Ce jeune Bernois prépare l'avenir sans faire de plan sur la comète
Calé sur le versant droit de Corgémont (BE), le domaine de Philémon Klopfenstein est baigné de soleil. Surplombant le village, il jouit d’une vue sur tout le vallon ceinturé de montagnes. Le premier à se présenter est le chien de la ferme, minuscule à l’échelle des bâtiments qui l’entourent. Entre deux caresses, le maître des lieux fait une arrivée discrète.
Voilà un peu moins de dix ans que le trentenaire a repris l’exploitation de son père, resté actif. Lui-même en avait hérité dans les années 1980. «Mes grands-parents s’y sont installés en 1951, se remémore l’actuel propriétaire. Mon grand-père avait tout noté de sa première visite, même le prix du billet de train à 50 centimes!»
Depuis, la bâtisse a connu bien des agrandissements, notamment l’étable accolée qui abrite aujourd’hui les veaux encore au lait. À l’est, la grande écurie qui accueille génisses et vaches laitières date quant à elle de 2008. L’éleveur en montre la salle de traite, avant de rejoindre la stabulation libre.
Miser sur l’autonomie et le local
«Du temps de mon père, les bêtes étaient détenues à l’attache avec des sorties. Maintenant, elles peuvent prendre le soleil à leur guise, relève le paysan attaché à leur bien-être. J’ai toujours aimé les vaches. Et j’ai la satisfaction de proposer des denrées dont je connais l’origine et comment elles ont été produites.»
Le troupeau est passé de 24 à 55 têtes de bétail. «L’affouragement a peu évolué, mais le travail est moins physique avec l’automatisation, précise le producteur en longeant les stalles. Mes surfaces sont surtout consacrées à la production herbagère. Je cultive aussi des céréales, du blé et du maïs fourragers, pour garantir une rotation et être le plus autonome possible.»
«Je complète avec des déchets d’Aarberg, des pulpes de betterave séchées qui sont appétentes pour les vaches et équilibrent leur alimentation si le fourrage pêche en qualité. Parfois, j’utilise des pommes de terre déclassées ou non calibrées, qui seraient jetées sinon», explique-t-il.
Des spécialités dans un écrin moderne
Les 450 000 kg de lait de la ferme sont entièrement livrés à la fromagerie de la Suze à Corgémont. Celle-ci est née en 2016 de la fusion des fromageries de Corgémont et de Courtelary qui ne répondaient plus aux normes. À l’époque, dix-sept producteurs, dont Philémon Klopfenstein, se sont regroupés en société coopérative pour créer cet outil moderne et maintenir la transformation de produits du terroir. Le fromager, qui loue le site, fabrique principalement de la tête-de-moine AOP et quelques spécialités locales.
Vente de fleurs
Olma, Oriana et leurs congénères sont également équipées d’un collier à puce qui détermine leur ration de concentré et de minéraux selon leurs besoins. À son extrémité, l’écurie s’ouvre sur les pâturages communaux hérissés de pins, où une partie du troupeau va paître à la belle saison.
Les autres vaches partent en estivage du côté du Chasseral, où le syndicat d’élevage loue des terres. À l’arrière de l’habitation, le jardin se prépare au printemps. C’est l’emplacement réservé à la nouvelle activité de Muriel, épouse de Philémon et infirmière à temps partiel.
Il y a deux ans, une fois leurs enfants Liz et Noah assez grands, elle a lancé une production et vente de fleurs. «Je les propose à la coupe, en bouquets ou séchées, détaille la jeune femme. J’ai à cœur de faire moi-même mes plantons et d’offrir des plantes sans produits chimiques.»
S’agrandir pour libérer du temps
Au bout des plates-bandes se dresse le rucher, entretenu par la maman de Muriel. L’agriculteur prête une attention particulière aux abeilles. De 2018 à 2023, il a participé au projet Agriculture et pollinisateurs. Il a notamment réalisé des fauches retardées et si possible sans éclateur, mesures qui relèvent selon lui des bonnes pratiques.
Quelques pas plus à l’ouest, on accède à une grande halle d’engraissement de poulets et son jardin d’hiver protégé construits 2024, dernier développement en date de l’exploitation. Comme ailleurs sur la ferme, un verset orne la façade.
Le principal est de faire ce dont j’ai envie, en restant bien entouré.
Un équilibre à trouver
«Nous avons également scellé une bible dans les fondations, confie le jeune homme. Pour moi qui suis croyant, cette terre est une création de Dieu, je tente donc d’en prendre soin. Mais il est aussi essentiel de produire de quoi nourrir la population. C’est un équilibre à trouver.»
Les normes d’hygiène nous interdisant l’entrée à la halle, Philémon Klopfenstein nous mène à l’étage où une baie vitrée permet d’observer la volaille. «Cette diversification a essentiellement pour but de pouvoir dégager un salaire à mi-temps pour mon frère, qui m’appuie aussi pour d’autres tâches», note le Bernois.
«Son emploi du temps modulable me permet parfois de m’absenter et de confier les rênes à une personne de confiance. L’idée est que le poste soit repris plus tard par mon neveu.»
Bois local pour le chauffage
Un tas de copeaux est accolé au poulailler. Transformé par une entreprise locale, le bois provient en partie des forêts du domaine et alimente le chauffage de la maison et de la halle d’engraissement.
Les 1050 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur l’écurie appartiennent aux parents de l’éleveur, tandis que sur le toit de la maison, 300 m2 produisent 50 000 kWh en autoconsommation, complétés par des panneaux thermiques. Le paysan le dit, il aime construire. Sa vision de l’avenir: «Difficile à prédire. Le principal est de faire ce dont j’ai envie, en restant bien entouré.»
En chiffres
53 hectares en communauté PER. Le domaine est situé à 755 m d’altitude.
10 hectares de forêt.
55 vaches laitières, principalement des red holsteins et des holsteins.
450 000 kg de lait par an.
8600 poules d’engraissement.
Envie de partager cet article ?