Des cours de base au brevet fédéral, l'apiculture se professionnalise

Détenir des colonies d'abeilles requiert un large spectre de compétences. Le concept de formation d'Apisuisse permet de comprendre ce qu'il est nécessaire de savoir afin de pratiquer cette activité.
8 août 2024 Margaux Mauran 
Les formations permettent aux participants d’aborder l’apiculture sous de multiples facettes et d’avoir l’opportunité de diversifier leurs activités en lien avec les abeilles. © photos Margaux Mauran
© photos Margaux Mauran

En Suisse, aucune formation n’est obligatoire pour s’occuper d’abeilles. Pourtant, leur élevage n’est pas si éloigné, sur le papier du moins, de celui de bovins: il est question d’élever des êtres vivants en cheptel et de s’approprier une partie de ce qu’ils produisent, en l’occurrence du miel, de la cire ou leur descendance. Pour Francis Saucy, président de la Société romande d’apiculture (SAR), cet insecte est un cas à part. «Les abeilles bénéficient d’une belle image, dit-il. Beaucoup de gens veulent en avoir dans leur jardin.» L’apiculteur rappelle néanmoins le travail conséquent que représente l’entretien d’un rucher et oriente systématiquement les néophytes vers les sociétés locales afin d’y suivre une formation en bonne et due forme.

Une activité à part entière

Jusqu’aux années 1950, la grande majorité des apicultrices et apiculteurs helvétiques était active dans le monde agricole, la production de miel représentant une diversification intéressante. Mais celle-ci, avec l’industrialisation de l’agriculture, a été progressivement délaissée, car trop peu rentable. Le recensement systématique des colonies, à l’instar de ce qui se fait pour d’autres animaux de rente, n’a jamais été réintroduit depuis, tandis que la quasi-
totalité des 18 000 apiculteurs et apicultrices actifs en Suisse aujourd’hui sont des amateurs, ou ne vivent que partiellement de cette activité. De quoi rendre plus difficile la mesure de son ampleur et son poids économique. D’autant que le développement de l’agriculture urbaine et périurbaine a significativement élargi la palette des profils d’apiculteurs, et certains d’entre eux sont très éloignés des métiers de la terre et au bénéfice de diplômes universitaires.

Cursus spécifique

Un point commun toutefois: tous sont de mieux en mieux formés. En effet, sur mandat de l’Office fédéral de l’agriculture, la faîtière nationale Apisuisse a mis sur pied un cursus spécifique. En Romandie, le cours de base de deux ans est proposé par les différentes fédérations de la SAR. À la fois théorique et pratique, il permet d’obtenir les fondamentaux avant d’acquérir progressivement quelques colonies pour se familiariser avec l’élevage. En parallèle, certaines sociétés locales proposent des moyens complémentaires pour se former. Ainsi la Fédération jurassienne d’apiculture coordonne-t-elle par exemple un système de parrainage pour les débutants, dès la fin du premier module du cursus.

Une formation continue

Si le modèle diverge d’un canton à l’autre, chacune de ces deux années comporte en moyenne une dizaine de cours, contre une finance d’inscription s’élevant à quelques centaines de francs. Par la suite, une offre de modules de formation continue permet de se tenir au courant des dernières avancées scientifiques et de bénéficier de connaissances pratiques. Pour aller plus loin, il est ensuite possible de prendre part aux cours du brevet fédéral d’apiculteur/trice, seul enseignement reconnu à l’échelle nationale.

Trois ans de 
formation

Mise en place en 2016 en Suisse romande et au Tessin, deux ans après la Suisse alémanique, la formation aboutissant au brevet fédéral d’apiculteur/trice a déjà été suivie par 35 personnes. L’apiculteur Vittorio Quarta dirige cette filière pour laquelle il se charge notamment de recruter les intervenants spécialisés. Les 25 jours de formation organisés autant que possible hors de la saison apicole s’étalent sur trois ans et s’achèvent avec la défense d’un travail de brevet.

+ d’infos www.abeilles.ch

Diversifier ses revenus

Cet automne, la septième volée romande et tessinoise du brevet achèvera le dernier de cinq modules de formation répartis sur trois ans. Vie des abeilles et environnement, conduite du rucher, produits apicoles, élevage et création de colonies, santé des butineuses: les cinq volets balaient de nombreux aspects cruciaux de l’apiculture. Pour Dominic Caso, apiculteur depuis sept ans à Cudrefin (VD) et au Mont-Vully, ces cours constituent «une occasion d’approfondir chaque sujet, en soignant les bases théoriques». Par exemple, le contenu du module sur l’élevage est une manière de diversifier ses activités d’apiculteur, car la vente de reines ou de jeunes colonies d’abeilles constitue un intéressant débouché commercial.

Entre le rucher et le laboratoire

Voilà deux saisons que Mabel Hutchinson s’active à la réalisation de son travail de brevet: l’apicultrice étudie les abeilles et les produits de la ruche en tant qu’indicateurs de la présence de métaux lourds dans l’environnement, notamment près du site chimique de Monthey (VS). L’objectif est d’utiliser ces mesures afin qu’elles révèlent d’éventuels risques pour les humains et les insectes. Ainsi les concentrations de cadmium, chrome, plomb ou arsenic sont-elles quantifiées dans des échantillons d’abeilles, de pollen, de propolis, de cire et de miel. Deux ruchers éloignés de sources de pollution servent de témoins pour cette étude. Diplômée en chimie et à l’aise avec le monde académique, Mabel Hutchinson a approché l’Université de Neuchâtel, dans les laboratoires de laquelle sont réalisées les analyses. Cette étude est menée en collaboration avec plusieurs apiculteurs de la région, la société d’apiculture de Monthey (SAM) et la société Prayon, active dans la chimie à Bex (VD).

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