Reportage
Les pâtisseries de carnaval font merveille toute l’année

Il est toujours plus difficile de trouver une fabrication artisanale de cette gourmandise traditionnelle. Depuis deux ans, elle fait pourtant partie de l’assortiment permanent de la boulangerie familiale Alphonse Pellet à Uvrier (VS).

Les pâtisseries de carnaval font merveille toute l’année
En entrant dans l’établissement d’Alphonse Pellet à Uvrier (VS), le large choix de pains ainsi que les spécialités colorées – dont des croissants rosés grâce à un faible apport de jus de betterave, sans impact gustatif – frappent l’œil. Accrochés au mur, derrière le présentoir, de nombreux prix et distinctions sont encadrés: médaille de bronze du Swiss Bakery Trophy pour la «tresse de mon papa» et d’argent pour les bretons, certificat de production de pain de seigle du Valais AOP… Puis, un peu plus bas, juste à droite de la caisse, une affichette: merveilles maison.Ces spécialités ont, elles aussi, leur diplôme: une médaille de bronze en 2019-2020. Emballées dans leurs paquets brillants bien alignés les uns à côté des autres, elles font envie. Et ce n’est pas la petite Kataleya, du haut de ses 16 mois et déjà fière représentante de la sixième génération des Pellet, qui dira le contraire. Si la recette de ces merveilles est issue de la tradition familiale, elle n’a, selon Alphonse Pellet, pas vraiment de secret: de la farine fleur, du beurre, du sucre, du lait, des œufs, un peu de sel, du citron et, enfin, une tombée de kirsch dans le but d’apporter de la fraîcheur. Quant aux dosages, ils ne seront pas divulgués. «Ce qui fait la différence, c’est la qualité des matières premières et le savoir-faire du boulanger», relève l’artisan, qui travaille avec des ingrédients 100% naturels et suisses.
Fines et élégantes
Une fois le tout bien mélangé et la pâte formée, celle-ci est laissée au repos toute une nuit avant d’être finement abaissée à 0,5 mm, à l’aide d’un laminoir. Elle est ensuite découpée non pas en ronds, mais en rectangles de 10 sur 5 cm. La touche de la maison. «Cette forme, plus facile à réaliser, nous différencie de la production industrielle», explique Alphonse Pellet. Sans oublier qu’une pâtisserie reste fabriquée afin d’être dégustée avec plaisir. «Pour manger de grandes merveilles rondes, il faut les casser, ce qui n’est pas franchement pratique. En outre, on met des miettes partout et le résultat n’est plus très appétissant… tandis que là, elles sont faciles à attraper, et la boîte se finit proprement. Et rapidement!» lâche le Valaisan dans un sourire.
Le temps dévolu à la production, en revanche, s’avère bien plus lent que celui de la dégustation. En effet, la préparation de merveilles maison demande beaucoup de travail. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est si difficile de trouver des artisans qui en confectionnent encore. «Un lot de 42 boîtes nécessite 5 h à la friteuse, commente Alphonse Pellet. Et c’est sans compter la confection de la pâte ni l’emballage. Il s’agit vraiment d’un produit de tradition, il faut être passionné pour le concocter.» Heureusement pour le patron, toute son équipe de pâtissières ne manque pas de motivation.
L’importance de la couleur
Derrière la friteuse, c’est aujourd’hui Kessy, l’apprentie de deuxième année, qui s’attèle à la cuisson. L’étape consiste à plonger les petits rectangles dans un bain d’huile de tournesol à 180°C – une température plus élevée la rendrait impropre à la consommation. Combien de temps afin d’obtenir une merveille bien dorée? «Je vois qu’elles sont prêtes à la couleur, mais je dirais que cela prend environ trois minutes», répond la jeune femme en sortant quelques pièces bien brunies et boursouflées, qu’elle empile soigneusement dans un cageot posé à la verticale devant elle. «Cela permet à l’huile de bien s’écouler, note Alphonse Pellet. Les merveilles sont ensuite saupoudrées de sucre glace et emballées par l’équipe chargée de la vente.» Un travail à la chaîne qui porte ses fruits, puisque l’établissement propose cette pâtisserie à l’année depuis deux ans maintenant, à hauteur d’environ 80 boîtes par mois. «Au départ, on n’en faisait qu’à l’occasion du carnaval. Puis une semaine de plus, puis jusqu’à Pâques… Au bout d’un moment, je me suis dit: n’arrêtons plus et nous verrons!» Un pari gagnant, l’artisan boulanger s’efforçant de maintenir ce type de gourmandise dans son assortiment, visiblement pour le plus grand plaisir de ses clients. 
Texte(s): Muriel Bornet
Photo(s): Cédric Raccio

Le producteur

La boulangerie artisanale est une affaire familiale. Alphonse Pellet représente en effet la quatrième génération des Pellet à la tête de l’enseigne, et l’artisan est accompagné de sa sœur à la vente. Il est d’ailleurs impossible de passer un moment dans l’établissement sans rencontrer plusieurs membres de la famille. Les deux enfants d’Alphonse travaillent également aux côtés de leur père – ils s’occupent plutôt des tâches administratives. Et les petits-enfants du boulanger égaient souvent le laboratoire de leur présence. Suivront-ils, eux aussi, cette voie? L’avenir le dira. En tout cas, ils connaissent déjà tous les raccourcis pour mettre la main sur les bons biscuits de leur grand-papa.

+ d’infos www.boulangeriepellet.ch

Un mets lié à des traditions diverses

Selon le Patrimoine culinaire suisse, la première mention des merveilles daterait de 1445, du côté de Bâle. Les «Fasnachtschüechli» étaient directement reliées à la célébration du carnaval, puisqu’on les consommait en abondance avant le Carême, dans le nord du pays, à Zurich ou encore en Valais. À partir du XIXe siècle, les merveilles se répandent en Suisse romande et se préparent à l’occasion des réjouissances de fin d’hiver comme le carnaval, les Brandons ou la Fête de mai. Depuis l’industrialisation de ce mets, des traditions plus locales persistent: des communes cuisinent ces pâtisseries au terme de l’été, par exemple, pour célébrer la fin des moissons ou des foins, mais aussi lors de mariages.