Ce féru d’alpinisme fait sonner le cor des Alpes à 4000 mètres d’altitude
Le Cervin apparaît dans toute sa majesté alors que notre télécabine quitte la station intermédiaire de Schwarzsee, au-dessus de Zermatt. On distingue parfaitement la cabane du Hörnli, perchée sur l’arête du même nom. C’est de là que Christophe Sturzenegger est parti il y a exactement deux ans pour réaliser l’ascension de la plus célèbre des montagnes helvétiques.
«C’était la première fois que je montais sur un sommet de 4000 mètres avec mon cor, confie ce musicien et compositeur professionnel qui partage son temps entre l’enseignement à la Haute École de musique de Genève depuis 2003 et les concerts qu’il donne en Suisse et à l’étranger (lire encadré). J’en rêvais depuis longtemps. Mon guide m’a encouragé à le prendre avec moi. Jouer au Cervin a été une expérience extraordinaire.»
Trouver la cime propice
La vidéo tournée au sommet et mise en ligne a très vite fait le tour du monde. Mais ce n’est pas pour faire le buzz que le Genevois escalade les montagnes avec son cor en carbone. «C’est une manière de conjuguer mes deux grandes passions que sont la musique et l’alpinisme. Et de créer ainsi des instants mémorables.» En juillet dernier, Christophe Sturzenegger a pu jouer à la Dent-Blanche, autre 4000 valaisan mythique. En comparaison, notre objectif du jour est bien plus modeste: nous allons gravir le Breithorn au départ des remontées mécaniques du Petit Cervin, à 3817 mètres d’altitude. Les installations permettent d’effectuer l’ascension en une journée et faute d’avoir davantage de temps à disposition, ce choix s’est vite imposé.
Après une brève marche, nous nous encordons car en cette fin d’été marqué par la canicule, les conditions en montagne sont traîtres. «Même les courses réputées faciles comportent leur lot de dangers, que ce soient les chutes de pierres ou les ponts de neige plus fragiles que jamais, qui dissimulent parfois de véritables gouffres où toute chute pourrait avoir des conséquences dramatiques», met en garde notre guide Simon Passaquay. Lui emboîtant le pas, nous commençons notre traversée du plateau du Breithorn. La neige crisse sous nos crampons. Chacun admire la vue en silence. Grâce au regel nocturne, la progression est bonne. Nous ne tardons pas à aborder la montée vers la cime, en suivant une trace marquée par le passage de nombreuses cordées.
En chemin, Christophe Sturzenegger partage quelques anecdotes. «J’ai travaillé deux ans comme corniste à l’Académie de l’Opéra de Zurich et quatre à l’Orchestre symphonique de Bâle. Dans ce cadre, j’ai régulièrement joué à l’étranger, de l’Afrique du Sud à la Chine en passant par Oman.» Mélomane, le sultan a insisté pour que Christophe Sturzenegger emporte son cor des Alpes traditionnel. «Je n’avais pas de caisse pour le mettre en soute, alors il m’a fait envoyer deux billets: un pour moi et l’autre pour mon instrument qui a voyagé sur un siège passager.»
Concert entre terre et ciel
Moins de 300 mètres de dénivelé nous séparent de la cime, que nous atteignons après un dernier effort. Sans attendre, Christophe Sturzenegger sort d’une housse son cor téléscopique en carbone, composé de deux parties qui s’emboîtent le plus simplement du monde – géniale invention de l’Yverdonnois Roger Zanetti, un ingénieur de formation passionné par l’art et la musique, aujourd’hui décédé.
Entouré des cordées arrivées au sommet en même temps que nous, il se met à jouer. En silence, chacun l’écoute faire sonner son instrument. Après une courte pause – la raréfaction de l’oxygène se fait sentir –, il recommence, pour le plus grand bonheur des alpinistes présents qui le remercient avant de reprendre, comme nous quelques instants plus tard, le chemin de la descente.
Ambassadeur des traditions suisses
Né dans une famille de musiciens, Christophe Sturzenegger est corniste, pianiste ainsi que compositeur. Lauréat de nombreux prix et concours, il devient cor solo de l’Orchestre suisse des jeunes puis intègre l’Académie de l’Opéra de Zurich et enfin le Sinfonieorchester de Bâle, où il côtoie les plus grands chefs d’orchestre. Depuis 2004, le quadragénaire enseigne à la Haute école de musique de Genève. En parallèle, il mène une carrière de musicien indépendant avec plusieurs formations dont l’Ensemble Variante ou le Geneva Brass Quintet. Il s’est produit dans des festivals en Europe, au Canada, en Afrique du Sud comme au Japon. Heureux propriétaire d’un cor des Alpes en carbone téléscopique depuis 2002, il ne manque pas une occasion d’en jouer, parfois dans des endroits insolites, qu’il s’agisse des cimes des Alpes, des pyramides d’Égypte ou des plages du Mexique.
+ d’infos www.christophesturzenegger.com; www.swisscarbonalphorn.net
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