Associer maïs et légumineuses, une piste prometteuse
Associer grandes cultures et légumineuses, c’est une approche qui est au cœur des réflexions en agriculture biologique. Et les membres de BioVaud ne font pas exception à la règle. En étroite collaboration avec le Groupe indépendant recherche expertise bio (GIREB), l’association mène actuellement un ambitieux projet autour de cette pratique.
Remplacer les engrais azotés
L’objectif? Réduire le recours aux fertilisants en amendant naturellement la terre grâce à l’association avec des légumineuses comme la féverole et le soja. «L’idée est d’amener l’azote fixé par la légumineuse dans le sol, à la place des engrais azotés achetés dans le commerce qui sont onéreux et ont un bilan énergétique défavorable», précise Christian Streit, à la tête du domaine du Château d’Es-Bons, à Aubonne (VD), où une série de tests sont en cours.
«On utilise la capacité naturelle des légumineuses à capter l’azote, qui est le premier élément permettant de faire du rendement, rappelle Gérald Huber, président de BioVaud. Une fois que l’azote a été amené à la plante, il va se décomposer sur place et ses résidus vont se transformer en matière organique et azotée pour la culture suivante.»
Les premiers résultats montrent que nos essais atteignent 85% du rendement en maïs pur.
De nombreux avantages
Côté mise en place, l’approche se combine idéalement avec un travail simplifié du sol, sans labour, pour préserver au maximum sa fertilité. Tout en restant réaliste: dans des conditions très humides comme celles de 2024, les fenêtres pour préparer le sol et semer peuvent s’avérer trop courtes pour détruire les graminées. Un labour superficiel permet alors de partir sur une bonne base. Quand la récolte du maïs est terminée, le travail est simple également: quelques jours après le battage, le sol est suffisamment propre pour pratiquer un semis direct de céréales.
Impliquer les spécialistes du terrain
Derrière cette collaboration entre BioVaud et le GIREB, un principe de base: «On part de l’idée que la personne qui est près du problème est la plus indiquée pour trouver les solutions, explique Gérald Huber. On souhaite que ce soient les agriculteurs et leurs terroirs qui soient au centre de cette recherche.» Côté terrain, en effet, difficile de faire mieux que le GIREB: maîtres agriculteurs, agriculteurs et ingénieurs agronomes, les membres de ce groupe de travail indépendant sont au nombre de sept, avec des domaines répartis dans des régions climatiquement différentes de la région genevoise au nord vaudois en passant par La Côte. Une connaissance des enjeux réels qui se complète, lorsque c’est nécessaire, d’un suivi scientifique assuré par le FiBL.
Il n’y a pas que les sols qui bénéficient de ces cultures associées: en semant des lignes de soja entre celles de maïs, l’ombrage entraîné permet de réduire la croissance des mauvaises herbes comme l’amarante ou le chénopode. «Si elles démarrent plus tard parce qu’il y a moins de lumière, vous avez déjà atteint un sacré objectif, note Christian Streit. Même si le but reste de trouver des techniques culturales qui permettent de ne pas faire germer les adventices problématiques.» L’association de cultures permet aussi d’améliorer la diversité biologique: la présence de légumineuses donne aux champs de blé ou de maïs un nouvel intérêt pour les pollinisateurs. «On commence à remarquer que nos parcelles sont de plus en plus visitées par les insectes. C’est la base de la biodiversité. En attirant les insectes, vous amenez automatiquement de la vie et toute la chaîne alimentaire peut alors se remettre en marche.»
Soutien essentiel
À Aubonne, Christian Streit vient de semer une combinaison de blé-féverole et enchaînera bientôt avec une association maïs-soja, qui ont déjà fait leurs preuves. Reste à trouver les meilleures variétés: «La piste pour cette année, c’est de semer des maïs plus tardifs, pour voir si cela nous permet d’augmenter le rendement», détaille Gérald Huber. Un choix qui a aussi son importance pour le soja: «On a sciemment opté pour une variété très tardive qui ne pourrait pas arriver à maturité sous nos latitudes, dans l’objectif qu’elle constitue un maximum de masse végétale.»
Mené sur le long terme et au prix de multiples essais – certaines légumineuses n’ont pas donné satisfaction, en particulier parce qu’elles mûrissaient et séchaient trop vite –, ce projet ne serait pas possible sans le soutien du Canton de Vaud, dans le cadre de la convention signée avec BioVaud en 2023. «Ce financement est très important pour nous, relève Christian Streit. Il permet de couvrir les heures et les éventuelles pertes de rendement sur un essai qu’on n’arriverait pas à mener à son terme.»
Les premiers résultats sont encourageants (voir le tableau ci-contre), avec des rendements pour le maïs grain qui atteignent 85% de celui d’un semis en maïs pur et un taux de matière sèche du soja oscillant entre 2,5 et 3,5 tonnes par hectare. Il est encore trop tôt pour dégager des conclusions exhaustives, puisque le projet est en cours, mais Christian Streit est confiant: «On a un rendement un peu plus bas, mais il faut contrebalancer cela avec le fait qu’on a moins investi dans l’azote, qu’on a une biodiversité améliorée sur les sites et que l’on peut produire en semis direct une céréale après le maïs en diminuant l’apport d’engrais. Il faudra attendre d’avoir une rotation complète pour bénéficier d’une vue d’ensemble sur les pertes et les gains. On se réjouit de partager cela!
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