L'escargot des haies est le champion des sols en bonne santé
Avec sa coquille allant du jaune crème au rouge clair et striée de noir, il est reconnaissable au premier coup d’œil. L’escargot des haies (Cepaea nemoralis) est présent dans toute la Suisse, se plaisant dans les forêts et les jardins – mais rarement au-delà de 900 m d’altitude – où il trouve des tas de feuilles mortes ou des souches pour se cacher. Composée de calcaire, sa coquille constitue un abri en cas de sécheresse ou de coup de froid; elle protège ses organes vitaux, tels que le cœur ou les poumons.
«On a choisi cette espèce, l’une des 254 du pays, comme ambassadrice cette année, car elle est en réalité méconnue, note Ariane Derron, directrice adjointe du Centre Pro Natura de Champ-Pittet (VD). En Suisse, près de 40% des espèces de gastéropodes sont menacées, à cause de la disparition des zones humides et du réchauffement climatique.»
Coquille prisée
Les escargots jouent un rôle important dans le cycle de la nature, même ils se trouvent au pied de la chaîne alimentaire. En pointant le bout de leurs cornes quand la pluie tombe, ils deviennent des proies de choix pour les oiseaux, les hérissons et les crapauds. Dans la nature, leur disparition fait toutefois des heureux. Leur coquille, une fois vide, attise bien des convoitises et pas uniquement celle des enfants qui les collectionnent.
L’osmie bicolore, une abeille maçonne, aime s’y installer pour nidifier, alors que d’autres espèces comme les cloportes ou les araignées les utilisent comme abri ou pour passer l’hiver au sec. L’escargot des haies en revanche n’a pas d’exigences strictes pour son propre habitat. Il a besoin de zones ombragées et de végétaux fanés pour s’épanouir, ainsi que d’un peu d’humidité.
Champion du recyclage
«Contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, ce mollusque ne se nourrit pas de nos salades, mais essentiellement de végétaux morts», précise Ariane Derron. L’escargot des haies les grignote avec sa «langue» râpeuse, appelée la radula, diversifiant son menu en y ajoutant parfois des champignons, des mousses et même des restes de petits animaux.
«Il fait partie de cette foisonnante diversité d’êtres vivants qui décomposent la matière organique et enrichissent l’humus, constate la scientifique. Il constitue en cela un véritable faiseur de sol.» Cette qualité a encouragé Pro Natura à mettre ce petit être en lumière. L’organisation rappelle qu’environ dix milliards d’êtres vivants grouillent dans une simple poignée de terre, soit deux tiers de toutes les espèces connues dans le monde.
Une bave de génie
L’escargot des haies se déplace sur son pied ventral, très musclé, à une vitesse maximale de 3,5 m à l’heure. Il glisse sur un tapis de mucus qu’il sécrète et dont il peut modifier la consistance à sa guise en fonction de ses missions. Ce liquide facilite notamment son accouplement ou lui permet de fermer sa coquille pour le protéger en formant une pellicule sèche à l’entrée de sa coquille, d’environ 2,5 cm de diamètre, lors de son hibernation ou en période de sécheresse.
Il s’en sert également comme un moyen de défense ou en cas de blessure pour accélérer sa guérison. «Sa bave peut devenir plus solide et former une sorte d’une colle, raconte Ariane Derron. Il modifie sa composition physique pour qu’il puisse s’accrocher à une branche ou à un mur à la verticale, c’est remarquable.»
Saisons des amours
Au printemps ou en automne vient l’heure de la reproduction de ces créatures hermaphrodites. Cette période offre un spectacle étonnant, car les escargots des haies aiment prendre leur temps et faire durer les préliminaires. Ils peuvent en effet s’accoupler durant plusieurs heures avant d’échanger de petits sacs de spermatozoïdes. L’utilisation d’un «dard d’amour» en calcaire peut fortement favoriser l’issue du rapport, indique Pro Natura.
Une fois fécondés, les gastéropodes pondent quelques dizaines d’œufs dans une cavité creusée par leurs soins. De minuscules escargots, portant déjà sur leur dos une coquille, voient le jour après trois semaines. Cette espèce atteint sa maturité sexuelle vers trois ans et peut vivre jusqu’à six ans dans la nature.
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