Portrait
Multicolore et théâtral, tel est le jardin secret de Stéphane Marie

De passage au Jardin botanique de Neuchâtel, dans le cadre d’un partenariat avec la marque de sécateurs Felco, l’exubérant présentateur de l’émission Silence, ça pousse! nous y a accordé un entretien.

Multicolore et théâtral, tel est le jardin secret de Stéphane Marie
L’atmosphère est d’une lourde moiteur; le soleil perce enfin à travers les nuages chargés de pluie. Vite, profitons-en pour nous installer sur la terrasse touffue du Jardin botanique de Neuchâtel. Stéphane Marie n’en demande pas moins. Le présentateur vedette du magazine de jardinage Silence, ça pousse! sur France 5 a besoin d’espace. De beaucoup d’espace qu’il investit vite de sa gestuelle ample et de sa conversation virevoltante. Cela fait plus de trente ans que ce plasticien a repris racine en Normandie, dans le jardin de son enfance. Un théâtre fleuri et personnel depuis lequel il transmet chaque semaine aux téléspectateurs sa passion des plantes. «Mon compagnon de l’époque m’avait dit: «Ce jardin sera ton chef-d’œuvre.» Je ne sais pas s’il est réussi, mais c’est en effet l’œuvre de ma vie», nous confie cet artisan du vivant.

Bien qu’ayant grandi à la campagne, Stéphane Marie ne se destinait pas pour autant à être jardinier. Après des études aux Beaux-Arts, il a travaillé douze ans comme décorateur de théâtre: «J’aurais pu être peintre, mais le côté solitaire ne me convient pas du tout. Et puis j’ai remarqué que je pouvais réinvestir ce que je faisais dans mon activité, mais avec du vivant. Mon premier jardin était une terrasse avec une pelouse rase, comme un plateau de théâtre. Autour, j’ai imaginé un décor de plantes, que je ne connaissais pas à l’époque.» Ce nouvel apprentissage, il le cultive à grand renfort de lectures et d’expériences sur le terrain. «Je ne suis pas un intellectuel. Mon grand plaisir, c’est de tresser un brin d’osier ou d’inventer des objets.» N’allez donc pas lui demander de se poser en spectateur quand il visite l’entreprise de Felco aux Geneveys-sur-Coffrane (NE). L’animateur observe, puis, en un tour de main, assemble un sécateur, sous l’œil amusé des ouvriers.

 

Un paradis partagé
S’il aime se présenter comme un homme de la terre, Stéphanie Marie n’en reste pas moins un érudit, avide de culture. Il ne manque pas une édition de la Biennale de Venise, pour découvrir les réalisations des artistes «qui nous montrent là où en est le monde». Le dessin occupe encore une grande partie de sa vie, il le considère d’ailleurs comme un outil de dialogue: «Je ne dessine que lorsqu’on me le demande, comme un contrat destiné à concrétiser un projet.»

Entre un amour vivace des plantes, son émission hebdomadaire et la rédaction de livres, ce touche-à-tout avoue ne pas passer autant de temps qu’il le souhaiterait dans son jardin. Un endroit qui est à la fois privé et public, dans lequel il y a toujours des jardiniers amateurs de passage comme des professionnels qui viennent y trouver l’inspiration. Sa maison de pierre attenante vit elle aussi grâce à ce paradis vert. Des auteurs, des photographes y résident pour y travailler ou simplement se reposer. C’est aussi dans ce cadre enchanteur qu’il a rencontré le compagnon qui partage sa vie depuis quinze ans. «Alors qu’il était venu visiter le jardin, je l’ai vu regarder la perspective, et je me suis dit: “C’est bizarre ce qui se passe dans sa tête.” Deux ans après, on vivait ensemble.» Pour faire un bout de chemin avec un homme pris d’une passion envahissante, mieux vaut partager des centres d’intérêt. Lui, ce sont les bouquets, auxquels il a consacré un livre il y a deux ans.

 

Retour à la nature
Après presque vingt-trois ans de Silence, ça pousse! et avec 500 jardins aménagés, Stéphane Marie a vu la pratique du jardinage évoluer. «Il y a vingt ans, tous les magazines parlaient de produits chimiques, puis cela a changé. J’en ai été conscient très vite. Ce n’est pas nous qui étions à l’origine de ce déclic, mais nous l’avons accompagné.» S’il est une chose fondamentale que le présentateur espère transmettre, c’est non seulement partager son émerveillement devant une plante mais aussi rapprocher ses fidèles téléspectateurs de ce monde parfois oublié. Conçue à la base comme une émission dispensant des conseils, elle fait désormais la part belle à des portraits de passionnés ou à la présentation d’initiatives innovantes. «Il y a vingt ans, un polémiste avait dit qu’il n’aimait pas les jardiniers, parce que c’étaient des gens campés sur leur lopin de terre. Ce n’est plus comme ça aujourd’hui, les jardiniers partagent.»

Malgré un agenda déjà bien chargé, Stéphane Marie s’est récemment associé à la maison Felco. Très à l’aise avec l’idée de se lier à une marque, il ne se perd pas en vaines justifications: «Ce monde de l’outil est important pour le jardinier, et ce n’est pas un univers avec lequel il faut rigoler. Un outil doit être juste et faire ce pourquoi il est conçu.» Il prêtera donc son image à la marque, mais a prévenu: avec lui, pas de plastique dans les emballages. «Ma réflexion va dans le sens de l’écologie. Ce mot signifie science de la maison et cette maison, c’est la nôtre, martelle-t-il. Il nous faudra bien limiter la consommation de plastique si on veut encore boire de l’eau du robinet demain.» Mais l’artiste jardinier ne s’engagera pas politiquement pour cette cause: «Je n’ai aucun talent pour ça. Je préfère parler des choses que je maîtrise. Laissons la politique à qui la fait le mieux!» À peine notre interview terminée, le voilà reparti avec un entrain communicatif pour s’extasier devant les massifs fleuris du Jardin botanique tout en partageant avec les visiteurs sa foi dans les plantes et la vie.

Texte(s): Vincent Jacquat 
Photo(s): Patrick Di Lenardo/tripack.org

Son univers

UN LIVRE

«Journal d’un botaniste jardinier», de Thomas Blaikie.

«L’histoire extraordinaire d’un Écossais qui va inventer le jardin de Bagatelle en trois mois.»

UNE PLANTE

Les camélias.

«On les a importés en croyant par erreur que c’était du thé. De nos jours, outre leur aspect décoratif, ils sont aussi utilisés en cosmétique.»

UNE MUSIQUE

«La mort de Didon», dans «Didon et Énée», de Purcell.

«Le dernier acte de cet opéra baroque me touche beaucoup.»