Avec la littérature, l'experte en finance brise la glace

Après trois ouvrages autoédités, l'écrivaine publie Glaces pillées, son premier roman aux Éditions Montsalvens. Rencontre avec une conseillère en investissements qui sait manier les mots.
2 novembre 2024 Milena Michoud
© Sigfredo Haro
© Sigfredo Haro

Elle aime marcher, Hélène Reichardt. Alors quand, depuis le café où on la rencontre, il faut se déplacer dans la ville pour la photographier devant les Alpes, pas question d’arrêter le récit: on continue en déambulant.

Pour le rendez-vous, celle qui vient de publier son dernier roman, Glaces pillées, aux Éditions Montsalvens, a choisi Nyon (VD). Proche de Tannay où elle vit depuis quinze ans, c’est dans cette ville qu’elle a posé ses valises en arrivant en Suisse, après des péripéties autour du monde. Surtout, c’est là que l’Alsacienne d’origine a trouvé «son endroit». «L’autre jour, ma fille m’a demandé où je voudrais habiter si j’avais le choix. En réalité, je ne me projette nulle part ailleurs.»

Ecrivaine voyageuse

Si la question lui est posée, c’est que l’écrivaine de 49 ans a une réputation de globe-trotteuse. Pour en découvrir la raison, il faut revenir à son récit. Son départ d’Alsace est d’abord lié à ses études. On pourrait l’imaginer choisir la littérature, il n’en est rien. Ce sera l’école supérieure de commerce de Reims.

Son diplôme en poche, elle est embauchée à 22 ans par une banque à Francfort. Elle y est Equity Sales – elle conseille des entreprises dans leurs investissements en actions – jusqu’en 2001. «La chute des tours jumelles m’a fait un choc», se remémore celle qui a fait un stage à New York et y compte des collègues.

Elle quitte alors la banque et l’Allemagne, pour partir sac au dos. D’abord en Asie, puis en Australie et en Amérique du Sud. «C’est là que j’ai commencé à écrire de manière systématique.» Elle qui s’adonnait à la poésie rédige des récits de voyage. «Je les envoyais par e-mail à une petite liste de diffusion.» Elle vit alors une première expérience d’édition puisque sa mère, bibliothécaire, compile, imprime et relie ses écrits, puis… les distribue. «Elle obligeait sûrement ses lecteurs à les lire», s’amuse l’écrivaine.

Son univers

Un plat

La flammekueche me manque. Je retourne ce week-end en Alsace et j’en salive déjà.

Un lieu

Le val d’Anniviers (VS) sera le lieu de mon prochain roman. Sinon, la cordillère Blanche au Pérou ou les Torres del Paine au Chili.

Un livre

«L’Arbre-monde», 
de Richard Powers, bien que je préfère son titre anglais, qui symbolise une histoire qui chapeaute les histoires: The Overstory.

Une poétesse

Cécile Coulon est très active sur les réseaux poétiques.

Vers plus de relief

Quand elle décide de rentrer, le marché du travail est saturé. «Après la crise financière de 2001, l’heure était plutôt aux suppressions de postes.» Elle trouve finalement un poste à Copenhague. Pouvant travailler à distance, elle envisage un retour en France. «Mais en voyant Paris depuis l’avion, j’ai su que ça n’allait pas être possible: c’était trop plat!»

À la recherche d’un endroit qui satisferait ses envies de paysages escarpés, elle prend sa décision en 2004: ce sera la Suisse. Dans son roman, le glacier valaisan qui disparaît tient presque la place d’un protagoniste. Pourtant, le récit n’en manque pas. Il y a la skieuse en convalescence après une chute, l’écolo suicidaire passée – ou poussée? – sous les roues d’un train, le conducteur du véhicule qui ne se remet pas de l’accident, le conjoint de la défunte qui peine à faire son deuil, mais aussi un policier fouineur et un médecin légiste émotif.

Un polar qui n’en est pas un

En filigrane, l’espoir. «Ou plutôt cette question: faut-il le garder?» Pour ne pas gâcher la lecture, on ne divulguera rien. Car Hélène Reichardt a pensé son roman comme une enquête policière. C’est d’ailleurs pour le concours du «polar des terroirs», organisé par les Éditions Montsalvens, qu’elle l’a rédigé. «En deux mois», et en recoupant divers écrits, initialement sans rapport 
les uns avec les autres, pour en faire une histoire.

«Après l’envoi du manuscrit, j’ai attendu longtemps», relate la Vaudoise d’adoption. Au détour d’une visite sur le site de la maison d’édition, elle constate que les finalistes ont été désignés et qu’elle n’en fait pas partie.

Les glaciers semblent éternels, 
on ne peut imaginer qu’ils vont disparaître.

Elle prend contact par e-mail et reçoit immédiatement un coup de fil. «L’éditeur m’apprenait que mon roman n’avait pas été considéré comme un polar, mais qu’il était le coup de cœur du jury.» Désormais publié, Glaces pillées inaugure une nouvelle collection: «Lac noir, thriller helvétique».

Laisser des traces

Son rapport aux glaciers part d’un émerveillement. «Ils semblent éternels, on ne peut imaginer qu’ils vont disparaître.» C’est justement pour ça qu’Hélène Reichardt écrit: pour laisser des traces. En 2013, elle tente même de mettre à profit son expertise dans le conseil en investissement pour créer une société de «coffres-forts digitaux». L’idée: déposer sa mémoire et ses expériences de vie sur un compte immatériel.

«Mais les gens l’ont perçu comme un testament et ont pris peur», explique-t-elle. Tout en avouant ne pas faire exception: «Dans le tourbillon de la vie, on est toujours occupé à faire autre chose.» L’auteure assume ses contradictions. «La cause des glaciers me touche, mais comme tout le monde, écologiquement je suis incohérente», confie celle qui ne se considère «ni comme activiste ni comme jusqu’au-boutiste».

Travail d’imagination

Alors qu’on l’imagine s’être immergée dans les glaciers, Hélène Reichardt travaille surtout à partir de son imagination et de sa mémoire. Avec ce roman, elle découvre une actualité littéraire chargée. Celle qui travaille toujours dans une société financière avoue apprécier les «conversations hors finance» permises par les rencontres autour de son livre.

Quand on lui demande s’il lui arrive de voir une incompatibilité entre les deux, elle répond simplement: «Tout le monde a une fibre créatrice. Il faut juste la trouver et la laisser s’exprimer.» Comprenez qu’elle, elle a trouvé la sienne.

+ d’infos Glaces pillées, Hélène Reichardt, 
Éditions Montsalvens, 224 pp. Le livre est disponible sur boutique.terrenature.ch

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