élevage
Les reines passent un contrôle antidopage à la sortie de l’arène

Comme les grands sportifs, les vaches d’Hérens couronnées reines doivent faire face à une dernière épreuve: un test antidopage. Avec ces prélèvements de sang, tous négatifs depuis dix ans, les éleveurs valaisans veulent montrer que les combats se font à la loyale.

Les reines passent un contrôle antidopage à la sortie de l’arène

Le souffle court, les naseaux fumants, Flipper n’a pas le temps de savourer sa victoire que la voilà déjà poussée dans une bétaillère, parquée à l’écart de la foule. Maintenue par son propriétaire, Stéphane Cotter, d’Ayent, la nouvelle reine de la première catégorie, ceinte de son ruban rouge de vainqueur, doit maintenant passer un contrôle vétérinaire un peu étonnant: un test antidopage, digne des plus grands rendez-vous sportifs. D’un geste rapide, la vétérinaire Julie Delèze fait un garrot avec une cordelette autour de l’impressionnante encolure de Flipper, en prenant soin d’éviter sa sonnette. La vache, impressionnante avec ses 789 kg de muscles, tressaille, ne goûtant pas particulièrement à la piqûre qu’elle vient de subir. L’opération ne durera que quelques secondes dans cet espace confiné, le temps de prélever deux fioles de sang. «Comme les vaches sont encore excitées par les combats, ce n’est pas difficile d’en prélever: le diamètre de leur veine est assez grand, c’est presque une autoroute!» sourit Julie Delèze. Les deux flacons sont scellés puis placés dans une boîte réfrigérante. Ils seront transmis anonymement à un laboratoire de Sierre chargé de les analyser.

Aucun cas de dopage détecté
Le week-end dernier, la vétérinaire de Sornard était de piquet, afin de veiller à ce que les vaches prenant part aux combats des reines organisés par les Laiteries réunies d’Arbaz, Ayent et Grimisuat à Blignou, soient toutes aptes à livrer bataille. Elle était aussi en charge de ces étonnants contrôles antidopage, obligatoires depuis dix ans dans ces manifestations. En 2006, la Fédération suisse d’élevage de la race d’Hérens avait choisi cette voie pour répondre à une organisation de défense des animaux, qui estimait que les vaches devenaient agressives à la suite de traitements médicamenteux. Or, en une décennie de tests menés sur des vaches des différentes catégories, soit selon leur poids, aucun ne s’est révélé positif. Pas une trace de corticostéroïdes, aux vertus anti-inflammatoires rendant les vaches moins sensibles à la douleur, comme le phénylbuzatone, ni de stéroïdes gonflant leur musculature n’a été décelée dans le sang de ces bêtes, pour la plupart portantes lors des compétitions, annonçait le vétérinaire cantonal en début d’année. «Il ne faut pas oublier que ces vaches paissent dans des prés pentus et se battent naturellement dans les alpages pour savoir laquelle peut manger en premier, note Julie Delèze. Du coup, elles sont musclées. Les éleveurs les considèrent comme leurs chouchous, ils les préparent longtemps pour qu’elles soient en forme pour ces rendez-vous.»

Grégoire Roux, propriétaire de Bahia, couronnée reine de troisième catégorie, confirme qu’entraîner sa vache pour ces combats prend du temps. «On la faisait gambader tous les deux ou trois jours, détaille l’éleveur de Grimisuat. La préparation se fait longtemps à l’avance.» Une fois le test passé, la belle aura droit à son pain de seigle, peut-être arrosé de vin, pour célébrer sa victoire. Une récompense autorisée, la fédération estimant qu’elle fait partie des coutumes valaisannes.

Risque de disqualification
Même s’ils n’ont plus rien à prouver, les éleveurs ont choisi de continuer à soumettre leur bétail – les bêtes étant tirées au sort avant chaque compétition – à ce test coûtant une centaine de francs. C’est même devenu une obligation. Refuser de passer par ce contrôle entraîne une disqualification de la vache, sa suspension pour les matches à venir voire une amende salée pour son propriétaire. «Je prélève toujours deux échantillons, un que j’envoie au laboratoire à Sierre et un second que je garde dans mon cabinet, détaille Julie Delèze. S’il ne me contacte pas dans un délai d’un mois, par exemple s’il a un doute sur un résultat, je peux jeter le flacon. Jusqu’ici, on ne m’a jamais appelée.»

Dimanche, les trois propriétaires qui ont dû présenter leur animal à ce test s’y sont pliés de bonne grâce. Les caresses, les becs et les friandises attendront encore un peu. «On a la conscience tranquille, commente Pierre-Alain Follonier, de Leytron, propriétaire de Tediss, reine de la catégorie premier veau. Tout le monde est sur un pied d’égalité, on ne sait jamais si on devra aller passer ce contrôle ou non. Ce qui est sûr c’est que je serais fâché si j’apprenais que ma vache avait perdu contre une dopée.» «Ces tests permettent d’éviter des théories dans le vide», renchérit Kévin Cotter, caressant Flipper, la star locale de la compétition consacrée reine pour la troisième fois de sa carrière ce dimanche. Une fois les papiers signés entre deux bétaillères par les propriétaires et la vétérinaire, formalisant le contrôle, la longue journée de Julie Delèze, débutée à 7 h du matin par le contrôle vétérinaire de toutes les bêtes, se termine. Sur la place de fête, ne reste alors plus que le public, profitant des derniers rayons du soleil. La plupart des éleveurs ont déjà repris la route avec leurs vaches pour rejoindre leur étable. Pour eux, la journée est encore loin d’être finie, lance Julie Délèze, en s’éloignant. «Les éleveurs doivent encore s’occuper du bétail qu’ils ont laissé à la maison.»

Texte(s): Céline Duruz

Rendez-vous

Encore des places pour la finale nationale

Les combats vont continuer ce week-end au Châble, organisés par le syndicat de Vollèges-Levron. Ils seront suivis par ceux se déroulant aux Haudères, dans le haut val d’Hérens, le 24 avril. Ce sera la dernière occasion pour les éleveurs de classer leurs vaches parmi les meilleures de leur catégorie (soit en fonction de leur âge et du nombre de veaux qu’elles ont portés). Si leur bête termine en bonne place dans ces tournois régionaux, elle sera sélectionnée pour la finale nationale à Aproz. Avec ce précieux sésame leur ouvrant l’arène, toutes pourront alors tenter de décrocher le titre ultime, les 30 avril et 1er mai prochains.

Plus d'infos

+ d’infos www.vacheherens.ch