Repères
Oiseau des champs, le rougequeue à front blanc bat de l’aile en Suisse

À l’instar du rougequeue à front blanc, les populations d’oiseaux nicheurs diminuent fortement en Suisse, surtout dans les régions de plaine. En cause: les modifications de leur environnement et la raréfaction des insectes.

Oiseau des champs, le rougequeue  à front blanc bat de l’aile en Suisse

L’un des premiers de retour sous nos cieux a été aperçu au parc Gallet, à La Chaux-de-Fonds (NE). Combien de milliers de kilomètres a-t-il parcourus? Quelles turbulences a-t-il traversées depuis ses quartiers d’hivernage en Afrique subsaharienne? Seul lui pourrait le dire. Et pourtant il est là. Quinze grammes de plumes, la gorge noire d’encre et le poitrail roux, il est en livrée nuptiale, le rougequeue à front blanc, prêt à faire ce pour quoi il est revenu dans nos contrées: se reproduire, nicher et perpétuer l’espèce, si possible…

On estime que 10 000 à 15 000 couples se reproduisent en Suisse. Un nombre en constante diminution, depuis la fin des années soixante. Dans nos contrées, la survie du rougequeue à front blanc est menacée comme 77 autres espèces d’oiseaux (voir l’encadré ci-dessous). Ce qui représente pas moins de 40% de l’avifaune helvétique. Plus encore que les chiffres alarmants publiés récemment au niveau européen. En cause: des zones naturelles exiguës et morcelées, une densification du territoire causée par l’urbanisation et les infrastructures, l’usage de pesticides, l’extension des monocultures et l’érosion de la biodiversité.

Un réfugié en ville

Le chant mélancolique du rougequeue à front blanc retentit au premier printemps, lorsque les arbres fruitiers se parent de fleurs. Les vergers à haute tige, les vieux arbres isolés forment son habitat de prédilection. Territorial, le mâle aime s’y percher pour lancer ses trilles. La femelle y cherchera bientôt une cavité pour construire son nid entremêlé de tiges, de mousses, de feuilles et de plumes. Mais la concurrence est rude, notamment avec l’étourneau, car les trous de pics inoccupés ou les cavités naturelles se font rares, les arbres âgés ou isolés ayant disparu de nos paysages, surtout sur le Plateau. «On sait pourtant que la présence des arbres est capitale pour cette espèce», signale Valéry Uldry, biologiste indépendant et chef du groupe rougequeue à front blanc de La Chaux-de-Fonds. Traditionnellement, l’oiseau s’installait dans les vergers pâturés, situés près des villages, mais beaucoup de ces biotopes ont disparu. Contraint de chercher d’autres lieux favorables, l’oiseau s’est rapproché des villes. «À La Chaux-de-Fonds, il trouve asile dans la frange urbaine, au cœur de certaines grandes propriétés arborées ou des parcs. La commune fait en sorte de préserver les arbres sénescents et nous sensibilisons les privés à sa présence. Depuis trois ans, nous installons aussi des nichoirs dans les sites favorables.» Avec 50 couples, la cité horlogère abrite un tiers de la population neuchâteloise. Elle a donc une responsabilité capitale dans la sauvegarde de cet oiseau inscrit sur la liste rouge et qui fait partie des cinquante espèces nicheuses prioritaires pour des mesures de conservation en Suisse.

La Chaux-de-Fonds se mobilise

L’installation de nichoirs (voir l’encadré ci-contre) peut être une mesure efficace si l’habitat offre des conditions favorables. Car début mai, lorsque la femelle aura couvé ses cinq à sept œufs bleu-vert, il s’agira de nourrir les oisillons. Insectivore, le rougequeue à front blanc repère ses proies d’un promontoire avant de fondre sur elles. Hyménoptères, coléoptères, diptères et araignées constituent l’essentiel de son régime alimentaire. Il les attrape principalement au sol, raison pour laquelle il lui faut des espaces clairsemés. «Le rougequeue a besoin d’un milieu extrêmement diversifié et morcelé, souligne le biologiste. Idéalement, des zones de prairies fleuries, pour que les insectes soient présents en nombre, mais aussi des surfaces à la végétation rase. Nous cherchons à quadriller la ville avec un réseau de verdure.» Grâce à une bonne collaboration avec les services d’urbanisme, une vingtaine d’arbres viennent d’être plantés. Les espaces verts profitent d’un entretien différencié et la Charte des jardins dicte la conduite de nombreuses parcelles privées.

La disparition des oiseaux n’est que la conséquence des modifications de notre environnement et de sa perte de biodiversité. Les populations d’insectes ont aussi dramatiquement diminué avec l’usage des pesticides et notamment des néonicotinoïdes. S’ils trouvent de quoi se nourrir et échappent aux nombreux dangers naturels, dents de la martre ou becs de corvidés, qui les menacent, les jeunes rougequeues à front blanc nés cet été à La Chaux-de-Fonds s’envoleront avant l’automne pour leur première grande migration.

Texte(s): Marjorie Born
Photo(s): DR

Posez des nichoirs, c'est utile!

Pour les oiseaux cavernicoles, comme le rougequeue à front blanc, les mésanges, les moineaux ou le torcol fourmilier, la pose de nichoirs artificiels peut compenser l’absence de cavités naturelles. Jardins, façades, espaces verts, vergers ou forêts se prêtent à leur installation. Un nichoir artificiel se fixe entre 1 m 80 et 3 m de hauteur, à l’abri des prédateurs que sont les chats ou les fouines. Une situation à mi-ombre est préférable. Installer un nichoir, c’est faire un geste en faveur de la nature. Toutefois, cette démarche ne sera d’aucune utilité si le milieu alentour n’offre pas de sources de nourriture ou s’il est particulièrement dégradé. Des moyens simples, au jardin, par exemple, permettent, en parallèle, d’améliorer la qualité des lieux, pour mettre toutes les chances de son côté.