Reportage
Le tayberry, un petit fruit au grand potentiel

À Grandcour (VD), Émilie Mayor cultive un fruit issu d’un croisement entre la mûre et la framboise. Elle l’utilise pour confectionner de nombreux produits artisanaux qui sauront ravir les amateurs de nouveautés.

Le tayberry, un petit fruit au grand potentiel
C’est dans la ferme familiale à Grandcour (VD), une bourgade entre la Broye et le lac de Neuchâtel, qu’Émilie Mayor s’est lancée, seule, dans la culture des petits fruits dont le tayberry, un croisement entre la mûre et la framboise qu’elle est l’une des rares à produire dans la région. L’aventure a démarré il y a trois ans, grâce à une campagne de financement participatif; la jeune femme avait à cœur de développer dans ce lieu, qu’elle a baptisé la Ferme d’Émilie, une activité qui soit locale, artisanale et gourmande.

Fruit originaire d’Écosse
«Le choix de ce fruit peu commun s’est fait à la suite de la dégustation d’un tiramisu aux tayberries chez des amis. J’ai immédiatement apprécié son goût beaucoup plus juteux que les autres petits fruits avec un côté exotique, se rappelle avec émotion Émilie Mayor. Lorsque j’ai dû choisir les variétés, c’est le goût qui a tout de suite primé sur les autres critères, comme le rendement ou la résistance aux maladies.»Bien qu’elle ait un père paysan, la Vaudoise n’avait pas prévu de devenir agricultrice. Elle a d’abord été pâtissière, une activité qu’elle a pratiquée avec passion pendant plusieurs années, puis maîtresse socioprofessionnelle dans des ateliers protégés. Ce n’est que récemment, à la faveur de circonstances familiales, qu’elle a décidé de suivre les traces de son papa. La retraite approchant, celui-ci cherchait en effet quelqu’un pour reprendre le domaine familial. Une occasion que sa fille ne pouvait refuser, y voyant la possibilité de réunir dans une même activité son amour des produits sains et de la nature.Gérant seule toutes les étapes de la production – de la plantation à la récolte en passant par la transformation, – la jeune femme (elle a tout juste 30 ans) a décidé de commencer petit. La surface de son exploitation fait moins d’un hectare (0,6 are), mais on y trouve une grande diversité de variétés: des myrtilles, des fraises, des framboises de toutes les couleurs (roses, jaunes et noires), du cassis, des raisinets, des groseilles à maquereau et, bien sûr, des tayberries. Ces derniers représentent entre 15 et 20% de l’ensemble de ses cultures, toutes bios.

Le tayberry a été développé en Écosse et fait partie de la famille des ronces. Par rapport à la framboise et à la mûre, dont il est issu, son fruit a une forme allongée et un arôme particulier qui font son originalité. «Il pousse très bien sous nos latitudes», constate Émilie Mayor. Sa culture n’est donc pas difficile, à l’image des autres ronces. En revanche, son arôme peut perdre en intensité à la suite d’une saison abondante en eau comme cette année. Émilie Mayor récolte les tayberries à la main, en continu de juin à août, avec l’aide parfois d’un ou deux auxiliaires. «C’est un fruit qui se mérite, car on se griffe facilement avec les épines en les ramassant.»

Confiture, granola ou tiramisu
La grande partie des récoltes est vendue directement à la ferme, un coin de la grange faisant office d’épicerie. Le reste – tout ce qui est hors calibre (deuxième choix) – est transformé par ses soins et commercialisé aussi sur place. Émilie Mayor ne manque pas d’idées pour valoriser ses petits fruits. Une partie est séchée pour faire du granola. Une autre est transformée en confitures et purées de fruits avec lesquelles elle confectionne des tartelettes et des tartes. Les confitures sont fabriquées sans pectine, selon «des recettes de grand-mère». Émilie Mayor confectionne aussi des biscuits de Noël avec ses purées, donnant aux journées grises une couleur estivale.

En confiture, le tayberry est mélangé à d’autres fruits, ce qui donne une marmelade aux baies. Il est également utilisé sur des tartelettes faites maison et se décline en délicieuses glaces. Mais la préférence de l’agricultrice va au tiramisu: «Grâce à son côté très aromatisé et juteux, le tayberry se prête encore mieux que la framboise à la confection de ce dessert. On n’a pas besoin de mettre trop de sucre, le goût du fruit se suffit à lui-même.» Elle espère pouvoir convaincre un jour les restaurateurs de proposer de tels desserts à leur carte. Pour le moment, la réponse est plutôt timide, ce qu’elle attribue à la nouveauté: «Le tayberry n’évoque encore rien aux clients et tout le monde n’ose pas le tester.» Pour y remédier, la Ferme d’Émilie propose de découvrir sa production sur place cet été.

Texte(s): Horace Perret
Photo(s): Thierry Porchet

La productrice

Si elle a toujours aidé ses parents à la ferme, Émilie Mayor a décidé de suivre une formation en bonne et due forme pour devenir agricultrice. Son CFC lui a donné les compétences nécessaires pour gérer la Ferme d’Émilie, son projet personnel, et aider en parallèle son père à faire tourner l’exploitation en attendant sa retraite. Car, à côté du 0,6 are de cultures de petits fruits, le domaine familial compte encore 30 hectares de grandes cultures récemment converties en bio. Quant à l’élevage de porcs d’environ 300 bêtes, les Mayor ont renoncé à l’exploiter, les installations étant devenues trop vétustes.

Financement participatif «maison»

Pour récolter les fonds nécessaires à son projet, Émilie Mayor a organisé une campagne de financement participatif sur la plateforme Wemakeit. La campagne a permis d’atteindre, et même de dépasser, l’objectif fixé de 22’000 francs. Pour la productrice, cette approche a eu un autre avantage: mobiliser les gens lui a permis de se faire connaître et de se créer déjà une future clientèle. Pour obtenir le matériel nécessaire à la promotion du projet, elle a utilisé ses réseaux: une vidéo réalisée par des amis et le graphisme par sa sœur ont ainsi donné naissance à un projet 100% local.