Reportage
Leur machinerie permet de sécher le foin plus rapidement

À Montricher (VD), grâce à leur installation à air chaud, les agriculteurs Alain Lambercy et Nicolas Fuchs gagnent du temps face aux caprices de la météo, tout en préservant la qualité du fourrage.

Leur machinerie permet de sécher le foin plus rapidement
Pleuvra, pleuvra pas. Nicolas Fuchs regarde le ciel et son cortège d’incertitudes d’un air maussade en ce mois de juin. Pour les foins, il faudra attendre. Encore. Les pluies intermittentes amèneront du fourrage en quantité, certes, mais de moindre qualité. Or pour lui et son associé Alain Lambercy, producteurs de lait à Montricher (VD) pour le gruyère, donc sans fourrages ensilés, le foin est une ressource essentielle. Afin de contrebalancer les aléas de la météo, les deux agriculteurs comptent néanmoins sur leur installation de séchage de foin à air chaud. Grosso modo, là où un séchage au sol demande une semaine de sec, trois jours suffisent avec cette machine, qui ventile les balles rondes depuis 2010 sur cette exploitation du pied du Jura. «C’est une idée de mon père. Avant que je le rejoigne en 2013, il travaillait seul et ce système lui permettait d’optimiser son temps», explique Alain Lambercy.

«On n’hésite pas à se lancer»
L’imposante machinerie, qui s’étire en plusieurs éléments derrière la ferme abritant une cinquantaine de vaches laitières, a évolué depuis le temps. Alimentée au départ par copeaux, la chaudière fonctionne aujourd’hui aux pellets, stockés dans un silo. L’entreprise Suter Romandie SA, qui loue le système de chauffage à la saison, suit à distance la consommation des granulés de bois et se charge de recharger le silo au besoin (lire l’encadré).L’installation des deux Vaudois, qui roulent un bon millier de balles de foin par saison, a évolué au fil du temps. Au départ, le système a connu des ratés. «Il était plus difficile de trouver des copeaux et la machine était instable», se souvient Alain Lambercy, relevant que cela fonctionne désormais très bien avec les pellets. «Aujourd’hui, si on a une petite fenêtre de beau, on n’hésite pas à se lancer», dit-il. L’infrastructure permet un travail du foin plus rapide sur le terrain, confirme Nicolas Fuchs. Un gain de temps précieux face à une météo de plus en plus imprévisible. Les deux associés y voient aussi un plus pour la qualité du fourrage. Mais Alain Lambercy prévient: «Ce n’est pas une machine à fabriquer de l’or. Pour faire du bon foin, il faut de l’herbe de qualité et de bonnes conditions.» Le séchage artificiel évite aux agriculteurs de trop passer la pirouette. «Ce qui limite les pertes et aide à conserver des herbes riches sur le plan protéique», relève Alain Lambercy.

Regains en automne
Pour le Vaudois, cet aspect du travail est d’autant plus important avec des sécheresses devenues régulières. «Cela permet de sauver de la récolte, car l’herbe ne monte pas haut avec la sécheresse. Et si l’on pirouette trois fois le fourrage au sol, il ne reste plus grand-chose.» Autre aspect positif de ce système de séchage accéléré: les récoltes en fin de saison. «Souvent, on récupère encore le regain en septembre ou en octobre», note Colin Jacquemettaz, employé de la ferme.

Cette infrastructure séchant le foin directement en balles reste rare. «Cela représente entre 5 et 10% des systèmes que nous mettons à disposition. Dans la plupart des cas, nos chauffages sèchent directement le foin en vrac stocké dans la grange», précise David Udressy, directeur de Suter Romandie SA. Grâce à cette particularité, les agriculteurs de Montricher ont proposé des séchages pour tiers, ce qu’ils ne font plus aujourd’hui, par manque de temps. «Cela a parfois permis de dépanner certains collègues», indique Alain Lambercy.

Les deux associés relèvent toutefois un inconvénient dans leur dispositif: une manutention importante. «Cela demande du temps et de nombreux mouvements pour déplacer ces balles rondes, les mettre à sécher entre six et dix heures, puis les stocker», précise Alain Lambercy. Le système sèche simultanément seize balles rondes. Et bien entendu, lors de la période des foins, les volumes deviennent vite importants. Pour cette raison, une partie des balles continue d’être séchée au sol, si la météo le permet. «Nous destinons ce foin à nos génisses, qui pâturent à l’alpage en été.»

Empêcher un «effet cheminée»
Pour optimiser le séchage, il convient de ne pas trop serrer les bottes au moment de les rouler, tout en gardant une densité homogène, afin d’éviter un «effet cheminée». «C’est important pour que l’air chaud circule bien à travers», explique Nicolas Fuchs en enfonçant la tige d’une sonde à fourrage dans une balle qui attend sur la machine. «Grâce à cet outil, nous pouvons mesurer la température et le taux d’humidité», continue-t-il. Dans l’idéal, l’humidité doit tourner autour de 12%. La température, quant à elle, peut varier. Mais au-delà de 50°C, il faut s’inquiéter du risque de fermentation. Cette année, avec les pluies et la montée de l’herbe, nos deux agriculteurs s’attendent à du volume. Pas de miracle, il faudra brasser et sécher au sol avant de monter les balles sur la structure de séchage. «Mais le système nous permettra tout de même de sauver de la qualité», conclut Alain Lambercy.

Texte(s): Pierre Köstinger
Photo(s): Olivier Vogelsang

Demande en hausse

En proposant ses services pour le séchage du foin, Suter Romandie SA, basé à Avry-sur-Matran (FR), a trouvé un bon moyen de faire tourner ses machines durant la belle saison. «Nous utilisons le plus souvent nos chauffages en hiver sur les chantiers et les manifestations», explique David Udressy, directeur de cette société forte de douze collaborateurs, spécialisée dans le chauffage mobile à pellets ainsi que l’assèchement et la déshumidification. Dans le même groupe, une entreprise sœur couvre la Suisse alémanique. Côté romand, la location pour les agriculteurs a commencé il y a six ans. L’intérêt est allé grandissant. «De cinq installations louées au départ, nous avons cette année 26 systèmes en place sur les exploitations.»

Comment ça marche?

La machine d’Alain Lambercy et Nicolas Fuchs comporte plusieurs éléments. Au départ, le silo à pellets et la chaudière (les agriculteurs en possèdent deux) loués auprès de l’entreprise Suter Romandie SA. La société fribourgeoise recharge le silo selon les besoins. Les granulés passent du silo aux chaudières par aspiration via des tuyaux. Deux larges manches relient les chaudières à une station de ventilation, qui insuffle un air chaud en continu (65°C de moyenne) dans une imposante structure métallique. Cette dernière, propriété des deux paysans, permet sur deux étages de sécher 16 balles rondes simultanément. Les conduites, qui sont à la fois les structures porteuses, ventilent les balles par le haut et le bas. L’air peut être dirigé dans les conduites par un jeu de clés-aiguillages. Coût: plus onéreuse, l’installation des deux Vaudois n’est pas représentative. En temps normal, il faut compter environ 6000 francs par saison (estimation de Suter Romandie) pour la livraison, le montage, la location et les pellets.