Fragile symbole alpin, le bouquetin a eu droit à la faveur des rois

Tout au long de l'année, l'artiste naturaliste genevois Pierre Baumgart nous invite à ouvrir l'œil sur la faune et la flore qui nous entourent. Une biodiversité à laquelle on prête souvent peu d'attention.
12 janvier 2025 Pierre Baumgart
En pleine saison des amours, l'étagne ne semble pas donner suite aux avances du bouquetin.
© Illustrations Pierre Baumgart
En pleine saison des amours, l'étagne ne semble pas donner suite aux avances du bouquetin.
© Illustrations Pierre Baumgart

Dans la combe que les rayons du soleil n’atteignent pas en hiver, les prés enneigés sont recouverts de cristaux légers et scintillants qui confèrent au lieu une ambiance féerique. Raquettes aux pieds, j’entame la randonnée qui m’amènera au chalet de Paray Dorénaz, au revers des Vanils fribourgeois.

Avant d’atteindre l’alpage au pied du grand cirque rocheux, l’ascension au travers de la forêt n’est pas longue, mais la pente sans répit. Arrivé à destination, je déchausse mes raquettes, déblaie la neige d’un rocher et m’installe confortablement pour souffler un peu, prendre une tasse de thé et manger quelques fruits secs. Je remarque alors le sillon grossier de mon passage dans le paysage, en comparaison des traces fines et élégantes du lièvre variable. À l’aide d’une longue-vue, je scrute attentivement les parois qui me font face. La grande quantité de neige qui s’est déposée récemment sur ces versants est instable et à intervalles réguliers, j’entends puis repère de petites avalanches qui descendent à travers les failles et par-dessus les vires.

Une force paisible

C’est dans cet environnement hostile que se trouvent les bouquetins que je suis venu observer. Ils se tiennent l’hiver dans les endroits exposés où le vent souffle la neige, rendant accessibles les fétuques et autres plantes sèches dont ils se nourrissent.

Parmi quelques petits groupes d’individus disséminés dans les pentes, je repère un mâle aux longues cornes recourbées qui se tient à la suite d’une femelle. Dans une attitude de soumission, cou tendu et cornes posées sur le dos, il hume l’air, la lèvre supérieure retroussée. L’étagne ne semble pas s’intéresser à lui et lui assène même parfois des coups de cornes pour repousser ses avances. Les amours des bouquetins qui ont débuté au mois de décembre ont toujours cours en ce début d’année.

Le bouquetin, par sa force paisible, incarne l’environnement grandiose dans lequel il évolue, au même titre d’ailleurs que le puissant gypaète qui vient de passer en vol au-dessus d’une corniche. Si la présence de ces deux symboles alpins paraît aujourd’hui naturelle, n’oublions pas qu’ils sont des rescapés et que leur statut reste fragile.

Le retour du vautour

Le grand vautour à qui l’on attribuait des enlèvements d’enfants de bergers sur les pâturages a été persécuté comme tous les rapaces, au point de disparaître. Sa présence actuelle est le fruit d’un très récent et ambitieux programme de réintroduction et d’éducation.

Concernant le bouquetin, qui a fait l’objet d’une chasse frénétique au cours des siècles, on doit sa survie dans les Alpes à la vigilance des rois du Piémont-Sardaigne. Ils ont su préserver jalousement au XIXe siècle, le dernier cheptel sauvage du massif du Grand Paradis. Les 50 000 bouquetins vivant actuellement dans le massif alpin, de la Slovénie à la France, sont tous issus des quelques dizaines de reproducteurs de l’époque et il reste à espérer que la question de tares génétiques liées à des problèmes de consanguinité ne se pose pas dans quelques années.

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