Ils ont foi en un système alimentaire durable

Chaque mois, Terre&Nature met la relève à l’honneur. Sur le site de la multinationale Bobst, à Mex (VD), deux Vaudois issus du milieu académique gèrent une microferme consacrée au maraîchage.
30 mai 2024 Véronique Curchod
© Véronique Curchod

Si ceux qui façonnent l’agriculture d’aujourd’hui et de demain sont encore souvent issus du sérail, de plus en plus de personnes n’ayant pas grandi dans le milieu souhaitent se lancer. Et apporter leur propre vision de la production alimentaire. David Bollier et Cédric Wetta font partie de cette nouvelle génération d’agriculteurs.

En ce matin de printemps, ils sont affairés à désherber des rangs de carottes. Manuellement, patiemment, ils progressent, une ligne après l’autre.Une soixantaine d’espèces de légumes poussent sur leur exploitation. Pourtant, rien ne prédestinait ces deux ingénieurs agronomes à se retrouver ainsi les mains dans la terre.

Profonde motivation

«Jamais nous n’aurions pensé devenir producteurs, confirment-ils. Mais pendant nos études d’agronomie à l’HEPIA, la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, nous nous sommes intéressés à l’alimentation. Et avons décidé d’agir concrètement pour améliorer le système agricole qui nous nourrit. Nous avions deux options: la production ou la politique. Finalement, le maraîchage représente pour nous presque un acte politique.»

Si les microfermes comme la leur ont le vent en poupe, la recherche d’un terrain reste néanmoins une gageure qui nécessite de longues démarches, du temps et beaucoup d’énergie quand on ne peut compter sur la reprise d’une exploitation familiale.  C’est finalement une rencontre avec Jean-Pascal Bobst, le président du comité de direction de la multinationale du même nom, qui a permis de lancer le projet.

Ainsi est née la Ferme du Goupil, baptisée de la sorte en clin d’œil au renard. «Cet animal, par ses allers-retours entre la campagne et la ville, incarne parfaitement notre désir de renforcer le lien entre ces deux mondes, explique David Bollier. De plus, il est un allié précieux pour nous aider à lutter contre les campagnols qui menacent parfois nos cultures.»

Un emplacement peu ordinaire

L’environnement de la ferme maraîchère ne correspond pas forcément à l’image qu’on pourrait se faire d’une telle entreprise. Le terrain est en effet entouré de hauts bâtiments – ceux de l’entreprise Bobst, à Mex (VD) –, et traversé par une ligne à haute tension. Mais l’emplacement est également un atout pour la production hebdomadaire de paniers, que ce soit en matière de visibilité ou de facilité de livraison. «Une partie est vendue directement sur place, à des collaborateurs de la multinationale, y compris des membres de la direction. Cela nous a assuré un certain volume dès nos débuts.»

David Bollier et Cédric Wetta reconnaissent que leur système n’est, en soi, pas innovant. «Mais la façon dont on l’a mis en place, sur ce site particulier, l’est. De plus, nous veillons à créer un système qui soit réellement viable économiquement, et non une simple utopie. Pour y parvenir, nous cherchons constamment à améliorer l’efficacité et à optimiser le tout, en minimisant les charges fixes.»

Soutien à la décarbonation

À l’origine, la Ferme du Goupil était constituée d’un trio d’amis, tous ingénieurs agronomes. Téo Lemaitre a finalement trouvé une autre voie afin de coller à ses ambitions de réduire l’impact environnemental des exploitations agricoles. Il est désormais coordinateur scientifique au sein d’AgroImpact. L’objectif de cette association romande regroupant paysans, chambres d’agriculture, groupement de producteurs, chercheurs, industriels et écologistes est de proposer aux exploitations des mesures pragmatiques et individualisées pour les décarboner. Et ceci en combinant l’augmentation de la capacité de stockage du carbone dans les sols et la diminution des gaz à effet de serre produits.

Créer du lien

Si leur titre d’ingénieur agronome leur a permis d’avoir une large vision des enjeux et des problématiques, ils reconnaissent qu’ils avaient, à leurs débuts, des manquements quant à certaines techniques culturales. «Nous nous demandions quelle était cette mouche qui mangeait nos radis ou pourquoi ce champignon noir se développait. Mais nous savions aussi que, n’étant pas du sérail, on nous attendait au tournant.

En se documentant correctement, en allant chercher l’information, en faisant des stages chez d’autres maraîchers, on s’en est bien sorti. Et ce, dès la première année.» Leur objectif est de garder une grandeur d’exploitation à taille humaine, qui leur permette de s’affranchir de la grande distribution, tout en recréant du lien avec le citadin. Toute la production est vendue en direct, par des paniers sur abonnement. «Et au quotidien, j’ai davantage de plaisir à travailler dans une telle structure que dans une grande ferme», reconnaît David Bollier.

Approche en douceur

Les deux compères ont à cœur d’utiliser des méthodes culturales avec le moins d’impact possible sur l’environnement – la ferme est d’ailleurs labellisée Bio Suisse. Ils tentent donc de maximiser la biodiversité du lieu par le biais, entre autres, des murgiers, des tas de branchages et des zones fleuries, en consacrant davantage de surface que les 7% de SPB (surface de promotion de la biodiversité) obligatoires.

Difficile néanmoins pour les deux amis de se projeter, leur bail étant renouvelable tous les cinq ans. Pourtant, ils ont acquis une certitude: ils n’échangeraient aucunement leurs journées de labeur à la ferme pour un bureau auquel leur formation les prédestinait.

En chiffres

2021, la création de la ferme maraîchère.

1,5 hectare, dont 2000 m2 sous tunnel.

200 paniers par semaine et une dizaine de restaurants livrés.  

26 tonnes de légumes produits en 2023.

100 variétés, en incluant les aromatiques et les petits fruits.

4 postes à plein temps sur l’année.

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