charge mentale réduites, ainsi qu’une moindre exposition au produit. «On n’est pas dans le vignoble lors du traitement.»

Autre avantage, selon le professionnel de la vigne: «La précision de mesure du débit est impressionnante. Sur deux hectares, je sais exactement combien je dois mettre de produit, ce qui permet de limiter les résidus (ndlr: potentiellement nocifs pour l’environnement)», dit-il. La taille modeste du réservoir et les recharges successives aident également à les limiter ces résidus.

Côté écologie, Gaétan Bender relève que le drone est préférable à l’hélicoptère, utilisé en Valais pour les parcelles difficiles d’accès. Car le cadre législatif est moins contraignant. La dérive, soit la perte de produit phytosanitaire dans l’environnement du drone, est très faible par bonnes conditions et en tout cas inférieure à celle de l’hélicoptère. En revanche, relève le Fulliérain, il reste le problème du vent. «Ici, il se lève en général vers 10h, c’est pour cela que nous commençons souvent tôt, vers 4h du matin.»

Attention de tous les instants
Il n’empêche, cette nouvelle technologie séduit de plus en plus. «Rien qu’à Fully, nous sommes cinq vignerons à posséder une machine», relève Gaétan Bender, qui souligne que l’appareil est facile d’utilisation. «L’un de mes collègues, pas branché technologie pour un sou, a été convaincu en observant l’engin sur le terrain», ajoute le Valaisan qui a suivi une formation auprès de l’Office fédéral de l’aviation civile (une obligation pour piloter une telle machine). Et a bénéficié d’un cours spécifique à l’épandage par drone auprès du fournisseur Digitalroots.

À l’usage, Gaétan Bender observe que l’engin, conçu à la base pour les rizières asiatiques, n’est pas toujours adapté au relief valaisan. «Même si le résultat est dans l’ensemble très bon, le drone perçoit parfois mal certaines déclivités du terrain», observe-t-il en désignant une légère dépression dans la pente du vignoble. Un simple mouvement du doigt sur la télécommande permet à l’appareil de rectifier le tir. «Lors de chaque décollage, il faut également être particulièrement attentif à ne pas surprendre un cycliste ou un cavalier. Une fois en vol, arrivé en bout de rang, les branches des arbres posent parfois problème», note Gaétan Bender, qui a déjà dû remplacer quelques hélices. «Mais les pièces de rechange sont facilement disponibles.» De menus détails qui ne sont pas de nature à entamer l’enthousiasme du Fulliérain: «On passe d’un système archaïque à l’ultratechnologie.»

Un avantage pour le bio
Pour lui, cette bête d’électronique et de carbone représente «l’avenir de la viticulture» pour les endroits où la topographie est difficile. Face au manque de relève dans la branche et avec des domaines toujours plus grands, cet appareil permet de garder une vie de famille et un dos en meilleure forme. Il est d’autant plus une technologie d’avenir que le bio nécessite davantage de passages sur les parcelles. Et surtout, il confie que cette machine à hélices rend tout simplement le travail plus plaisant. «Chaque fois, je me réjouis de sortir mon drone du camion.»

Texte(s): Pierre Köstinger
Photo(s): Cédric Raccio

Aussi pour les abricots

Digitalroots SA a vendu ses premiers drones d’épandage en 2020. Depuis, cette société basée à Granges (VS), qui emploie six collaborateurs à l’année, n’a cessé de se développer. «On en est aujourd’hui à la sixième génération de drones», fait remarquer son directeur technique Bastien Héritier. Importateur officiel pour la Suisse de la marque chinoise DJI, Digitalroots se démarque par son service personnalisé d’épandage auprès des producteurs. De 6 hectares en 2019, l’entreprise en traite aujourd’hui environ 330. Depuis quatre ans, elle s’occupe aussi d’abricotiers sur des parcelles en coteau. De plus, la société a créé une filiale en France, où l’épandage par drone est en cours de légalisation.

Comment ça marche

Le DJI AgrasT30, c’est une envergure de 2,8m (bras dépliés) pour un poids à vide de 36 kg (batterie comprise) et une vitesse maximale de 7 m/s. En cadence d’épandage, le rythme est de 7 à 9 km/h. Au centre de l’appareil, un réservoir de 30 litres est relié à des buses, fixées au bout de chaque bras. Celles d’origine peuvent être remplacées par des modèles adaptés au traitement de la vigne. Le réservoir ne comportant pas de mélangeur, la préparation de la bouillie se fait grâce à un appareil externe. Ce drone est surtout utilisé pour l’épandage liquide, mais il existe aussi une version pour les fertilisants solides. Deux caméras, à l’avant et à l’arrière, permettent une vue subjective, tandis que le système GPS, via la technologie RTK (cinématique temps réel), permet une précision à 2 cm près. Une fois les parcelles cartographiées, le travail peut être entièrement automatisé. Le suivi des traitements est informatisé. Prix approximatif: 55’000 francs (appareil, mélangeur et formation).

+ d’infos www.digitalroots.ch