Collaboration et créativité animent les domaines helvétiques

De nombreux pays producteurs de vin se sont engagés dans l’œnotourisme depuis plusieurs décennies. On connaît les routes des vins dans la Napa Valley en Californie, dans les régions viticoles de France ou d’Espagne, ou au Portugal, le long du Douro, où l’on peut déguster du porto et séjourner dans des «quintas», ces exploitations traditionnelles qui ont souvent fait le pari de l’architecture contemporaine.

En Suisse, l’œnotourisme s’est longtemps limité aux traditionnelles caves ouvertes et fêtes des vendanges, mais l’offre ne cesse de se diversifier depuis quelques années. Il est ainsi possible de déguster les meilleurs crus romands après un concert de rock, un tour en touk-touk ou une balade en trottinette électrique dans les vignobles. Diverses manières de créer du lien avec les amateurs de nectars locaux pour résister à la concurrence étrangère.

Durabilité et authenticité

«L’œnotourisme n’est pas neuf, il vient de l’envie de favoriser un tourisme doux et de répondre à une demande de retour à la nature et à des valeurs plus ancrées, en lien avec le terroir et l’agriculture», explique Vincent Bornet, enseignant à la Haute École de gestion de Sierre, chargé notamment d’un cours sur l’œnotourisme et l’agrotourisme. Avec la notion de durabilité, les gens ont envie de découvrir ce qui se cache derrière les bouteilles qu’ils consomment, de voir les coulisses et de rencontrer les producteurs.

L’œnotourisme répond parfaitement à cette tendance. «Il est durable par essence, car il promeut un tourisme doux qui permet de faire découvrir les produits locaux et d’encourager les circuits courts», se réjouit Yann Stucki, organisateur du Best of Wine Tourism, un prix qui récompense chaque année les meilleurs projets œnotouristiques suisses.

Benoît Caloz, responsable de l’activité œnotouristique au domaine de la Colline de Daval, à Sierre (VS), abonde dans le même sens: «Quand on a des visites sur le domaine, on voit que les gens sont sensibles à la démarche environnementale, mais c’est surtout l’authenticité qui compte. Ils veulent repartir avec des histoires sur les produits.»

Un atout économique

Les régions touristiques ont compris l’intérêt à mettre en avant le terroir qui devient très souvent leur ambassadeur. «Mais si le produit est une chose, les valeurs et la passion des producteurs en sont une autre. C’est devenu un centre d’intérêt pour la clientèle, ce que l’œnotourisme a bien compris», analyse Vincent Bornet.

Ainsi, sous ce terme large d’œnotourisme, les vignerons peuvent décliner des activités selon leurs affinités pour mettre l’accent sur la culture, le patrimoine historique ou la nature. Pour des domaines souvent familiaux et de tailles réduites comparativement aux pays voisins, c’est souvent par la collaboration entre viticulteurs que des initiatives naissent.

Sur le long terme

Le développement d’infrastructures communes – par exemple, Lavaux Vinorama, la Maison des Vins de La Côte, ou encore Les Celliers de Sion – joue également un rôle essentiel dans cet écosystème. À défaut de pouvoir accueillir la clientèle au domaine et proposer ses vins en vente directe, le producteur peut renvoyer les consommateurs vers ces structures qui s’en chargent.

«Du point de vue touristique, cela permet d’assurer un accès permanent à l’offre, un élément clé si l’on veut faire rentrer notre région sur la carte des destinations œnotouristiques internationales, relève Yann Stucki.

«Si l’on peut se réjouir de l’essor de l’œnotourisme, il faut garder à l’esprit que nous avons entamé un travail de fond sur du long terme; nous mesurerons toute la plus-value dans une bonne décennie», conclut l’expert.