Point fort
Les églises s’engagent pour protéger la planète

Activités, célébrations et gestion des bâtiments: depuis 2020, un réseau œcuménique aide les paroisses dans leur transition écologique. Cette mobilisation vise à modifier en profondeur notre rapport à la nature.

Les églises s’engagent pour protéger la planète

Ce matin de décembre, cinq paroissiens apprennent à emballer des cadeaux de Noël avec du tissu, dans le cadre d’un écocafé au temple de Vufflens-le-Château (VD). «L’idée est de partager nos trucs et astuces du quotidien afin de rendre les fêtes plus durables. Nous alternons ces rendez-vous avec des pique-niques en compagnie de biologistes, d’apiculteurs ou de spécialistes du climat. C’est très inspirant», raconte Elizabeth Chollet, une des initiatrices du projet. En 2022, elle a en outre encouragé ses collègues à prendre part à des séances de ramassage de déchets et a proposé des cultes centrés sur la protection de la nature.

À l’autre bout du canton, la paroisse d’Ormonts-Leysin est tout aussi engagée, puisqu’elle participe depuis plusieurs années à l’organisation d’ateliers de réparation d’objets. Les membres ont également planté des fruitiers et installé des nichoirs pour martinets sur l’un des édifices. Même son de cloche à l’église de Salins (VS), qui s’est récemment équipée de LED et d’un système de chauffage moins énergivore.

Des actions concrètes
Ces lieux de célébration font partie du réseau romand ÉcoÉglise, lancé en 2020 par plusieurs associations œcuméniques. Le but: accompagner les communautés chrétiennes dans leur transition écologique afin de donner naissance à un mouvement global, comme en France et en Angleterre (lire l’encadré). Il compte actuellement 37 membres de confessions diverses. «Même s’il existait déjà des initiatives isolées, la plupart des gens ne savaient pas par où commencer, car ces institutions sont traditionnellement davantage engagées dans les questions sociales que climatiques, expose Lara-Florine Schmid, coordinatrice du réseau. Nous les incitons à prendre soin de la création et à œuvrer conjointement, grâce à des outils concrets.»

Parmi ceux-ci, on retrouve un «écodiagnostic» disponible en ligne par le biais d’un questionnaire. Il porte sur l’isolation des bâtiments, la biodiversité des espaces verts alentour, la mobilité des membres, la gestion des déchets ou encore le respect de la nature comme sujet de prière, autant à l’échelle paroissiale qu’individuelle. Un accompagnement est offert avec des fiches pratiques. Les plus motivés peuvent obtenir un label consacré, baptisé «Coq vert». La Vaudoise Elizabeth Chollet rassemble actuellement les données de consommation énergétique des édifices: «Cela n’est pas évident, car ils appartiennent aux communes. C’est un travail de longue haleine. Toutefois, nous voyons déjà des résultats positifs en matière de sensibilisation, notamment en ce qui concerne le covoiturage. L’urgence est là, nous devons agir à tous les niveaux.»

D’un point de vue institutionnel, il y a aussi du changement. Depuis l’an dernier, il existe une représentante de l’évêque pour l’écologie. Au sein de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), une responsable des enjeux spirituels de la transition écologique et sociale a également été nommée: la pasteure et théologienne Marie Cénec occupe ainsi ce poste depuis le début d’année. «Si l’EERV est très engagée sur ces questions, on assiste à un élan général dans les églises romandes, avec de l’enthousiasme et de la créativité, observe-t-elle. Cela donne de l’espoir et permet de nourrir le débat sociétal avec des questionnements profonds et existentiels.»

Pour une sobriété heureuse
Bien que récent, ce mouvement s’inspire de réflexions en lien avec l’écopsychologie et l’écospiritualité menées par le Laboratoire de transition intérieure depuis 2016, mis sur pied par la fondation Pain pour le prochain, désormais partie intégrante de l’Entraide protestante Suisse. «Nous avons réussi à créer une dynamique de réseau et organisé de nombreux événements en associant les milieux d’église, la société civile, le monde académique et les acteurs de la transition et de la protection de la nature, explique le responsable Michel Maxime Egger, sociologue et écothéologien. L’un des enjeux est de redéfinir notre système de valeurs et notre conception du bonheur en se reconnectant au vivant et à nos émotions, surtout dans un contexte grandissant d’écoanxiété dont souffrent les jeunes.»

Justement, à Lausanne, les aumôneries des Hautes écoles s’engagent de plus en plus en ce sens. Depuis deux ans, elles organisent la mobilisation Détox’ la Terre, qui a lieu de février à Pâques, durant laquelle environ 250 participants choisissent d’entrer dans un jeûne de consommation, afin d’embrasser une «sobriété heureuse». «Certains décident d’arrêter la viande, les réseaux sociaux ou le shopping. C’est un moment de détoxification des mauvaises habitudes, car ce qui est bon pour soi est également bon pour la planète», assure l’aumônier Xavier Gravend-Tirole. Des conseils qui valent aussi pour les fêtes de fin d’année, conclut-il.

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Loïc Hérin

Questions à...

Christophe Monnot, sociologue des religions et chercheur à l’UNIL

Y a-t-il une dimension écologique dans la religion chrétienne?
Oui et non. Il peut y avoir de multiples interprétations de la Bible, dont certaines très anthropocentrées. Les théologiens ont pris conscience de l’importance de la protection de la nature dans l’histoire du salut dès 1960. Mais les églises ont continué à s’engager davantage dans le social, par exemple dans la lutte contre la pauvreté. Ce n’est que depuis 2010 que l’on constate de nombreuses actions pour la planète dans les églises romandes.

Comment expliquer cet élan?
Cela reflète simplement l’évolution des mentalités dans la société, et non pas une volonté particulière de l’Église de se positionner sur ces questions. Toutefois, l’encyclique Laudato Si’ du pape François, lettre publiée en 2015, a eu un grand impact sur la population, rappelant à tous l’importance de «sauvegarder notre maison commune».

Au-delà de la religion, spiritualité et transition écologique sont très liées…
Il est vrai que les pratiques de méditation ou de jeûne pour se reconnecter à la terre sont de plus en plus fréquentes. Ce phénomène d’engagement spirituel soft peut aider à mobiliser en profondeur la population, sans qu’il y ait de lien direct avec la religion historique.

A l’international

ÉcoÉglise s’inspire d’autres plateformes déjà bien implantées en Europe, telles que Eco Church, en Angleterre, et Église verte, en France, qui compte 770 communautés chrétiennes. À l’échelle mondiale, le mouvement multiconfessionnel GreenFaith s’engage en faveur de la justice climatique: il offre des formations en ligne et des bourses, et invite des conférenciers de religions variées afin de créer des groupes locaux d’action. En Suisse, cette communauté est portée par Nils Phildius, pasteur au sein de l’Église protestante de Genève.