L'orchis bouc, un géant parmi nos orchidées indigènes
Les orchidées, qui constituent l’une des plus grandes familles botaniques du monde, comprennent autant d’espèces d’apparence plutôt insignifiante que de sujets spectaculaires, à l’exemple de l’orchis bouc. Daniel Jeanmonod, conservateur honoraire des Conservatoire et jardin botaniques de Genève, évoque cette grande représentante de la famille, de forme étrange, mais discrète par ses couleurs.
«Cette plante appartient à la famille des orchidées, ou orchidacées et, parmi les 65 espèces indigènes, elle se reconnaît à sa taille de 50 à 120 cm, et surtout par ses longs épis de fleurs au labelle – le pétale inférieur – en forme de long ruban torsadé. De plus, il dégage une odeur de bouc caractéristique.» En 2007, en raison du réchauffement climatique, une seconde espèce du genre Himantoglossum s’est installée en Suisse, principalement dans la région genevoise: la barlie de Robert.
Milieux secs et ouverts
Certaines orchidées apprécient les sols humides voire détrempés. D’autres, comme l’orchis bouc, s’installent sur des terrains séchards. «C’est dans les prés secs et les lisières de forêts qu’il se plaît. Comme toutes les orchidées, il n’aime pas les terres engraissées par des amendements.» Certaines années toutefois, l’absence de l’espèce sur des sites pourtant connus pour l’accueillir étonne.
Des raisons particulières peuvent-elles expliquer cette disparition? «Ces plantes doivent accumuler des réserves dans leurs bulbes afin de fleurir, parfois pendant une dizaine d’années. En outre, dans le cas de l’orchis bouc, l’automne doit être suffisamment humide et le printemps sans gel tardif. En conséquence, chaque année, seuls environ 10% d’une population parviennent à fleurir.»
Agents pollinisateurs
Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’orchis bouc dégage une odeur désagréable à nos narines. Elle n’en est pas pour autant répulsive pour les insectes. «Les principaux pollinisateurs d’Himanthoglossum hircinum sont des hyménoptères. Ce sont notamment des bourdons et des abeilles sauvages du genre Andrena.»
Le labelle des orchidées a pour but d’attirer les insectes, mais dans le cas de cette espèce, il s’agit d’une mystification. «Le labelle très voyant attire les insectes qui viennent y chercher du nectar. Or la plupart des orchis boucs n’en produisent pas. Toutefois, comme d’autres orchidées le font, les insectes s’y laissent prendre. Il y a tromperie sur la marchandise et on peut parler de leurre!»
Germination et champignon
Comme Daniel Jeanmonod l’écrit dans ses Chroniques botaniques hebdomadaires, l’orchis à odeur de bouc fleurit en juin et juillet et, comme pour la majorité des plantes à fleurs, il se reproduit par dispersion des graines. «Chez toutes les orchidées, ces graines sont minuscules, car sans réserve, contrairement aux autres familles de plantes.
Elles peuvent produire une quantité gigantesque de graines facilement dispersées par le vent, mais la difficulté tient dans le fait que celles-ci doivent rencontrer, dès leur germination, un champignon qui assurera la nourriture nécessaire à leur développement. La probabilité d’une telle rencontre est infime ce qui explique, entre autres, la rareté des orchidées.»
Une répartition limitée
En Suisse, l’orchis bouc est cantonné à une ligne qui longe le Jura, puis s’étend jusqu’à Schaffhouse. Il se trouve aussi le long de la vallée du Rhône, dans le Valais central. L’espèce jouit d’une protection dans plusieurs cantons, mais pas à Genève, par exemple, car elle y est relativement fréquente.
«À Berne et à Zurich, des plans d’actions spécifiques ont été annoncés, tandis qu’ailleurs, des mesures générales de protection des talus et prairies sèches et des fauchages ciblés en faveur des orchidées sont mis en place», détaille Daniel Jeanmonod. Fascinantes par leurs formes, leurs couleurs ou ce labelle qui abuse les insectes, les orchidées peuvent aussi être d’odeur délicate, à l’exemple de l’orchis vanillé.
+ d’infos Daniel Jeanmonod, Chroniques botaniques hebdomadaires, Mémoire No 7 de la Société botanique de Genève
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